2 décembre 2012

Le Carrosse d'or / Les Enfants du paradis

Au moment où Les Enfants du Paradis (1945) de Marcel Carné, diffusés il y a quelques semaines sur Arte et ressortis récemment sur les écrans de cinéma, viennent d'être édités dans une beau coffret dvd et bénéficient d'une vaste exposition à la Cinémathèque Française, ressort plus confidentiellement au cinéma dans une copie restaurée de toute beauté et dans la version anglaise d'origine Le Carrosse d'or (1953) de Jean Renoir, qui marqua le grand retour du maître en Europe après un joyeux exil de 13 ans et de 7 films aux États-Unis. L'actualité partagée par les deux films pousse d'autant plus à les comparer qu'ils partagent de nombreux points communs. Les Enfants du Paradis raconte l'histoire, au début du XIXème siècle, d'une femme du peuple, Garance (Arletty), libre et intrépide, partagée entre trois hommes (presque quatre). Deux d'entre eux sont du spectacle et vont l'y pousser à son tour : Baptiste (Jean-Louis Barrault), génie de la pantomime, homme simple, discret et fier, amoureux transi de Garance, et Frédérick (Pierre Brasseur), un comédien de théâtre de grand talent en perpétuelle représentation, passionné par son métier, épris de célébrité et sûr de lui. En omettant le criminel Lacenaire, qui ne possède jamais Garance, même de loin, le troisième prétendant est le riche comte de Montray (Louis Salou), qui achète les faveurs de la dame à force d'offrandes et de promesses de confort. Le Carrosse d'or, librement inspiré d'une pièce de Mérimée, raconte l'histoire, au début du XVIIIème siècle, de Camilla (à la ville, Colombine à la scène), une comédienne (Anna Magnani) entièrement dévouée à sa tâche, force de la nature entreprenante, joyeuse et culottée, émigrée avec sa troupe de théâtre au Nouveau Monde, plus précisément dans une colonie espagnole d'Amérique du Sud, pour y exporter la Commedia dell'arte. Elle doit choisir entre trois soupirants, Felipe (Paul Campbell), un compagnon de voyage et ami de la troupe, homme sincère, modeste et profondément amoureux d'elle, Ramon (Riccardo Rioli), le toréador le plus célèbre du coin, prenant la pose en toutes circonstances, prétentieux et possessif, tombé sous le charme de Camilla lors d'une représentation et désireux de la mater comme on mate un taureau impétueux, et enfin le vice-roi Ferdinand (Duncan Lamont), dirigeant de la colonie, un homme léger que sa condition ennuie et qui voit en l'actrice, qu'il séduit à coups de cadeaux grandiloquents (un collier d'or puis le carrosse du titre), un espoir d'émancipation et de gaieté.





Voici donc deux films aux scénarios pratiquement jumeaux et dont le cadre comme le sujet ne sont autre que le théâtre. Et pourtant Le Carrosse d'or s'impose comme une sorte d'anti-Les enfants du paradis. Il est d'ailleurs significatif que François Truffaut qui, comme ses camarades des Cahiers jaunes, méprisait le film de Carné, considéré comme le parangon du réalisme poétique de studio le plus rance, d'un cinéma empesé et illégitimement occupé comme la France venait de l'être pendant quatre ans, symbole en bref de ce qu'il nomma la "qualité française", admirait sans limites le film de Renoir, au point d'appeler sa propre maison de production "Les Films du Carrosse". Je ne cacherai pas qu'ayant découvert ces deux films assez récemment (je vous recommande la vision du chef-d'oeuvre de Renoir en salle, sa remasterisation offrant une occasion sans pareille de le voir dans des conditions optimales), et bien qu'il soit difficile de juger celui de Carné sans se laisser influencer par les textes et propos incendiaires des jeunes turcs des cahiers ou de Serge Daney après eux, je rejoins sans la moindre difficulté ces derniers. Pire, le très long film de Carné paraît plus lourd encore, plus étouffant et plus engoncé dans sa langue, ses décors, ses costumes, sa gentille mise en scène et son programme quand on admire celui de Renoir dans la foulée, avec tout son génie, sa légèreté et sa grâce.





On a souvent reproché aux Enfants du paradis de se complaire dans la lourdeur du théâtre (ou de la pantomime) filmé(e), non seulement parce que Carné filme parfois et sur de longues durées des spectacles entiers, caméra fixe plantée devant la scène pour une captation sans implication et bienheureuse de se reposer sur la qualité des numéros représentés, chose que Renoir ne fait pratiquement jamais, mais aussi à cause d'un fatras verbeux et gestuel dans lequel le film s'enlise en délayant le texte sur-écrit de Prévert et en filmant des acteurs au mieux en sur-jeu quasi constant, au pire cabotinant sous prétexte que leurs personnages sont des gens de théâtre parlant comme des livres en toute circonstance avec le bagage de calembours, de bons mots et de poésie de caniveau que cela implique. Face à cela Renoir ouvre son film sur une idée aussi simple que géniale, et toute cinématographique, qui nous tansporte loin de l'introduction boursouflée de Carné, avec la séduction de Garrance par Frédérick au milieu d'une foule bien compactée dans le cadre et le sauvetage presque chaplinesque (je dis bien presque, parce que la mise en scène plan-plan n'est pas à l'avenant) de la même Garance par le mime Baptiste qui, la voyant se faire accuser du vol d'un porte-feuille, l'innocente auprès d'un policier en rejouant la scène tout en gestuelles. Le générique du Carrosse d'or, comme celui des Enfants du paradis du reste, se déroule sur un rideau de théâtre rouge (on imagine celui de Carné rouge aussi même si le film est en noir et blanc) peint sur bois qui bientôt se soulève et laisse découvrir sur la scène le décor d'un grand escalier de palais où des hommes et des femmes de la noblesse espagnole accourent avant d'aller se presser aux fenêtres à l'annonce d'un carrosse. Par un simple raccord dans l'axe resserrant le champ sur la fenêtre où les personnages s'agglutinent, Renoir nous fait passer du théâtre au cinéma, confirmant cette immersion par une suite de nouveaux plans qui nous font passer avec un serviteur du grand hall d'entrée initial à diverses anti-chambres et jusqu'à la loge du vice-roi, loin au-delà du décor servant d'unique scène au théâtre et des limites spatiales imposées à cet art.





