Agréablement surpris par ce petit film de SF à l'univers visuel très réussi malgré un budget que l'on imagine des plus modestes. Prospect tend vers le western à l'ancienne où s'affronteraient quelques chercheurs d'or obnubilés par leurs rêves de fortune et de lendemains plus tranquilles, partis à la recherche d'un trésor mythique caché là quelque part. Cette quête est transposée ici sur une planète éloignée à la végétation luxuriante, dont l'air est infesté par un pollen toxique et dont les forêts abritent des cosses étranges desquelles les "prospecteurs" peuvent extraire, avec maintes précautions, des gemmes d'une valeur inestimable. Parmi eux, un homme (Jay Duplass) et son adolescente de fille (Sophie Thatcher) atterrissent en catastrophe sur cette lune mystérieuse avec comme seul objectif de récupérer un magot suffisant pour rentrer chez eux. Ils croiseront rapidement la route de deux mercenaires qui vont compliquer tous leurs plans...
Sorti directement en VOD alors qu'il aurait pu mériter un bien meilleur sort, Prospect est l'adaptation en long métrage d'un court signé par le même duo, Zeek Earl et Chris Caldwell. On sent que les deux compères ont mûrement réfléchi leur film et son univers, chaque détail paraît à sa place et bien pensé : de l'aspect des différentes combinaisons que porte chaque personnage aux intérieurs bigarrés de leurs capsules spatiales, en passant par leurs armes à l'apparence rudimentaire trompeuse et par ces petits outils qu'ils utilisent pour se soigner ou manipuler les cosses. L'idée pourtant très simple de ce pollen qui flotte dans les airs, quasi constamment présent à l'image, parasitant joliment chaque plan, suffit à nous procurer cette impression indispensable de dépaysement, d'inconnu, que bien des films de science-fiction aux budgets colossaux ne parviennent jamais à nous faire ressentir.
On est immédiatement persuadé que les personnages évoluent bel et bien dans un ailleurs étrange, aux risques bien visibles et omniprésents, mais peu clairs ni vraiment explicités (et c'est tant mieux). Une scène assez réussie d'amputation d'un bras infecté par l'atmosphère extérieure nous en dit assez long sur les dangers encourus par les protagonistes... L'ambiance générale et le rythme du film contribuent à nous envelopper dans ce sentiment d'agréable étrangeté. Si Prospect finit tout de même par s’essouffler un chouïa au bout d'environ une heure, il n'en vient jamais à perdre une once de notre intérêt et réussit à nous maintenir intrigués tout le long. Cela rappelle à notre bon souvenir les films scénarisés par Brit Marling : eux aussi savaient s'inscrire dans un genre avec intelligence, en toute humilité et ce qu'il faut d'originalité (Sound of My Voice, Another Earth).
Les acteurs sont impeccables, à commencer par la jeune et charismatique Sophie Thatcher que nous ne quittons jamais d'une semelle et qui incarne avec une belle présence cette héroïne courageuse et dégourdie. Malgré les promesses introductives, son rôle paraît finalement assez sous-écrit, mais la prestation de l'actrice le sauve totalement de la médiocrité. Pour ne rien gâcher, la bande son, que l'on doit au frère de l'un des réalisateurs, est très soignée aussi. On peut regretter, au bout du compte, que le film n'arrive jamais à dépasser son petit scénario, à pousser vers une réflexion plus large, mais c'est également cette modestie et cette simplicité qui participent à le rendre sympathique, qui lui évitent sans doute quelques lourdeurs et un discours trop rebattu sur l'humanité et ses vilains défauts, comme sa faculté à détruire son propre environnement pour en voler les richesses. On a donc hâte de voir ce que ce duo fera par la suite.
Prospect de Zeek Earl et Chris Caldwell avec Sophie Thatcher, Jay Duplass et Pedro Pascal (2019)
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