13 février 2012

Carancho

Si j'ai lancé ce film avec beaucoup d'envie, c'est surtout parce qu'il met en vedette Ricardo Darin, un acteur argentin que j'apprécie tout particulièrement. Nous l'avions découvert dans un rôle de petit arnaqueur au verbe facile dans Les Neuf Reines, où sa présence gouailleuse et ironique faisait des étincelles ; il avait su explorer une autre facette de son talent en campant un taxidermiste épileptique et torturé dans El Aura, second et malheureusement dernier film de son ami, le regretté cinéaste argentin Fabian Bielinsky. L'acteur nous avait fait verser quelques larmes de crocodiles quand il incarnait le papa dépassé d'un adolescent atteint du syndrome de Klinefelter dans le si bien nommé XXY ; et enfin, il avait fini de nous séduire dans le remarquable Dans ses yeux, où il incarnait un avocat au grand cœur rattrapé par une sale affaire passée. Cet acteur, au profil d'aigle fatigué, donne l'impression d'être le héros de quasiment tous les films argentins à succès qui parviennent jusqu'à nos écrans !



Ricardo Darin vous fera certainement "penser à quelqu'un". Pour ma part, je trouve qu'il ressemble à une sorte de croisement savant entre Youri "The Snake" Djorkaeff et George "What da' ?" Clooney. 90% Djorkaeff, 10% Clooney, 100% humain ! Avec son physique à la fois très passe-partout et singulier, ses cernes terribles et son regard azuréen charmeur, Ricardo Darin semble capable de tout jouer. Dans Carancho, il incarne à nouveau une sorte d'avocat, cette fois-ci assez ambigu et misérable, spécialisé dans les accidents de la circulation à Buenos Aires. Son gagne-pain est en effet constitué des sommes versées par les assurances aux victimes, dont les accidents sont parfois mis en scène par ses soins afin de les sortir temporairement de la pauvreté. Le film se concentre dans sa plus grande partie à nous dépeindre le quotidien de ce personnage atypique et celui, très animé aussi, d'une jeune infirmière droguée, solidement interprété par Martina Gusman (la compagne du réalisateur). Une jeune femme dont le "carancho" (c'est ainsi que l'on surnomme les avocats de ce genre) finit par croiser la route et tomber amoureux.



Mis en scène avec âpreté et énergie par Pablo Trapero, souvent caméra à l'épaule, le film colle toujours au plus près des évènements parfois très violents qu'il nous dépeint. Malgré cela, Carancho n'est selon moi jamais choquant. L'action se passe régulièrement dans un hôpital en effervescence, puisque la jeune infirmière s'occupe des urgences, mais on ne voit pas d'images désagréables, de barbaque ou de gens mal en point filmés en gros plans. Il y a aussi quelques passages où des personnages, à commencer par le héros, se font casser la gueule en beauté, mais c'est filmé de telle façon qu'on ne voit pas vraiment les coups, qui se déroulent même parfois hors champ. Bref, cet aspect-là, que certaines critiques ont apparemment pointé du doigt et qui a pu déranger certains spectateurs, ne m'a donc personnellement pas gêné du tout. La mise en scène très sèche et physique de Pablo Trapero participe clairement à l'efficacité de son film, très haletant, qui a su me captiver sans aucune difficulté. Il y a même certains passages très maîtrisés qui m'ont fait assez forte impression et qui m'invitent à m'intéresser aux précédents films de ce cinéaste.