Cette introduction est largement programmatique puisque Renoir va, tout au long du film, exceller à évoquer le théâtre avec des moyens de cinéma. Pour signifier, sans jamais s'appuyer sur des dialogues, fussent-ils issus de la plume exaltée d'un poète en verve, à quel point la cour du vice-roi avec son grand cérémonial et les grands manèges de la noblesse - dont les pontes méprisent les petites gens du théâtre voisin -, constituent eux-mêmes un ensemble d'acteurs et se donnent constamment en représentation, à grand renfort de costumes exubérants et de lourdes perruques, Renoir utilise d'abord un montage parallèle quand, au début du film, tandis que Camilla et ses amis comédiens construisent un théâtre puis répètent leur spectacle, il coupe brutalement le plan sur la fin de leur petite saynète sans public et monte en faux-raccord une rangée de nobles qui applaudissent à tout rompre. Ils n'applaudissent évidemment pas le travail des acteurs mais bien, comme nous le révèle un contrechamp, l'arrivée du vice-roi dans son nouveau carrosse d'or, qui en sort et salue son public tel un comédien à la fin de son spectacle. La chose se traduit ensuite dans des montages parallèles plus distants et via des effets d'écho et de reprise, par exemple quand la troupe de Camilla donne son premier spectacle devant les campesinos locaux puis quand l'actrice est convoquée par le vice-roi après sa première représentation au palais. Dans la première séquence, le maître de cérémonie de la troupe italienne raconte au public l'histoire d'un jeune homme qui voyait une femme à la place de son propre reflet quand il se regardait dans le miroir, histoire interprétée par Camilla/Colombine et un camarade de jeu qui se tiennent de part et d'autre d'un cadre en bois figurant ledit miroir en s'imitant mutuellement. Dans la deuxième séquence, Camilla est au palais avec le vice-roi qui lui fait la cour et Renoir tourne ce plan sublime où les deux personnages sont debout dans un couloir donnant sur une salle de bal, aperçue en profondeur de champ à travers deux ouvertures de part et d'autre du plan qui délivrent exactement le même spectacle comme dédoublé : des nobles dansent le menuet en ligne et en cadence dans toute la largeur de la pièce, donnant l'impression qu'un miroir serait disposé entre les deux portes ou que ces dernières seraient deux écrans jumeaux diffusant le même spectacle.




Le motif du miroir est d'ailleurs fondamental dans l’œuvre puisque Renoir rejoue une même scène à la fin du film, inversée d'une fois sur l'autre : c'est d'abord le vice-roi qui doit gérer d'une part Camilla, seule dans une pièce et attendant de chevaucher avec lui le carrosse d'or qu'il lui a promis, d'autre part sa maîtresse, qui l'attend pour la même raison dans une autre pièce, et, entre les deux, les nobles qui veulent lui signifier leurs conditions et le menacent de lui retirer leur appui s'il laisse cette femme du peuple posséder le fameux carrosse, symbole de la grandeur du royaume. A la fin du film, c'est Camilla qui fera le va-et-vient entre trois pièces différentes de la maison léguée à sa troupe par le vice-roi Ferdinand, où l'attendront Felipe, Ramon et Ferdinand lui-même. Au palais, les pièces sont filmées à plat, distribuées sur une ligne horizontale qui donne lieu à un montage par cut constitué d'une suite de raccords-mouvement à chaque entrée et sortie du vice-roi dans les trois pièces où se joue la scène vaudevillesque, tandis que chez Camilla tout se déroule dans une grande profondeur de champ ouvrant sur plusieurs pièces successives en enfilade et permettant des croisements sans rencontre entre les personnages. Cette deuxième version de la scène, plus franchement cinématographique (à l'image du chassé-croisé final de La Règle du jeu), s'oppose en apparence à la première, plus théâtrale, étant donné la disposition des pièces filmées en plan de coupe, la caméra se plaçant toujours du même côté du décor, celui du quatrième mur des spectateurs. Mais ce serait sans compter sur l'utilisation que Renoir y fait du son lorsque Camilla, impatiente de partir en carrosse avec le vice-roi, et jalouse d'apercevoir depuis la fenêtre la maîtresse de son amant, qui l'attend elle aussi dans une pièce jumelle en vis-à-vis (ou en miroir, donc), se met à jouer de la guitare pour littéralement sonner son homme et investir tout le palais de sa personnalité aussi fière et imprévisible qu'inappropriée.





C'est ce principe d'amalgame entre théâtre et cinéma qui régit tout le film et que Renoir accomplit avec brio. Un bon exemple se trouve dans la scène déjà évoquée et qui se déroule au palais, après le spectacle qu'y donnent les comédiens : le lieu tout entier est représenté comme un théâtre par des moyens de cinéma. Les nobles commentent le spectacle de ceux qu'ils nomment les "saltimbanques", une musique de salon aristocratique sans source diégétique retentit quand soudain les serviteurs du vice-roi retirent au fond de la pièce un élément de décor du spectacle pour dévoiler les musiciens du palais, installés en cercle pour jouer une danse de salon. Quelques secondes après, dans un couloir, un rideau est tiré qui dévoile l'épouse d'un noble à ce dernier, en train d'en embrasser un autre. Surpris, les deux tourtereaux prennent la fuite sur la pointe des pieds, à la manière là encore de Marceau et Lisette poursuivis par Schumacher dans La Règle du jeu lors de la fête à la Colinière devenue ici fête au palais. Tous ces levers et toutes ces chutes de rideaux, qui ont lieu dans la profondeur de champ ou qui viennent élargir ce dernier, font certes du palais un théâtre mais valent paradoxalement pour autant d'effets cinématographiques. Nous sommes loin, encore une fois, non seulement des joutes verbales permanentes et autres soupirs à répétition des néanmoins excellents (Arletty et Maria Casarès exceptées) comédiens du film de Carné, mais loin aussi, à la fin des Enfants du Paradis, du lever de rideau orchestré par le criminel Lacenaire pour révéler le baiser échangé par Baptiste et Garance au Comte de Montray et à Frédérick, pensé et filmé quant à lui comme un pur et simple coup de théâtre.





