30 janvier 2012

The Innkeepers

Comme beaucoup d'amateurs de films d'horreur, j'attendais avec une certaine impatience et beaucoup d'espoir le nouveau film de Ti West. Vous n'êtes pas sans savoir que j'avais grandement apprécié son précédent long métrage, le très remarqué The House of the Devil, film avec lequel Ti West s'était imposé comme l'un des jeunes cinéastes à suivre dans le domaine du cinéma d'horreur. Certes, la concurrence n'est pas très relevée, mais cela n'enlève rien à son mérite, bien au contraire. Ti West, dont le prénom reste pour moi une énigme, est aujourd'hui l'un des rares réalisateurs à proposer des films de genre animés d'une saine et simple ambition et visant de nobles objectifs : faire peur à son audience sans user d'outils faciles, en prenant notamment son temps pour installer une ambiance propice à cela, et divertir les amateurs en jouant avec leurs références sans pour autant tomber dans le clin d’œil lourdaud à la Grindhouse, loin de là. The House of the Devil réussissait assez habilement et plutôt brillamment à atteindre tous ces objectifs, tout en étant un hommage appuyé mais sincère aux films d'horreur des années 70 et 80 ainsi qu'à certains cinéastes aux influences forcément positives (Roman Polanski, John Carpenter et j'en passe). Alors qu'en est-il de son nouveau rejeton qu'il réalisa dans la foulée ?



On sent bien les mêmes envies et les mêmes intentions dès les premières minutes de The Innkeepers et son générique sympathique accompagné d'une musique orchestrale, grandiloquente juste ce qu'il faut, qui nous promet un film de trouille de qualité et qui par la même occasion vient renouer avec le charme vieillot de son précédent film. Seulement voilà, assez vite, le film patine et il nous ennuierait carrément si Ti West n'avait pas choisi une comédienne au physique et au jeu assez originaux dans le premier rôle (Sara Paxton, sans doute la fille de Bill, agréable mais toutefois bien moins charmante que la petite brune de l'autre film, Jocelin Donahue) et s'il ne conservait pas un certain talent pour faire ponctuellement grimper la tension. Mais là est aussi le problème, car sur une petite heure et demie de film, Ti West passe encore la plupart de son temps à installer une ambiance se voulant lourde et effrayante, avec beaucoup moins de réussite que dans son précédent film, quand il ne se contente pas de filmer des scènes tendues retombant comment un soufflé pour mieux déjouer les attentes des spectateurs mais qui, à force d'être répétées, finissent par lasser un brin.



The House of the Devil était doté d'une intrigue très basique, un simple prétexte pour enfermer une jeune femme vêtue d'un jean taille haute du plus bel effet dans une maison particulièrement flippante. C'est aussi le cas de The Innkeepers où Ti West choisit de dévoiler au compte-goutte et avec une même économie de moyens l'histoire sinistre que renferme ce vieil hôtel sur le point de fermer et dont deux jeunes geeks doivent assurer l'intendance pendant tout un week-end. Cette fois-ci, le manque d'originalité du scénario est assez gênant car le peu que Ti West nous raconte nous laisse seulement penser qu'on a affaire à une somme toute très banale histoire de fantômes chinois. Le fait que le film soit divisé en plusieurs chapitres ne rend son scénario que plus mince, comme si l'auteur surestimait la qualité et l'originalité de l'histoire qu'il est en train de nous narrer. Quitte à si peu en dire, le mieux aurait peut-être été de ne donner aucune piste, de strictement tout nous cacher, pour mieux nous laisser croire que tous les phénomènes paranormaux se manifestant à l'hôtel sont simplement issus de l'imagination débordante des protagonistes, ces deux jeunes réceptionnistes en manque de sensations fortes et qui sont bien décidés à prouver l'existence de fantômes via leur site web consacré au paranormal. Deux personnages que Ti West parvient intelligemment à nous rendre sympathiques, en les éloignant suffisamment des stéréotypes.



Très tôt dans le film, Ti West prend un petit risque en se moquant assez ouvertement de ces vidéos et de ces sites qui polluent internet, basés sur des effets chocs très faciles et bêtement efficaces, parfois repris dans les plus mauvais films de genre. Ti West les tourne en dérision et s'en amuse, ce qui lui permet de rapidement trouver une certaine complicité avec le spectateur, dans la même attente de se foutre les j'tons mais cette fois-ci devant un film de qualité. Le cinéaste prend donc un risque dans le sens où il a dès lors tout intérêt à se démarquer de cette peur sotte et à produire un film d'un certain niveau. Parvient-il seulement à s'en démarquer clairement ? C'est hélas la question que l'on se pose parfois, lors de certaines scènes de trouille un peu ratées dont le climax trop grossier survient trop tard ou trop tôt, la faute à un sens du timing pas toujours au rendez-vous, à une attente souvent poussée trop loin. Le plan final, qui a d'abord la chic idée de s'annoncer comme un clin d’œil adressé au Shining de Kubrick avant de s'en détourner littéralement, ressemble à s'y méprendre à ces vidéos-spams et nous laisse donc sur une petite fausse note.



