24 mars 2019

Heat

A l'orée des années 90, Michael Mann était le seul cinéaste en mesure de réunir les deux plus grands acteurs de notre temps. Val Kilmer et Danny Trejo. Avec, entre les deux, la star absolue du cinéma de 1995 : Tom Sizemore. Comment évoquer Heat sans revenir sur la scène-monstre du film, celle qui en a inspiré plus d'un, et qui compte pour 20% de la durée totale du métrage (soit vingt minutes), nous voulons évidemment parler de l'ouverture du film en forme de long face à face entre les deux monuments du 7ème art, Kilmer et Trejo, de part et d'autre de la table d'un diner, plan-séquence tourné en champ contrechamp (alors que les deux acteurs ne se sont jamais croisés durant les 24 semaines de tournage : magie du cinéma), dénuée du moindre dialogue. Le flic et le voyou (pris à contre-emploi, puisque Trejo incarne le flic idéal, le serpico des 90s, et Kilmer le grand voyou, le Corleone aux tempes grisonnantes fin de siècle) se retrouvent autour d'un bon kefta et n'échangent pas le moindre mot. Des grands critiques ont même poussé l'analyse jusqu'à dire que les deux comédiens n'échangent pas non plus le moindre regard. Après calcul des trajectoires de mirettes, la preuve est faite que ces quatre globes oculaires ne se rencontrent jamais. On devrait dire trois, quitte à révéler l'un des secrets les mieux gardés de Trejo, dont l'un des capteurs visuels a rendu l'âme lors d'un passage de frontière mexico-états-unienne mal négocié. 




On ne compte plus le nombre de films qui restent de pâles imitations de ce pilier du cinéma contemporain. Beaucoup s'y sont frottés, parmi lesquels Christopher Nolan qui a avoué sa dette envers Michael Mann sur les plages de Dunkerque, filmées exactement comme les rues, la banque et le diner de Los Angeles dans le film-modèle, qui aura servi de mètre-étalon pour tout un genre, et que l'on ressort régulièrement du placard pour mesurer des dimensions.




Petit retour sur le titre, Heat, soit "Condensation". Depuis le film, autrement dit depuis circa 1995, nous ressentons la pression qui grimpe à chaque fois qu'un costume de flic tourne le coin de la rue. Sueur aux tempes, moustache moite, aisselles Niagara, palpitant qui s'envole, entre-doigts de pieds enduits de graisse de phoque, genoux qui tremblent, raie du cul qui fait rigole. Et ce alors que nous sommes blancs comme neige aux yeux de la justice. On s'est juste retapé Heat dans le week-end, comme chaque week-end, et on a pu constater la force de frappe toujours intacte du cinéma de Mann. Aucun film ne porterait mieux son titre. Et aucun titre ne porterait mieux ce film.


Heat de Michael Mann avec Val Kilmer, Danny Trejo et Tom Sizemore (1995)

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