Comparé à l'immense film de Renoir, celui de Marcel Carné, même s'il peut avoir quelque charme et s'il recèle des morceaux de bravoure de la part d'acteurs servis par un texte aux arabesques souvent virtuoses, mord la poussière. Mais puisque Les Enfants du paradis repose tant sur son texte et sur les acteurs qui le disent, on pourrait lui laisser une chance de ce côté-là et faire un match retour, le premier, celui de la mise en scène, n'ayant même pas eu lieu. Or je donnerais cent mille Arletty, avec son visage cireux, ses moues surfaites et son accent titi-parisien ridicule (que tout Paris se batte pour cette vasque vide, froide et défraîchie ne laisse pas d'étonner), pour une seule Anna Magnani, vivante, généreuse, bouleversante à chaque apparition, et notamment dans ce gros plan où, tombée à la renverse et serrant le collier en or offert par le vice-roi, des larmes perlent au bas de ses yeux après que Felipe l'a giflée. Bouleversante et belle donc, la Magnani, et drôle aussi, dans un film qui l'est énormément. Renoir, comme Chaplin pour le coup, ne s'est jamais tellement pris au sérieux, mais il touche ici et ailleurs (on pourrait parler entre autres de French Cancan, son film suivant, qui se penche également sur le monde du spectacle à travers l'histoire du fondateur du Moulin Rouge mais qui dans la forme interroge davantage quand à lui les relations entre le cinéma et la peinture) à la quintessence de son art et nous émeut, dans un film qui montre à quel point le spectacle est dans la vie et vice versa, comme le synthétise magistralement la dernière scène du film où le chef de la troupe italienne demande à Colombine, seule sur scène, de le rejoindre dans le monde du théâtre, son monde, celui qui l'obsédait tant avant qu'elle ne le délaisse pour les hommes, à quoi Camilla répond, dans une dernière réplique géniale, que ces trois hommes-là, ceux de la vraie vie, lui manquent "un peu". Renoir affirme que le spectacle ne suffit pas, qu'il faut dépasser les frontières du théâtre, ce qu'il a littéralement décrété dans l'introduction par la grâce d'une caméra repoussant les murs et élargissant la représentation artistique du monde, pour que tout cela soit précisément vivant. C'est tout ce que Carné n'a pas compris qui, à force de filmer un monde au-delà de la vie, en a oublié de la filmer elle aussi.




Le retour en grâce que connaît le film de Carné actuellement, même s'il n'a jamais cessé d'être considéré comme l'un des plus grands films français par l'immense majorité du public et de la critique, a du bon en cela qu'il pousse à se poser la question de nouveau, à essayer de déjouer les pièges de la cinéphilie et des vieilles (mais toujours vraies, plus vraies que jamais même à une époque où le cinéma "de qualité" domine partout) querelles critiques, et à choisir à nouveau non pas son camp mais son cinéma, si tant est qu'il ne nous choisisse pas. Plus de soixante ans après la bataille, j'ai choisi le mien ou bien m'a-t-il choisi, et il porte entre autres le nom de Jean Renoir. Fait de cinéma avant de reposer sur un scénario, des dialogues, des costumes et des décors, Le Carrosse d'or m'apparaît comme l'antithèse absolue du film de Carné en tant qu'il est certes parfaitement maîtrisé mais néanmoins ouvert, varié, aérien et coloré. Vous me direz, et je ne vous contredirai pas, que le film de Renoir est en couleurs et l'autre en noir et blanc, mais quand bien même le technicolor remasterisé du Carrosse d'or éclate en une symphonie de rouges, de bleus, de verts et de jaunes éblouissants portés entre autres par les maquillages bariolés de la troupe de théâtre et leurs costumes d'Arlequin, auxquels la musique de Vivaldi ne fait qu'ajouter, cela dépasse cette simple question : le film de Renoir est une explosion de vie, de naturel et de vérité là où le film de Carné, qui a, il faut le dire, beaucoup vieilli, ploie à mes yeux sous le carcan qu'il s'est imposé. C'est la différence entre un film qui respire et un autre qui ne respire pas. Je terminerai sur les mots de Serge Daney, qui disait quelque chose comme : "Si le cinéma c'était Les Enfants du paradis, j'aurais choisi l'aquarelle". Fort heureusement le cinéma c'est Le Carrosse d'or et quand on le voit on le choisit mille fois.


Le Carrosse d'or de Jean Renoir avec Anna Magnani, Paul Campbell, Riccardo Rioli et Duncan Lamont (1953)

Les Enfants du paradis de Marcel Carné avec Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur et Louis Salou (1945)

53 commentaires:

  1. A noter qu'il est permis de voter "génial" pour l'un et "à chier" pour l'autre et de laisser planer le doute...

    RépondreSupprimer
  2. C'est pas le film avec Jacques Villeret?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu confonds avec Les Enfants du marais et Un Crime au paradis, le remake en deux parties des Enfants du paradis.

      Supprimer
    2. Bravo. Enfin quelqu'un qui ose !
      Le ciné de Carné est de la vieille carne figée.
      Arletty... Pffff !!! Insupportable.
      Et je serai encore moins indulgente que vous sur les dialogues et le texte. C'est poussiéreux, mécanique, très "Ecoutez la belle verte! ". On voit les fils et les rouages de chaque phrase.
      Tout ce salmigondis sent en effet le rance.
      (Même si, franchement, et entre nous, Truffaut ne réussissait que rarement à faire mieux!
      Vous avez vu "La Merveilleuse visite" ou "Les Jeunes loups" du même Carné ? Ils valent leur pesant de peanuts. L.F.

      Supprimer
  3. Sinon, vous savez faire des, hum, " critiques " sans vous toucher la bite 74 fois de suite sur Truffaut/Bazin/Daney ?

    Genre, vous avez une pensée propre ou vous vous contentez de vous approprier " les films de ma vie " ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je te répondrai d'abord par une citation, et qui tombe à pic puisqu'elle est de Renoir, qui disait : "c’est très ambitieux mais je vous ferai remarquer, mes chers amis, que quitte à prendre des maîtres il vaut mieux les prendre grands. Ca ne veut pas dire qu’on se compare à eux, ça veut tout simplement dire qu’on essaie d’en prendre de la graine."

      Je répondrai ensuite que j'assume absolument l'influence des critiques que tu cites (tu nommes probablement les trois plus grands critiques français) et que me taxer de m'approprier, comme tu le dis, "Les films de ma vie", qui est l'un des meilleurs ouvrages critiques de François Truffaut, ne me fait pas offense, bien au contraire.