Une fois terminé, cela ne fait plus aucun doute : ce nouveau film de Ti West est une déception. Un petit film d'horreur pas du tout honteux et plus intéressant que la plupart de ceux qui sortent ces temps-ci, certes, mais que l'on aura tôt fait d'oublier et qui, surtout, ne s'avère pas vraiment à la hauteur des attentes suscitées par l’œuvre précédente du jeune cinéaste, autrement plus maîtrisée et terrifiante. Ceci dit, les intentions encore tout à fait louables de Ti West et le savoir-faire ingénieux et rare dont il sait toujours faire preuve ici ou là suffisent amplement à maintenir l'espoir et nous invitent à lui donner bien volontiers une nouvelle chance très bientôt, quand sortira son prochain film, où il faudra nécessairement que le cinéaste montre qu'il sait se renouveler un minimum, surprendre et faire peur autrement, tout en conservant cette patte personnelle qui le rend si précieux.


The Innkeepers de Ti West avec Sara Paxton, Kelly McGillis et Pat Healy (2011)

16 commentaires:

  1. J'y connais rien en fantômes chinois, mais c'est une chouette critique!

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  2. Merci !

    A noter que le pitch du prochain film de Ti West, The Side Effect, annonce quelque chose d'assez alléchant :
    "Liv Tyler is set to star in The Side Effect, the next thriller by writer-director Ti West. In The Side Effect, Tyler will play Catherine Rigby, a woman who spends several months alone in space as an experimental subject for a global pharmaceutical company, and finds herself inexplicably pregnant. Paranoia and hysteria reign as the truth behind conception grows more elusive and she remains stranded in space."

    http://www.deadline.com/2012/01/liv-tyler-stars-in-ti-wests-new-thriller-the-side-effect/

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  3. Tu crois que l'entreprise pharmaceutique envoie Liv Tyler dans l'espace en tant que "sujet expérimental" pour voir si des extra-terrestres pourraient la prendre pour une des leurs avec sa tronche d'alien plastifiée ? :D

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  4. Je l'ai revue récemment dans Super, le plastoc sur sa tronche est un peu moins flagrant qu'avant. Et je compte sur Ti West pour tirer parti du physique zarb de son actrice. D'ailleurs, je trouve ça cool qu'une actrice connue tourne pour un réalisateur comme lui. Une tronche en plastoc mais certainement plus qu'un pois chiche à l'intérieur. :)

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  5. Joe "Ti West" G.30 janvier, 2012 15:59

    Entre l'article et les commz, tu as du écrire "Ti West" une bonne quarante douzaine de fois !

    TI WEST TI WEST TI WEST

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  6. Que veux-tu, ce blaze me botte !

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  7. Je l'ai vu au PIFF l'an passé et j'en garde quad même un très bon souvenir.
    Peut être pas aussi réussi que THOTD mais T West confirme qu'il est un réalisateur vraiment à part dans le genre avec comme tu dis une « vraie patte personnelle », à l'opposée du « torture porn » et des « Grindhouse » dans le style et dans l'esprit. Je le reverrais avec plaisir!

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  8. Je me suis chié dessus en voyant la dernière image.

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  9. Critique très juste sur un film plaisant mais peu étonnant.
    Le premier était effectivement meilleur !

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  10. Cela fait plaisir de vous lire sur une chronique pas trop négative. Ce n'est pas que votre fiel n'est pas plaisant à lire mais ça ne donne pas envie de voir des films.

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  11. The House of the Devil n'a pas cassé ma troisième patte de canard (la seconde partie était inintéressante : elle la passe au téléphone à regarder des murs et des plafonds). Au moins, The Innkeepers se suit jusqu'au bout sans faire peur et sans déplaisir.

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    1. Étonnant, en lisant ta critique de The Innkeepers, je pensais que tu avais un avis plus négatif que ça.

      Et je n'ai pas ce souvenir-là de la seconde partie de The House of the Devil. ^^

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    2. The Innkeepers est une comédie sur l'ennui en hôtellerie, chose que je connais bien personnellement (ça m'a rappelé le boulot ... en le regardant, je me suis mis dans mes pompes de travail). Mais il ne fait pas peur du tout. Ma critique était négative concernant l'aspect horrifique, fantastique et effrayant de l’œuvre.

      Quant à The House of the Devil, tant mieux pour toi, Félix ;)

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  12. Film sans prétention, mais qui se regarde avec un oeil intéressé.
    La fin est un peu ratée...

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  13. De quoi espérer un bon retour pour Ti West :
    http://www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/2013/09/09/tiff-2013-the-sacrament-de-ti-west/

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