L'Affaire SK1, premier film de Frédéric Tellier, nous montre en parallèle la traque policière et le procès du tueur qui a terrorisé l'est parisien dans les années 90, Guy Georges. Il s'agit d'une nouvelle tentative ambitieuse de polar à la française, n'hésitant pas à aller puiser son inspiration dans des faits réels assez récents et cherchant à provoquer le vertige chez le spectateur plongé dans une enquête qui n'en finit pas et placé face au portrait d'un monstre au visage humain. On aurait aimé s'enthousiasmer pour ce film mais force est de constater que s'il parvient sans souci à captiver son auditoire et qu'il nous rafraîchit la mémoire sur le déroulé de cette enquête, il ne restera guère gravé dans nos mémoires de cinéphiles. Loin de là.
Il y a quelque chose d'assez pathétique dans la volonté ostentatoire de Frédéric Tellier de créer une fascination pour le 36, quai des Orfèvres. Il n'y a rien à faire, ça ne prend pas. Ça sonne faux. On ne marche pas. Et nous ne sommes pas étonnés d'apprendre que M. Tellier était directeur artistique du film lourdingue d'Olivier Marchal. On ne croit pas à cette équipe de flics obsédés par leur enquête qui passent leurs week-ends ensemble en bateau pour mieux resserrer les liens et dont les vies privées sont totalement bouffées par le boulot ; on ne croit pas à ces personnages à peine dessinés qui s'encouragent les uns les autres à coups de tirades très stéréotypées et parfois grotesques : "Faut qu'on la résolve cette affaire, merde !", "On gratte, on gratte, on gratte ! On secoue le cocotier et on verra ce qu'il en tombe !". Les dialogues sont un sérieux handicap, ils paraissent beaucoup trop écrits, quand ils ne tombent pas tout simplement dans la caricature. "Toutes ces horreurs que tu voies au 36, j'ai peur que ça t'abîme..." dit la femme du flic à son mari rongé par l'enquête. Les acteurs ont tous un mal fou à réciter leurs répliques de façon crédible, même ceux que l'on a déjà vu très bon ailleurs (je pense par exemple à Olivier Gourmet). Raphaël Personnaz a beau tout essayer, avec la barbe ou rasé de près, il n'a toujours pas le charisme ni les épaules pour porter un tel film. Mais il n'est pas vraiment à blâmer.
C'est bien Frédéric Tellier qui se montre incapable de développer la tension nécessaire et, surtout de donner du souffle à son petit bébé. L'affaire SK1 s'étale sur plus d'une décennie, mais nous ne ressentons jamais cette impression du temps qui traîne, qui passe, qui s'accumule comme les cadavres de jeunes filles retrouvées égorgées et violées. Tellier aligne les vignettes en s'appliquant à reconstituer l'affaire au plus près, mais il sacrifie le suspense, oublie de créer une atmosphère, de faire du cinéma. Devant L'Affaire SK1, on pense davantage à un reportage soigné d'M6 qu'à un de ces grands thrillers américains auquel Tellier aimerait tant ressembler. Quand il s'intéresse à Guy Georges et tente timidement de dresser un portrait psychologique du tueur, Tellier donne de nouveau l'impression d'effleurer son sujet, d'échouer dans l'essentiel. Jamais nous ne ressentons ces sentiments contradictoires d'attirance et de répulsion pour ce serial killer que visent apparemment le cinéaste. C'est bien dommage. Tout cela reste tout à fait regardable et un peu mieux qu'un épisode de Faites entrer l'accusé, mais ça n'est pas vraiment du bon cinéma...
L'Affaire SK1 de Frédéric Tellier avec Raphaël Personnaz, Adama Niane, Nathalie Baye, Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz et Christa Theret (2014)
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