      Je dis qui plus est dans l'article que j'ai essayé, en voyant ces deux films, de me départir de l'influence de la critique à leur sujet, ce qui n'est certes pas chose facile, et de les voir tels qu'ils sont. Je ne jure pas d'y être arrivé.

      Par ailleurs, parmi les 700 critiques postées ici, il y en a un certain nombre qui traitent de films réalisés après 1992, soit à une époque où les trois critiques que tu cites étaient malheureusement décédés, et malgré tous les talents que je leur connais, je ne suis pas certain qu'ils furent précogs (même s'il est vrai que Daney notamment avait vu venir beaucoup de ce dans quoi nous nageons actuellement).

      Supprimer
    2. Et pour avoir rédigé moi-même quelques critiques par le passé, je t'assure, Anonyme, que c'est très difficile d'écrire un article sans se toucher constamment la bite !

      Supprimer
  4. Pourquoi choisir? Les 2 sont magnifiques

    RépondreSupprimer
    Réponses

    1. Qui parle de choisir ? Choisit-on entre l'eau et le vinaigre quand on a soif ? On ne choisit pas. C'est juste évident. Les Enfants du paradis est le plus grand malentendu du cinéma français, ça aussi c'est une évidence. Il serait temps qu'on cesse de perpétuer cette monstrueuse erreur aussi fossilisée que le film lui-même.
      Mais peu de gens osent. LF

      Supprimer
    2. Yoyo > C'est pour ça que je dis qu'on ne choisit peut-être pas en réalité. Mais adorer les deux de façon parfaitement égale me semble étrange. Libre à vous ceci dit.

      Supprimer
    3. Je me suis mal expliqué (pas du tout même) il n'est pas question d'aimer les 2 de manière égale, mais de les aimer pour des raisons différentes. Il ne me vient pas l'idée de les comparer et de les classer. Mais ça ne me dérange pas que vous le fassiez (putain qu'est ce que je suis consensuel :) )

      Supprimer
  5. C'est bon, on ne va pas non plus s'extasier parce que notre ami Rémi "ose" s'attaquer aux Enfants du Paradis... Jouer Renoir contre Carné, ça fait plus de 50 ans que des critiques le font. C'est aussi vieux que l'admiration des autres pour Les Enfants du Paradis...
    Ce qui me gêne dans cette prise de position, c'est qu'elle sous-entend que le meilleur Carné sera toujours en-dessous du pire Renoir (qui n'est bien sûr pas Le Carrosse d'or, mais Renoir a, lui aussi, fait de mauvais films). Or, si l'œuvre globale du second est largement supérieure à celle du premier, deux ou trois films de Carné, dont celui-ci, ne sont nullement écrasés par les meilleurs Renoir.
    Cela dit, cette critique de Rémi est intéressante et argumentée. Rien à voir, par exemple, avec le court texte publié dans les Inrocks, lapidaire, se contentant de reproduire servilement la doctrine "pour Renoir, contre Carné" (en ne parlant, par exemple, à propos des Enfants du Paradis, pratiquement que de Prévert).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu noteras que je n'ai jamais prétendu inventer la poudre à canon en rejouant le fameux match Renoir/Carné, et que je précise bien (je me cite moi-même, cela plaira sans doute à celui qui me reproche de citer les autres) que je le rejoue "près de 60 ans après la bataille". Le but était précisément de profiter de la ressortie concomitante de ces deux films aux scénarios assez proches pour les voir et les comparer à nouveau afin de se positionner pour ou contre l'un ou l'autre aujourd'hui, longtemps après les disputes à vif des années 50 et leurs lourds enjeux (Nouvelle Vague naissante, etc.), à partir d'un regard aussi personnel que possible et plus ou moins "analytique", même si j'avoue m'intéresser plutôt à la mise en scène de Renoir qu'à celle de Carné, sur laquelle je trouve bien peu à dire, et bien moins encore quand ce dernier souffre la comparaison.

      Supprimer
    2. D'autre part je ne sous-entendrai pas que le meilleur Carné sera toujours en-dessous du pire Renoir, n'ayant pas vu tous les Renoir (et aucun de mauvais à ce jour) et encore moins tous les Carné. En revanche cela n'empêche pas d'affirmer, selon moi, que ce film-ci de Carné est totalement écrasé par les meilleurs Renoir, dont Le Carrosse d'or on l'aura compris.

      Supprimer
    3. Bien sûr, Rémi.
      Je réagissais surtout, d'une part, par rapport à quelques commentaires, et, d'autre part, par rapport à ceux qui suivent cette ligne pro-Renoir/anti-Carné (dans le sens où l'amour de l'un condamnerait l'autre).
      Et je redis, ou je précise, que, même si je ne suis pas d'accord sur le film de Carné, ton texte est tout à fait honnête par rapport à ta pensée propre, ce qui n'est pas toujours le cas, loin de là, de certains, dont on se demande si pour rester dans la ligne truffaldo-daneyenne ils revoient vraiment les films.

      PS : De mauvais Renoir ? De ce que j'ai vu, "Tire au flan" est nul et "La vie est à nous" n'a pas grand intérêt hormis sa signature. "Elena et les hommes" n'est pas terrible. Ses quatre derniers (que je ne connais pas) ont fortement divisé à l'époque. De même, parmi ceux tournés en Amérique, tous n'ont pas bonne réputation (je ne connais que "Le journal d'une femme de chambre", très réussi à mon avis).

      Supprimer
    4. @Remi : On a parfaitement compris pourquoi tu mettais les deux en comparaison. On va juste dire qu'un excellent Renoir ne vaut cartainement pas un excellent Carné (si ça existe). Ni qu'un mauvais Renoir n'est aussi mauvais qu'un mauvais Carné. Vous me suivez...?
      Selon moi, le plus mauvais Renoir c'est La Femme sur la plage avec Robert Ryan, Joan Bennett et Charles Bickford (mais on doit pouvoir en trouver d'autres). Eh bien, ça reste quand même 100 coudées au-dessus d'un "bon" Carné (re-sic). Je précise que je n'ai pas l'âge de connaître les querelles Machin contre Truc. C'est juste, je le répète, une évidence. Un peu comme comparer une fraise des bois et une fraise Tagada. On peut bien sûr aimer les fraises Tagada. C'est juste moins parfumé, moins nourrissant. Et surtout moins beau. LF.

