5 août 2009

La Raison du plus faible

Y'a des types comme ça dont on a l'intime conviction qu'ils sont bons. C'est d'abord une impression diffuse, puis ça s'impose et parfois ça se confirme ensuite, preuve à l'appui. J'ai eu confirmation par un ami qui travaille avec lui de l'immense capital sympathie de Lucas Belvaux et de son implication constante et absolue dans son travail. Mais j'en avais déjà le sentiment. En voyant son dernier film en date, La raison du plus faible, ça m'était apparu comme une évidence. Lucas Belvaux réalise son film et y joue un des rôles principaux. Dans chaque séquence où il apparaît, on sent émaner de lui un absolu plaisir, un abandon total, une abnégation de chaque instant. Il se consacre tout entier à son film, il y est dévoué avec une délectation pure et simple. Son jeu est toujours un peu décalé, sur le point de décrocher, en équilibre sur le fil ténu qui sépare la fiction de sa mise en scène. Tout en interprétant assez justement un personnage puissant, on sent l'homme partagé entre l'acteur et le réalisateur. Dans sa voix et ses gestes tiennent les dialogues et les actes de son personnage autant que les indications aux autres comédiens, dirigés par le jeu même du metteur en scène. Dans les yeux de Belvaux se lit sa passion, son désir et sa jouissance de mettre en scène. Dans son regard se reflète celui de sa caméra, face à lui. Il observe ses partenaires à l'écran mais il a l'objectif de sa caméra dans le champ de vision et il semble voir par elle. Cela rappelle vaguement Truffaut dans La Chambre verte. L'artiste se dédouble dans un très savoureux abysse de création.



On songe au titre du recueil de textes de Truffaut : Le Plaisir des yeux. Car certes La Raison du plus faible a quelques défauts en sa qualité de film social de gauche, avec ce que ça comporte parfois de surlignage idéologique, mais il demeure avant tout un film humaniste, et rarement aurons-nous vu un cinéaste habiter à ce point son œuvre et la réaliser de l'intérieur. Comme ces peintres qui se sont peints face au miroir dans ledit miroir, dressant leur propre portrait se peignant. C'est la grâce de l'artiste au travail dans son propre travail travaillant le travail qu'il a fini de travailler. Le temps du geste de création est capté et figé à jamais. Il y a tout ça dans le regard de Lucas Belvaux, le plaisir de la création, le plaisir des yeux.


La Raison du plus faible de Lucas Belvaux avec Eric Caravaca, Lucas Belvaux et Natacha Régnier (2006)

10 commentaires:

  1. "C'est la grâce de l'artiste au travail dans son propre travail travaillant le travail qu'il a fini de travailler."

    Phrase parfaite :D
    Et elle est encore mieux quillée comme ça, au coeur d'un article sérieux et élogieux.

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  2. Je précise que sur la tof, Belvaux est à droite, et derrière les lunettes, on sent bien le regard dont cause si bien Rémi.

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  3. Film démagogique, bien-pensant tendance gauche profonde, misérabilisme en option. Caricature d'oeuvre engagée à réserver aux bourgeois en mal de lutte sociale. Venir fustiger les films " bobos " après avoir encensé les films d'Agnes Jaoui et ça relève d'un syndrome hopital-charité aggravé virant au foutage de gueule.

    Buzz Meeks, content de vous revoir.

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  4. Super article. J'avais adoré la mise en scène de ce film (le propos, moins, cependant), et je serais heureux de le revoir pour cette raison.

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  5. Oui le film pêchait un peu par plusieurs aspects, que je n'ai pas évoqués. Mais il reste très intéressant pour plusieurs raisons, dont celle qui est le sujet de mon article.

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  6. Petit rectification, monsieur Belvaux est bien à gauche de la photo, à droite c'est Eric caravaca (ou un truc comme ça ^^

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  7. A droite ce n'est pas Eric Caravaca, c'est Lucas Belveaux et/ou Natacha Régnier.

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  8. On parle bien de la même photo? celle au centre de l'article avec 2 hommes qui se regardent?

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  9. Oui, la photo de Belveaux en bas de l'article.

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