21 février 2012

Collision

Je me demande parfois si je suis normal. En effet, quand j'ai vu ce film au cinéma, il y a près de 7 ans, l'ensemble des gens dans la salle avait l'air extrêmement satisfait. Je m'en souviens comme si c'était hier, cela m'avait particulièrement choqué. Une fois la séance terminée, un homme brun âgé d'une quarantaine d'année avait même levé les poings au ciel en signe de victoire. Véridique ! Pour ma part, je me rappelle avoir baissé la tête en signe de dépit. Je souhaitais quitter la salle le plus vite possible ; mais, cinéma d'arts et essais oblige, les lumières prirent leur temps pour se rallumer, uniquement une fois le générique terminé, et je ne tenais pas à gâcher ce moment de plaisir intense à mon voisin qui semblait si heureux et qui prenait littéralement son pied. Il me fallut donc patienter, en encaissant cette musique de fin très cliché, un peu comme les trois quarts des situations de ce film choral d'une lourdeur sans nom.




Malgré un nombre de stars impressionnant à l'affiche, le film se noie. Je vous énumère les acteurs : Don Cheadle (entr'aperçu dans Hotel Rwanda), Jennifer Esposito (un hymne aux bienfaits du métissage), Matt Dillon (abonné aux rôles de connards pas malins et qui devrait se poser des questions), Ryan Phillippe (deux "p", deux "l" répète-t-il toujours à longueurs d'interview tout en lâchant deux caisses façon mitraillette et en mimant un oiseau qui décolle), Sandra Bullock (dans un rôle très difficile qui a dû souvent lui faire dire "What the fuck am I doing here ??") et d'autres comme Brendan Fraser (peu crédible mais qui s'en sort dans son rôle de procureur libéral) ou Thandie Newton (qui, dans la vraie vie, a nommé son premier enfant Ripley Scott, en forme de double hommage très appuyé au papa d'Alien). Les scènes-choc s'enchaînent jusqu'à ne plus rien provoquer chez le spectateur ; surtout qu'à la fin, ou disons la dernière demi heure de ce film si long, elles sont toutes au ralenti ! J'avais vraiment l'impression de regarder une pub EDF-GDF, sans oublier la bande-son omniprésente, composée essentiellement de chants plaintifs où une femme vraisemblablement très malheureuse ne s'exprime que par des "Ooooooh-oooouuuhh-yèèè". Cela doit être la même bonne femme triste qui a signé tous les ignobles jingles pubs de France Télévision, vous savez, ceux que l'on peut seulement entendre en milieu d'après-midi et qui nous flinguent la journée. Affreux.




Ce chassé-croisé de destins comme Hollywood en raffole finit donc par ennuyer copieusement, par agacer sévèrement, ou par faire rire franchement, quand on décide, dans un réflexe d'auto-défense salvateur, de prendre tout ça au second degré. Bien sûr, quand on rigole à la mort d'un personnage, on peut se poser des questions quant à la qualité de ce film, où la psychologie est traitée à "coups de haches", comme le dit mon paternel, à tel point qu'on a la sensation de regarder la pire des séries télé. Il faut revoir cette scène où Sandra Bullock, se trimballant dans son immense baraque en chaussette, le téléphone vissé à l'oreille, glisse honteusement dans l'escalier et manque de se briser la nuque. Ce passage atteint un sommet de ridicule ! Pas grand chose à reprocher aux acteurs finalement, je préfère tout mettre sur le dos de Paul Haggis, qui signait là son premier film après avoir été le scénariste attitré de Clint Eastwood. Pour la subtilité, Paul, il faudra repasser. Ton film est une enclume ! Tout ça pèse des tonnes ! Et dire que certaines critiques, à l'époque, avaient parlé d'"un parfait mélange de Magnolia et Short Cuts"... Pauvre Altman, il a dû prendre un coup de vieux, et il n'y avait aucune raison d'insulter si cruellement le jeune Paul Thomas Anderson. Télérama avait raison !




Élevé au rang de film faisant partie des "meilleurs de tous les temps" par les votes parfois très difficilement compréhensibles du site IMDb, Collision s'avère au final être une arnaque totale et une fausse alerte pour moi qui, à l'époque, espérais réellement quelque chose de bon. Jeune et innocent, j'y allais vraiment avec les meilleures intentions et les plus grands espoirs. Il faut dire que le film passait pour une vraie pépite fraîchement remise au goût du jour. Il avait été auréolé de l'Oscar suprême, à la surprise générale, et il était même ressorti en salles outre-Atlantique spécialement pour concourir à cette prestigieuse cérémonie. La preuve que celle-ci n'est qu'une vaste blague, des ententes et des arrangements entre les studios les plus puissants. Avec du recul, Collision apparaît comme l'infâme porte-drapeau de ce cinéma américain post 11-septembre qui cherche à nous dépeindre une société cloisonnée et qui se veut lourdement réconciliateur, dépassant les clivages à coups de bazooka et de scènes larmoyantes indigestes. Avec ce cocktail explosif dont il avait trouvé l'odieuse formule, Paul Haggis signait là des débuts en fanfare derrière les caméras. Depuis, le réalisateur canadien n'a jamais su renouer avec le succès et j'en suis ravi. Il s'est perdu Dans la vallée d'Elah, réquisitoire contre la guerre encore une fois très lourdaud, puis il a tourné le remake d'un thriller français efficace, Pour elle, en le rendant long et chiant. Deux mots qui résument très bien ce qu'était déjà Collision. A fuir.


Collision de Paul Haggis avec Don Cheadle, Thandie Newton, Sandra Bullock, Jennifer Esposito, Matt Dillon, Brendan Fraser, Terrence Howard, Ryan Philippe et Michael Peña (2005)