      Supprimer
    5. Édouard : Je n'ai pas vu "Tire au flan" ni "La vie est à nous". Je dois voir "Elena et les hommes" bientôt, qui a déjà un argument pour lui, Ingrid Bergman. Concernant les films tournés en Amérique, j'ai vu "L'homme du sud", un film assez bon et franchement intéressant, et "Le Fleuve" qui est une merveille. Parmi ses quatre derniers, "Le Déjeuner sur l'herbe" en tout cas est superbe.

      Anonyme (LF) : Je n'ai pas l'âge non plus d'avoir connu en direct les querelles critiques des années 50, mais on peut toujours les lire. D'ailleurs nous n'avons pas l'âge non plus d'avoir découvert les Renoir et les Carné en salles :D

      Supprimer
  6. bonjour,
    Je place Renoir au dessus de tout : un grand maître, incontestable !!! cependant, malgré ses défauts le film de Carné garde un certain charme auquel je me suis laissée prendre parce que les dialogues sont savoureux et les acteurs formidables - surtout la première partie, après ça se gâte. (contrairement à vous, j'aime beaucoup Arletty et son personnage) et puis les seconds rôles sont épatants.
    Il faut rappeler que Truffaut est revenu sur son opinion de jeunesse, et à dit qu'il aurait aimé réaliser "les enfants du paradis"... comme quoi ! La critique a souvent des enjeux idéologiques. Et je pense qu'il faut garder sa "fraicheur" et son esprit d'enfance quand on regarde un film...
    En tout cas, votre article est très intéressant et la comparaison pertinente.

    bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ce commentaire. Il est vrai que Truffaut, bien plus tard, devenu réalisateur, a fait amende honorable auprès de Carné, mais il l'a fait aussi auprès de Claude Autant-Lara par exemple... J'imagine qu'il avait le souci de se réconcilier avec le monde entier, lui qui avait été de loin le plus virulent à l'époque des Cahiers jaunes, époque où le refus des films "de qualité française" était vital et légitime pour une jeune génération désireuse de dépoussiérer le cinéma français.

      Mais Truffaut était de toute évidence parfaitement sincère quand il écrivait ses papiers. En revoyant le film aujourd'hui il ne me semble pas qu'on puisse le soupçonner de posture idéologique tant sa vision "de jeunesse" du film de Carné paraît toujours juste. Daney avait les mêmes positions, longtemps après la Nouvelle Vague et les enjeux de la période.

      Supprimer
  7. Superbe article... Mais moi je choisis "Les enfants du Paradis", je ne trouve pas qu'il filme le théâtre et surtout il ne filme pas de spectacle en entier ! De plus ça reste avant tout un hommage à l'art du pantomime alors que toute l'histoire prend coeur en dehors des planches... D'une longueur Carné offre un diamant brut...

    RépondreSupprimer
  8. Ce qui plaide immédiatement contre Carné c'est que Guillaume Canet et Marion Cotillard aient prénommé leur fils Marcel pour faire Marcel Canet et rendre hommage à l'auteur des Enfants du Paradis aux dépens de leur enfant.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est l'argument massue !!
      Moi qui croyais naïvement que c'était un hommage au grand Desailly, surnommé "The Rock" (qui est également l'un des films préférés du couple, si je ne m'abuse)...

      Supprimer
  9. Un petit bonus, la présentation du Carrosse d'or par Jean Renoir lui-même : http://www.ina.fr/art-et-culture/cinema/video/CPF86635746/le-carrosse-d-or.fr.html

    Il parle au début des libertés prises vis-à-vis du texte de Mérimée pour trouver une forme plus cinématographique qu'un pur échange de dialogues même parfaitement écrits... Il rend ensuite hommage à Magnani entre autres, et affirme la supériorité selon lui de la version anglaise du film, que nous avons la chance aujourd'hui de pouvoir redécouvrir en salles.

    RépondreSupprimer
  10. Je n'ai pour ma part vu que le Carné (la semaine dernière au cinéma, restauré machin)... et j'ai beaucoup aimé ! J'ai passé un très agréable (long) moment, j'ai ri, j'ai été amusé et c'était du bon divertissement.

    Passée cette impression, plusieurs choses m'en sont ressorties.

    D'abord j'ai aimé le film parce qu'il a pour décor un Paris peu mentionné, celui de la mi-19ème Siècle, que l'on ne montre presque jamais au cinéma, et qui moi me semble l'une des périodes les plus intéressantes de l'histoire de France (rien que sur la politique : révolution de 1830, révolution de 1848, dictature de Napoléon 3...), celui du Boulevard du Crime aussi (c'est à dire chez moi, le buste de Frédérick Lemaitre est en bas de ma rue) et d'une frange de parisiens que les autres films se concentrant sur cette époque montrent rarement (en dehors de l'exception notable des Misérables) au détriment des princes et princesses dansant sur les trois temps tournants de Johann Strauss : les pauvres, les faubouriens, les saltimbanques, les voleurs. Rien que pour ce décor et ces personnages, le film m'a ravi.

    Quant à l'histoire, cette histoire de triangles amoureux entrelacés par-dessus la trame sus-citée, on s'en fiche un peu.

    Parce que finalement c'est un film qui vit par et pour ses personnages(/acteurs), avant tout. Les dialogues sont conçus pour eux, les costumes et les cabrioles aussi. Les acteurs (magistralement bien) choisis pour en faire des canons caractériels.
    Et c'est un film qui vaut pour ses personnages masculins, tout le panel est là.
    Les femmes n'y sont à mon sens que prétextes. C'est pourquoi ni Maria Casarès, sa bouche de travers et ses yeux de merlan frit, ni Arletty, son accent parigot et ses cernes-pour-yeux-toujours-ouverts ne m'ont géné : elles ne jouent pas des personnages féminins agréables ou attachants mais elles les jouent bien, justement et on n'aurait pas trouvé mieux pour les interpréter. Alors oui, certes, on ne bande pas pour les femmes du film, mais peu importe, c'est comme ça, elles ne sont pas là pour ça, elles servent aux hommes à croiser le fer. C'est comme ça que je vois les choses.