Pendant sa plus grande partie, j'étais donc plutôt conquis par ce long métrage habile, mêlant avec brio romance, thriller et drame social ; car le réalisateur parvient, en toile de fond, à nous dresser le portrait tétanisant d'une société argentine gangrenée par la corruption et la violence, une société qui ne sort plus de la crise, où misère et inégalités règnent en maître. Hélas, force est de reconnaître que la fin du film m'a pas mal dégoûté, et c'est bien dommage... Je recommande à ceux qui auraient envie de voir le film de zapper les lignes qui vont suivre. La scène finale se conclut par un accident de voiture très soudain, qui doit quant à lui être assez choquant sur grand écran, car il est vécu depuis l'intérieur du véhicule. Cette conclusion ironique et brutale est d'une cruauté assez rare envers le couple de personnages principaux, et elle ne m'a pas plu du tout, d'autant plus qu'après l'ultime accident de bagnole, qui conclut une scène tournée en plan séquence, le générique final déboule sur une musique rock tapageuse qui veut donc nous en mettre plein les oreilles après en avoir eu plein la vue. Je trouve cela du plus mauvais effet et même déplacé, car cela donne la nette impression que le réalisateur est tout fier de son coup, alors qu'il n'y a vraiment pas de quoi... Cette conclusion, en plus de laisser un goût très amer, dote en outre son film d'une morale balourde et assez malvenue. Le film m'a donc définitivement perdu à cet ultime instant.



La fin n'est toutefois pas suffisamment affreuse pour effacer le bien que j'ai pu penser du film pendant sa majeure partie. Si Carancho était un film américain, avec Brad Pitt et Angelina Jolie dans les rôles principaux, il aurait sûrement fait un sacré boucan, et son dénouement m'aurait alors véritablement en-chan-té ! Mais cessons sur-le-champ ces digressions absurdes puisque le film traite d'un phénomène précis qui concerne l'Argentine (ces fraudes aux assurances suite à de vrais/faux accidents de la route) et s'attache à nous montrer la corruption et la pauvreté qui frappent ce pays. Reconnaissons simplement que Pablo Trapero fait preuve d'un tel savoir-faire que l'on en vient inévitablement à penser qu'Hollywood doit lui faire les yeux doux et, malgré ses gênants défauts, son film est une nouvelle preuve de la vivacité du cinéma argentin.


Carancho de Pablo Trapero avec Ricardo Darin et Martina Gusman (2011)

16 commentaires:

  1. No hablo inglèch !

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  2. Una pellicula con muchas cojones !

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  3. Ricardo Darin est l'une des très fortes raisons pour lesquelles je suis allé voir ce week-end au ciné El Chino ;)
    Quant à Carancho, j'en suis sorti amoureux de Martina Gusman...

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  4. Je me souviens avoir eu globalement la même impression que toi à propos de ce film. La fin gâche un peu tout. Comme dans Nueve Reinas d'ailleurs. Je m'étais même dit pendant le film, ''j'espere qu'il va pas les tuer en bagnole ça serait trop gros''. Et paf. J'ai Un cuento chino qui m'attend, c'est bien ou pas?

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    1. Je sais qu'il s'agit d'un gros succès en Argentine, mais je ne l'ai pas encore vu. :)

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  5. Moi aussi j'aime plutôt bien cet acteur. Par contre il devrait s'appeler Ricardo Tarin avec un nez pareil. Que dis-je un nez, une péninsule ibérique !

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  6. El Chino est génial, je vous le recommande !

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  7. Moi il me fait penser à Alan Rickman, surement à cause du nez. Mais faut pas comparer en photo, sinon ça ne marche pas.

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  8. Cette fin est quand même très très naze. Tout ça pour ça ?

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  9. Pour lire un bon interview de Ricardo Darin, je vous conseille ce lien :
    http://www.culturopoing.com/Cinema/Entretien+avec+Ricardo+Darin+pour+la+sortie+de+El+Chino+de+Sebastian+Borensztein+le+08+02+2012-4613

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  10. Ricardo Darin, un nom qui suffit à m'attirer en salles. IL m'a récemment attiré sur le sympathique El Chino, et déjà l'année dernière il m'avait attiré vers "Carancho". Grâce auquel je suis officiellement tombé sous le charme de Martina Gusman !

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  11. Beau portrait de Ricardo Darin.

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  12. Ricardo Darin s'exprime sur le toof :
    http://www.sofoot.com/ricardo-darin-j-ai-dine-plusieurs-fois-avec-messi-179454.html

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