83 minutes dans la tête de la fille spirituelle de Jeanne d’Arc et Travis Bickle, ça paraît long, je vous le dis. Pour son premier long métrage, Rose Glass tape dans l'horreur psychologique dure et ne nous ménage pas. Ça lui a plutôt réussi puisque son film a été couvert de prix, notamment à Gérardmer, où Saint Maud était en concurrence avec l'une des sélections les plus pauvres de la peu glorieuse histoire de ce festival. La réalisatrice britannique nous propose donc un aller simple dans l'esprit névrosé d'une jeune infirmière au passé trouble, aussi chtarbée que solitaire, et convaincue, en plein délire mystico-religieux, qu'elle est la seule à même de sauver l'âme déviante de sa nouvelle patiente en phase terminale. Avec ce portrait dépressif d'une femme malade, évoquant Polanski, Rose Glass fait le choix d'une subjectivité quasi totale, ce qui lui permet d'y aller franco dans le sordide, de déployer une ambiance glauque à souhait et de ménager quelques effets parfois un brin tape à l’œil, souvent maniérés, toujours sensés. Tous les délires sont possibles quand on voit à travers les yeux d'un personnage fou, détraqué : ici, poussent des ailes d'ange lumineuses, résonne la voix caverneuse de Dieu, sans parler des situations plus attendues, déjà vues et revues (lévitations, automutilations...).
Un beau programme en perspective qui permet effectivement à Rose Glass de démontrer de réels talents de cinéaste : quelques idées de montage sont assez brillantes et tout est hyper chiadé, de la lumière aux décors en passant par tous ces petits détails sinistres qui font de Saint Maud un cadeau empoisonné superbement emballé. Bien sûr, l'actrice principale, irréprochable Morfydd Clark, est au diapason, le mal-être suinte de chacun de ses pores. On comprend sans souci la récolte abondante de récompenses : avec une telle allure, de tels arguments, Saint Maud est une bête de festoche en puissance. Reconnaissons également à Rose Glass qu'elle a le mérite de ne pas nous prendre en traître, de jouer cartes sur table, d'attester d'une cohérence implacable. Ainsi, l'ultime plan, impitoyable, qui agit comme un dernier uppercut visant le KO total et n'épargne même pas ceux qui, comme moi, n'étaient pas tout à fait dedans, a tout son sens. C'est une dernière image d'une cruauté et d'une violence rares, qui fait son petit effet et reste imprimée quelques temps sur nos pauvres rétines. J'aurais peut-être pu m'emballer également pour ce film si, auparavant, il ne m'avait pas autant plombé, échouant à me captiver vraiment, malgré tous ses efforts si voyants. Gageons que Rose Glass, dont on entendra forcément reparler bientôt, saura me convaincre la prochaine fois, elle est très douée, je n'en doute pas.
Saint Maud de Rose Glass avec Morfydd Clark (2020)
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