Une petite fille et son ado de grand frère (Jaeden Martell et Lia McHugh) se retrouvent coincés dans un grand chalet isolé avec celle qu'ils estiment être la cause directe du suicide de leur maman : la nouvelle petite-amie de leur père. Celle-ci, incarnée par Riley Keough, est l'unique survivante du suicide collectif d'une secte millénariste et s'avère donc encore assez fragile et instable psychologiquement. Les deux gosses vont-ils échafauder un plan machiavélique pour se débarrasser de celle qui s'apprête à devenir leur belle-mère ? Cette dernière va-t-elle sombrer progressivement dans la folie et s'en prendre aux enfants ? Ou bien va-t-il s'agir d'autre chose : une menace extérieure, la maison est hantée, etc ? Le film joue longtemps sur les différents tableaux, trop longtemps sans doute, car, à force de cacher son jeu, il peine à nous intéresser complètement, même s'il ne nous perd jamais totalement. Toujours un brin masochiste sur les bords et très durs, Veronika Franz et Severin Fiala, déjà coupables du bien trop douloureux et hanekien Goodnight Mommy, n'ont pas beaucoup changé, mais ils sont tout de même en progrès et leur nouveau long métrage est moins austère et pénible que le précédent, qui avait eu le don de me foutre de mauvais poil.
La musique, à grands coups de violons stridents et de plages dissonantes, les thèmes, abordés de front, sous fond de deuil familial et de religion sectaire, et nombre de motifs visuels, comme notamment cette maquette, réplique exacte du chalet où sont enfermés les personnages : tous ces éléments font que l'on pense inévitablement, et dès la toute première image, à Hérédité, titre décidément marquant de l'horreur récente, malgré tous ses défauts, et que notre duo de cinéastes autrichiens a dû particulièrement apprécié, au point, chose étonnante, d'accepter d'évoluer dans son ombre du début à la fin alors qu'il paraît évident qu'aux yeux des amateurs conquis par Ari Aster, The Lodge souffrira de la comparaison. Soit dit en passant, ils adressent également un hommage sympathique à The Thing, qui est tout naturellement le film que notre trio, condamné à l'autarcie au milieu d'un paysage immaculé, choisit de regarder ensemble. S'inscrivant donc dans l'horreur sectaire, tellement en vogue depuis des années, et marchant sur les plates bandes de bien d'autres films d'isolation où la terreur est avant tout psychologique, The Lodge échoue à trouver son identité propre et à sortir du lot.
Veronika Franz et Severin Fiala pensent de nouveau nous impressionner en nous assommant d'entrée de jeu (le suicide de la mère des enfants est montré sans chichi, le plus simplement du monde), en nous étouffant par un rythme lent et une ambiance lourde, en accumulant les détails sordides et en évitant de peu de procéder à une sorte d'empilement de souffrances chez les protagonistes, encore soumis à de sacrées épreuves et autres traumatismes. Le résumé de leur histoire pourrait être le suivant : la religion, c'est de la merde et ça peut rendre complètement maboul, surtout quand elle est inculquée dès le plus jeune âge. Au bout du compte, tout cela est assez simple, mais racontée de manière particulièrement tordue. On peut regretter que le film peine à décoller et à convaincre pour de bon, malgré toute l'application, parfois un poil forcée, de Franz et Fiala, qui apportent un soin évident à leur mise en scène aux petits effets savamment calculés, leur style étant chiadé, presque maniéré.
Les acteurs font eux aussi tout ce qu'ils peuvent. Les deux ados sont pas mal du tout, en particulier le jeune Jaeden Martell, à la tronche lunaire désormais familière, lui qui avait commencé devant la caméra peu inspirée de Jeff Nichols dans Midnight Special et qui a tourné depuis dans les deux tristes chapitres de Ça et le sympathique Knives Out. Le visage particulier de Riley Keough est bien exploité par les réalisateurs, qui la filment sous toutes les coutures, dans ces angles parfois un peu caricaturales chers au cinéma de trouille. L'actrice s'en tire plutôt bien dans un rôle compliqué et démontre encore une fois son appétence pour le cinéma de genre indé, elle que nous avions déjà croisé dans le décevant It Comes at Night. On espère la voir un jour dans un film d'horreur réellement réussi, où sa présence et son charme ambivalents nous marqueront davantage.
Terminons sur une note anecdotique mais positive. Ce que j'ai préféré là-dedans, c'est une petite idée sonore toute bête mais brillante. Quand, à son arrivée sur les lieux, Riley Keough monte les escaliers du chalet pour apporter ses affaires dans sa chambre, elle fait traîner sa valise à roulettes sur les marches puis le plancher, produisant un vacarme particulièrement désagréable. Le chalet étant encore plongé dans l'obscurité et le cadrage choisi rendant la scène difficile à cerner, on en vient aussi à se demander si Riley Keough ne trimballe pas déjà un cadavre ou autre chose de glauque et morbide. C'est un détail, mais c'est bien vu. Et il est amusant de constater que, malgré tous les efforts bien visibles déployés par les auteurs de ce film, l'angoisse et le trouble naissent du simple bruit d'une valise à roulettes. Maudites valises à roulettes...
The Lodge de Veronika Franz et Severin Fiala avec Riley Keough, Jaeden Martell et Lia McHugh (2020)
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