    Et les hommes parlons-en. Un Comte que personne n'affectionnera, un bellâtre charismatique et drôle qui conquerrait même un mort (Lemaître) et un "coeur pur" au visage tantôt mort tantôt ultra-expressif. Beau trio ! Mais c'est moins simple que ça, et d'abord parce que le trio est un quatuor. Rémi m'avait parlé du film mais je ne savais pas qu'il y aurait un quatrième personnage, le voleur et assassin Lacenaire.
    Le Comte est un tocard, c'est un fait. Il n'est à mon avis lui aussi qu'un prétexte et le véritable trio, celui qui m'intéresse, celui qui m'a passionné, le miroir à trois faces du film, c'est la triplette Lemaitre/Lebureau/Lacenaire, tous trois amoureux de Garance (quand le Comte, et c'est explicite ne l'aime pas et la veut simplement pour se désintoxiquer de sa beauté).

    Alors qui sont-ils ces trois hommes ? Lequel mérite Garance ? Lequel nous séduit le plus ?

    Je n'en sais rien mais j'ai aimé qu'ils soient tous moins simples qu'ils n'en avaient l'air !




    Frédérick Lemaître n'est pas un simple dragueur, le beau-parleur ambitieux que l'on croit au début. Il le prouve dans les scènes où on le voit conquérir le public en l'amusant, en modernisant le théâtre dramatique qu'on lui impose, en ne fuyant pas devant les duels à mort, en offrant la moitié de sa bourse à Lacenaire de son plein gré, puis en l'invitant à sa table, en confiant à Baptiste que Garance l'attend en loge... C'est un garçon de valeur, un ami sincère, un débauché passionné par la vie. J'ai énormément aimé ce personnage (interprété par le cabotin pré-Brialesque Pierre Brasseur) et surtout parce que nombre de ses scènes étaient dénuées des deux femmes du film (les meilleures scènes du film sont sans elles).

    RépondreSupprimer
  11. Baptiste Lebureau, le mime au grand coeur, beau jeune homme (j'avoue que si j'étais une gonzesse, Jean-Louis Barrault à 35 balais serait tout à fait mon style d'homme), enfermé dans ses rêveries, timide, talentueux, qui est-il en fait ? Un égoïste. Il est entendu qu'en s'enfermant dans ses pensée dès le plus jeune âge, Baptiste ne s'ouvre guère aux autres, et en dehors de son amour "romantique" impossible/exceptionnel pour Garance, il fait preuve d'un égoïsme tour à tour lâche et mesquin quand il ignore sa femme Nathalie, et son fils, et quand il repousse avec dédain et méchanceté le vendeur d'habits, Jéricho (Pierre Renoir), dit "le gros dégueu", dit "le mouchard", dit "l'antithèse" parce qu'il n'est pas pur. Le Pierrot lunaire joué par Baptiste ne sort-il d'ailleurs pas de son rôle (lunaire, naïf, innocent) pour chaque soir tuer le vendeur d'habits du pantomime sans raison autre que de lui voler un costume de bal ? A la fin du film, on voit Baptiste se perdre dans la foule, celle qu'il refuse de rejoindre depuis toujours, pour retrouver une Garance qui ne peut que lui échapper. Son visage est fermé, non pas triste mais méchant, nerveux, et il repousse une dernière fois Jéricho comme un pestiféré. Pour moi, Baptiste est le leurre romantique. Il n'est qu'un triste et malheureux type que la vie a rendu aigri.




    Pierre-François Lacenaire, le voilà le romantique, le vrai de vrai. Evidemment, c'est un voleur. Evidemment c'est un assassin. Son discours, au tout début du film, lorsque son ami Avril vient le voir à son bureau (où il est écrivain public et rédige une lettre d'amour pour un pauvre type), à propos de son ambition, de son enfance calfeutrée en lui-même, ses précautions vis à vis de Garance (il n'avoue que tardivement et à demi-mot qu'il l'aime) et sa conception d'une vie à sa mesure (il finira par se laisser prendre en flagrant délit parce qu'aucun bourreau de province ne mérite de mettre fin à ses jours), tout ça m'a d'emblée séduit. Quel beau personnage ! J'ai toujours aimé les Anakin Skywalker. N'est-ce pas lui le plus beau personnage du lot, le véritable romantisme au sein de cette épopée de sentiments ? Lui qui laisse à Garance toute liberté, lui qui se sacrifie pour sauver Lemaitre d'un duel fort mal engagé avec le Comte, et qui du même coup libère Garance de son compagnon possessif ? Ah cette joute verbale dans l'escalier avec le Comte, et plus tard dans le foyer du Théâtre ! Et le meurtre du Comte, lorsque Lacenaire approche lentement vers lui, la main sur la lame (dissimulée), tel le Nosferatu qu'il n'est pas ! Quel théâtre ! Le meilleur comédien des trois, ça n'est ni le mime ni l'acteur, c'est le bandit érudit, l'amoureux passionné, le romantique en habits de malandrin, c'est Lacenaire !



    Pardonnez-moi cette longue logorrhée critico-amoureuse, mais si le film m'a beaucoup plu, m'a tant exaucé, c'est avant tout à ce personnage (dont on ne voit pas si souvent d'équivalent en terme de profondeur, de style, de classe) que je le dois.

    Allez voir la version restaurée du film, elle est très très belle !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Intéressant point de vue sur les personnages. Difficile de beaucoup aimer Baptiste, je suis d'accord, qui traite sa femme de triste manière et qui est particulièrement ridicule à la toute fin du film quand il court vers la foule pour retrouver Garance, tête levée, bras et jambes raides qu'il balance en avant et en arrière. C'est évidemment une marionnette de théâtre qui court à ce moment-là mais par conséquent on a du mal à l'adorer.

      Quant à Lacenaire j'ai l'impression que tu le sauves plus qu'il ne le voudrait quand tu dis qu'il se "sacrifie" pour épargner un duel à Frédérick et pour libérer Garance, il tue le Comte parce qu'il l'a défié et que, tout bouffi d'orgueil qu'il est, il ne peut pas le supporter. C'est aussi par orgueil qu'il se laisse prendre en flagrant délit, pour qu'on sache que celui qui l'a défié est mort, et lui-même n'y trouvera qu'une mort qui serait égale sous la lame d'un provincial...

