Pensez à Color Out of Space, remplacez la ferme de Nouvelle-Angleterre par une maison de plage, la météorite qui tombe au beau milieu du jardin par une autre gisant au fond de l'océan depuis la nuit des temps, et vous obtiendrez The Beach House, étonnant film jumeau de l'adaptation de Lovecraft signée Richard Stanley sortie la même année. Peut-être un simple hasard du calendard, le fait est que ces films ont une influence commune flagrante et nous racontent des histoires très similaires. L'horreur cosmique, chère à HPL, y est également convoquée et s'y mêle encore une fois avec la body horror, souvent de mise quand il s'agit d'adapter à l'écran les récits de l'écrivain américain. Si la similarité des deux films au niveau du scénario est plus que frappante, elle m'a en réalité paru moins évidente durant la vision du premier long métrage du cinéaste Jeffrey A. Brown. A la différence de Richard Stanley, qui a pu compter sur un très amusant Nicolas Cage pour susciter notre sympathie quasi immédiate, Brown nous coince d'entrée de jeu avec un jeune couple difficilement supportable, une aspirante biologiste (Liana Liberato) et son boyfriend toxique (Noah Le Gros), rapidement rejoint par un autre couple, plus âgé, tout aussi peu intéressant, dont la femme est atteinte d'un cancer (comme dans Color Out of Space, là encore, tiens).
S'il y a dans ce premier film quelques chouettes idées qui invitent à l'indulgence, The Beach House souffre cruellement de la caractérisation grossière des seuls quatre personnages en présence. Ils sont si insipides que l'on se contrefout pas mal de leur destinée. Leurs échanges ne servent qu'à nous éclairer péniblement sur la menace invisible qui les entoure. Aussi, le rythme du film paraît défaillant : bien que court, il démarre laborieusement, parvient difficilement à nous accrocher et l'intensité ne décolle jamais autant qu'il le faudrait. C'est fort dommage car, à côté de ça, avec peu de moyens et quelques trouvailles visuelles, Jeffrey A. Brown nous offre deux ou trois vrais bons moments d'ambiance et d'effroi. On sent que le cinéaste connaît ses classiques et son œuvre pourrait aussi être décrite comme une tentative de croisement savant entre Fog et Invasion of the Body Snatchers, dont il s'inspire avec un talent intermittent. Sortent du lot une vision d'apocalypse saisissante, qui transforme la plage en un pur lieu de cauchemar, et une scène gore franchement peu ragoûtante, où l'on entrevoit ce qu'aurait pu être ce film s'il avait été plus pêchu et mieux écrit. J'ai tout de même particulièrement apprécié l'idée de cette roche mystérieuse qui bouillonne au fond des eaux, diffusant ses vapeurs fatales provoquées par le réchauffement climatique. Pour le coup, l'esprit de Lovecraft, avec cette menace là depuis des lustres et ne demandant qu'à être réveillée, est joliment respecté. On fera donc preuve de bienveillance avec le jeune réalisateur américain qui, à l'avenir, fera peut-être mieux.
The Beach House de Jeffrey A. Brown avec Liana Liberato, Noah Le Gros et Jake Weber (2020)
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