16 juillet 2012

La Bande des quatre

Quatre jeunes hommes viennent de fêter leurs 19 ans. Cela fait un an qu'ils ne cirent plus les bancs du lycée et qu'ils occupent leurs journées entre petits boulots merdiques et purs moments de détente partagés. Ils se retrouvent généralement autour d'une immense carrière abandonnée, devenue un grand lac à ciel ouvert dans l'eau duquel ils plongent joyeusement, comme pour oublier leurs peines. Ne sachant pas vraiment quoi faire de leurs vies, ils traversent ensemble une drôle de période de transition, perdus quelque part entre l'adolescence et l'âge adulte. Ces quatre jeunes hommes forment une bande de potes inséparables. L'un d'entre eux est un peu moins paumé que les autres bien qu'il ait toujours la tête dans le guidon : toute sa vie tourne autour de sa grande passion, le cyclisme. Bien décidé à gagner quelques trophées, il s'entraîne chaque jour en vue de participer à une course locale où une équipe professionnelle italienne sera au centre de toute l'attention.




Voici donc le point de départ de Breaking Away, de Peter Yates, qui fut réintitulé La Bande des quatre pour sa sortie en France. Ce titre français, qu'il partage avec un film de Jacques Rivette, est moins bon que l'original mais tient tout de même la route étant donné la place considérable qu'occupe l'amitié qui lie ces quatre jeunes personnages, simplement désireux de pouvoir continuer à passer leurs journées ensemble, en chassant leurs responsabilités, bien loin des soucis adultes. Cette très sympathique bande de potes, pointée du doigt comme les "cutters" (tailleurs de pierre) par les étudiants de la ville issus de milieux plus favorisés, est constituée de personnages très attachants auxquels donnent brillamment vie chacun des acteurs. Le plus connu d'entre tous est Dennis Quaid, parfait dans un rôle de grande gueule au caractère de cochon qui lui va comme un gant. L'ex de Meg Ryan trouvait-il là son meilleur rôle ? Peut-être bien... C'est également le cas de l'acteur principal, l'impeccable Dennis Christopher : il n'a semble-t-il pas connu la carrière qu'il méritait suite à ce film, qui lui rapporta pourtant quelques récompenses précoces. On y retrouve aussi avec plaisir le dénommé Daniel Stern, celui dont on reconnaîtra tous la tronche d'enflure sans pareille pour l'avoir déjà croisée dans Maman j'ai raté l'avion, où il joue le second braqueur, le grand dadais idiot, souffre-douleur de Joe Pesci et du petit Macaulay. Le quatrième larron n'est autre que Jackie Earle Haley, devenu depuis un grand abonné des rôles de second plan (Shutter Island, Semi-Pro) grâce à son corps tout minable et reconnaissable entre mille. Sa ganache, très particulière aussi, lui a également permis d'être le successeur de Robert Englund dans le remake de Freddy. Le film de Peter Yates nous apprend qu'à 18 piges, cet acteur ne foutait pas encore trop les j'tons et avait une allure quasi normale, même si, évidemment, rien n'encourageait à lui prédire un avenir de beau gosse.




S'appuyant sur un scénario très justement récompensé d'un Oscar signé Steve Tesich, l'auteur du génial Karoo, le film de Peter Yates se focalise principalement sur ce personnage de jeune adulte accro au vélo, motivé par ses rêves de vitesse et féru de culture italienne. Sur un rythme trépidant, on suivra avec délectation sa vie familiale, ses joies éphémères, ses déceptions amoureuses et ses désillusions sportives. J'avais pour la première fois entendu parler de ce film dans une interview de Darren Aronofsky donnée à l'occasion de la sortie de Black Swan. Le cinéaste citait tout simplement l’œuvre de Peter Yates comme une influence majeure dans son travail et comme l'un de ses films de chevet. Assez peu étonnant, finalement, quand on voit comment y est traitée la passion dévorante du jeune homme pour la bicyclette : il s'y adonne corps et âme, ne vit que pour elle et à travers elle, un peu à la façon d'un Mickey Rourke dans The Wrestler ou d'une Natalie Portman dans Black Swan, en moins jusqu’au-boutiste, bien entendu. Voir Breaking Away en ayant connaissance de cela est donc aussi l'occasion de constater combien Aronofsky sait faire preuve de talent pour joliment puiser dans son inspiration cinéphile sans jamais manquer d'y apporter sa patte personnelle. En plus d'être un très beau film sur un personnage passionné, se consacrant pleinement à son art, à son but, Breaking Away est aussi une œuvre très réussie sur la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte. Peter Yates traite ce thème-là de façon très juste, avec une grande délicatesse, ce qui est une des plus frappantes qualités de ce précieux teen movie. Enfin, Breaking Away est des plus agréables à suivre grâce à une histoire menée tambour battant qui parvient à nous captiver totalement, du début à la fin. Vous pousserez forcément un soupir de soulagement après avoir assisté à la dernière course, climax génial d'un film adorable qui fut un pur plaisir à découvrir.


La Bande des quatre (Breaking Away) de Peter Yates avec Dennis Christopher, Dennis Quaid, Daniel Stern et Jackie Earle Haley (1979)

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