      Supprimer
    2. Tu ne fais qu'écouter ce qu'il dit (Lacenaire), parce que tout ça il le dit bien haut. Moi j'essaie de toucher à la sensibilité du type ! Chu un gros romantik !

      Supprimer


  12. PS : Je comprends tout à fait les reproches que les gens de la Nouvelle Vague ont pu faire à Prévert et Carné pour ce film en particulier. Je les comprends mais les repousse. Ces reproches étaient nécessaires alors, ils sont désuets aujourd'hui. Le père de Baptiste dit quelque chose de très juste dans l'une de mes scènes préférées, quelque chose comme

    "Il y a toute une gamme, toute une science, tout un style du coup de pied au cul. Mais hélas, les traditions se perdent. Le public demande sans cesse du nouveau... A quoi ça ressemble? C'est vieux comme le monde, ça, la nouveauté..."

    Ce film est un très bon, un très grand divertissement classique, un amusement grand public sans aucune concession faite à la médiocrité, à la facilité, au populisme moderne. En cela il est bien moins un anti-Nouvelle-Vague pour moi qu'un anti-Mainstream-Actuel. Ca en fait un très très haut de panier qui devrait servir de modèle à tous ces gros gros enculés qui prétendent faire du cinéma "français" avec leurs Amélies, leurs Mômes, leurs Chtis et leurs Intouchables. Enculés, va.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas du tout d'accord, tu t'en doutes, avec ton premier paragraphe.

      Supprimer
    2. Pfffff.... Ras le bol de parler d'un livre ou d'un film en parlant de l'histoire ou des personnages. C'est un mal de la critique, ça. Si on s'occupait un peu de la forme, de l'esthétique, du regard et des intentions du cinéaste, bref, de mise en scène? Parce que , quand même, c'est ça la moëlle substantifique !!!
      Savoir pourquoi le mime fait des yeux de merlan frit quand Machin lui bourre le mou ou les pensées de Frédérick Lemaître quand il se gratouille la joue gauche, JE M'EN MOQUE ! Parlons Kino, c'est-à-dire cinéma.
      Je ne parle évidemment pas pour toi, Rémi. Tes chroniques sont de vraies chroniques de CINEMA. Et non des paraphrases de scenario comme c'est le cas le plus souvent dans les mags ou journaux dits spécialisés.
      Lisa Fremont.

      Supprimer
    3. Pas du tout du tout d'accord avec Joe G dans son ""analyse""...

      Supprimer
    4. dernier anonyme > C'est ton droit mais pas la peine de mettre analyse entre double-guillemets, cela en est bien une.

      Supprimer
    5. Lisa (Carol ?) Fremont > j'aime beaucoup ton nom ! A sa lecture je vois trois lampes s'allumer et j'entends de faibles coups de klaxon en fond :D

      Supprimer
    6. Rémi s'est chargé de donner son point de vue sur la technique cinématographique, mais un film c'est aussi un scénario, non ? Permettez-moi, même si vous n'en avez cure, de donner mon point de vue sur les êtres humains qui sont là racontés. Chacun sa préférence, vous la technique et l'art de raconter, moi la nature humaine et ce qui est raconté.

      Supprimer
    7. Bon puis surtout c'est un énorme poncif mais c'est on ne peut plus vrai : ce qui est raconté et la façon dont c'est raconté, le fond et la forme, C'EST INDISSOCIABLE CONG !

      Supprimer
    8. On est d'accord. Mais du même coup ne parler que de l'histoire et des personnages ne suffit pas, et le problème des Enfants du paradis vient bien du fait qu'il n'ait pratiquement que ça à proposer.

      Supprimer
    9. On est d'accord en effet. La mise en scène d'un film, la façon dont il est conçu formellement, dans la construction des plans, des séquences, dans l'agencement des images et des sons, dans le choix et la direction des comédiens (toutes choses propres au cinéma et qu'il est réducteur d'appeler "la technique"), tout ça fait partie intégrante du "discours" de son auteur au même titre (sinon plus) que l'histoire racontée et les personnages inventés. Mais quand on a à faire à du cinéma narratif, il est compliqué de ne pas parler de ces deux aspects-là aussi, et je serais très preneur d'exemples de supposés chefs-d'oeuvre formels dispensant un discours puant ou dangereux. Ou de films magnifiquement émouvants et justes qui seraient totalement mauvais ou inintéressants point de vue mise en scène. C'est pour ça que je trouve les commentaires de Lisa Fremont (et de José) un poil excessifs et erronés.

      Supprimer
    10. La même !
      Et il y a parfois si peu à dire sur la "forme" et la mise en scène inexistante de certains films qui sortent aujourd'hui, qu'on en vient forcément à dynamiter la connerie de leurs scénars.

      Supprimer
    11. @Simon : Mon discours excessif, je veux bien. Erroné ? Mais nous disons la même chose, toi et moi. Dès lors, ton message me laisse perplexe.
      A propos de chefs-d'oeuvre formels au discours puant et dangereux, ben, les "Dieux du stade" de Leni Machinstahl pourrait bien en être un exemple, non?
      Des films mal mis en scène qui touchent, ou font rire, ou provoquent n'importe quelle émotion...? Perso, je ne vois pas; et ça me paraît complètement impossible voire dichotomique.
      Certains films de Jerry Lewis, peut-être...?

      Supprimer
    12. Anonyme (Lisa Fremont si j'ai bien suivi) : avant Leni Riefenstahl on peut se poser la question pour Eisenstein.

      Supprimer
    13. et Naissance d'une nation ?!!

      Supprimer
    14. J'avais failli évoquer Leni Riefenstahl en prévision des réactions, puis j'ai eu la flemme. J'aurais dû ! :)
      De ce que j'ai vu des Dieux du stade ou du Triomphe de la volonté, le cinéma de Riefenstahl était pour le coup intéressant techniquement, mais surtout grandiloquent et esthétisant. Ces mouvements de partout, ces ralentis... C'était toute l'idée : produire des images "impressionnantes" visant à envoûter les foules et à mettre en valeur la supériorité de l'homme de race aryenne. Là encore tout est lié : la grossièreté et la dangerosité du discours se couple d'une forme grandiloquente, bien qu'impressionnante et pleine de maîtrise. Mais ce n'est pas ce que j'appelle une "belle" mise en scène.

      Eisenstein c'est autre chose, dans le sens où son apport au langage cinématographique (au montage en particulier) a pour le coup été absolument considérable, et où ce qui est montré et défendu (la lutte des classes, la révolution russe, et je ne parle pas de Que Viva Mexico...) dans les films de lui que j'ai vus m'est personnellement beaucoup plus sympathique, indépendamment de ce qu'est devenu le stalinisme ensuite. Eisenstein était d'ailleurs beaucoup plus marxiste que communiste/staliniste, "au sens de sa croyance en la vivacité infinie du peuple" (Stéphane Bouquet).
      Quant à Naissance d'une nation... que dire si ce n'est qu'il m'a ennuyé formellement en plus de m'agacer idéologiquement (encore une fois c'est lié :-)). Je ne le tiens pas pour un chef d'oeuvre pour le coup, contrairement à Intolérance du même Griffith.

      Supprimer
    15. Si je mets volontiers Einsenstein sur l'estrade des metteurs en scène de génie, il m'est absolument impossible de lui trouver un discours puant et dangereux. Désolée. Je ne peux vraiment pas. N'est puant et dangereux que l'usage qui a été fait de ses oeuvres. Il me semble que c'est d'abord un cinéaste, un homme de cinéma, avant d'être un idéologue. Chez lui, la forme est première et sert le fond. Il est dans le récit, c'est un épique, il raconte.
      Chez Leni Machinstahl le fond alimente la forme (et on touche vraiment le fond), je suis d'accord que c'est grandiloquent et vieilli mais son montage, ses images, ses cadrages ont du souffle. Cependant ce n'est en rien épique: elle représente des idées, ni récit ni humain.
      Je n'ai pas vu Naissance d'une nation. J'aime pas dormir au cinéma.
      Lisa Fremont

      Supprimer
    16. Si j'ai dit qu'on pouvait évoquer Eisenstein avant Leni Riefenstahl c'est parce que précisément les films de cette dernière ne nous paraissent pas formellement admirables, alors que ceux d'Eisenstein le sont, en tout cas certains, qui ont qui plus est posé bon nombre de bases notamment en matière de montage, comme l'a dit Simon, inventant des formes de langage cinématographique nouvelles, pérennes et souvent magistrales, au même titre que Griffith (dont je n'ai vu "Naissance d'une nation" que par bribes mais dont j'admire aussi "Intolérance").

      Et j'évoquais Eisenstein non parce qu'il aurait tenu des discours "puants et dangereux" mais simplement parce qu'il a mis ses inventions formelles au service de discours tout de même idéologiques (ce qui n'empêche pas qu'il était sans aucun doute cinéaste avant tout) et d'une propagande sans détour, sociale au lieu de raciale, ce qui fait une différence notoire, et dont la forme était de fait largement plus belle que celle de Machinstahl, comme tu l'appelles, cas par conséquent moins ambigu que celui du cinéaste russe.

      Supprimer
    17. Eh bien, ma foi, nous sommes parfaitement d'accord. Il n'y a évidemment pas photo entre le cinéma de Eisenstein et le cinéma de l'autre.
      Bon, faudra que je m'y colle, un jour, à "Naissance" et à "Intolérance". Le hasard, qui doit aimer bien faire les choses, m'a mis entre les mains il y a 3 ou 4 jours "Le Cinéma, Mr Griffith et moi" l'autobiographie de Lillian Gish. Très très intéressante.
      Lisa Frémont.

      Supprimer
  13. @ Remi: Damned, je suis démasquée!
    Tout de même, tout de même : Je n'entre jamais chez mes voisins par effraction...Et je ne lis pas Harper's Bazaar. Trop snob.
    Lisa (zut-à-Carol) Fremont

    RépondreSupprimer
  14. Ces films sont des nullités sans nom. Renoir aurait dû continuer à faire des peinture au lieu de se consacrer au cinéma. Quelle honte. J'ai lu vos conseils et à chaque fois je me suis fait chier.

    RépondreSupprimer
  15. J'ai du mal à comprendre votre introduction sur Truffaut, sachant qu'il a dit "Je donnerais tous mes films pour avoir réalisé Les enfants du Paradis". Il considérait ce film comme l'un des plus grand du cinéma...D'autre part, on peut aimer les 2 films et dénigrer "Les enfants du Paradis" ne permet pas de mettre en avant le génial film de Renoir. La charge est tellement violente qu'elle en devient grotesque pour un film qui est, en de nombreux points, remarquable. Enfin, parler de "sur-jeu" des acteurs ou de "cabotinage" confine au ridicule.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sur le premier point, j'ai répondu plus haut dans les commentaires. Sur le reste...

      Supprimer
  16. Par hasard, j'ai revu récemment "Les Enfants du Paradis" et "Le Carrosse d'Or". Tous deux restent, pour moi, de grands films. Une chose m'a frappé dans "Les Enfants du Paradis": sa capacité à mettre intelligemment en relation l'art et la vie. L'art du comédien (F. Lemaître n'acquiert sa capacité à enfin jouer Othello, l'un des rôles de sa vie, qu'en éprouvant de la jalousie à l'égard de Garance), l'art du mime (Debureau transpose et sublime se vie imaginaire - inaccessible - avec Garance dans ses pantomimes dont certaines sont des vues en abyme) se développent parallèlement à l'intrigue et on pourrait dire que les deux artistes se construisent à travers leur relation à Garance. Le film joue aussi habilement sur un effet de contraste que l'on retrouve très souvent dans la littérature et un certain théâtre français (Claudel) qui oppose deux types de femmes: celle qui inspire, stimule l'imaginaire (Garance) et qui restera nécessairement l' image désirable, énigmatique, forcément fuyante et celle qui représente la vie "ordinaire"... Personnages féminins quasi-stendhaliens et (je trouve) profondément significatifs. "Les Enfants du Paradis", en dépit de tous ses artifices, restent l'un des très rares films à prendre, grâce à certains de ses personnages, la dimension du mythe. Et si ses dialogues sentent l'artifice, ils appartiennent aussi à une époque où le cinéma se confondait encore avec le théâtre filmé. Il faut dire aussi que le thème essentiel du film (l'art et la vie) permet et peut-être même exige ces artifices.

    RépondreSupprimer