30 janvier 2012

The Innkeepers

Comme beaucoup d'amateurs de films d'horreur, j'attendais avec une certaine impatience et beaucoup d'espoir le nouveau film de Ti West. Vous n'êtes pas sans savoir que j'avais grandement apprécié son précédent long métrage, le très remarqué The House of the Devil, film avec lequel Ti West s'était imposé comme l'un des jeunes cinéastes à suivre dans le domaine du cinéma d'horreur. Certes, la concurrence n'est pas très relevée, mais cela n'enlève rien à son mérite, bien au contraire. Ti West, dont le prénom reste pour moi une énigme, est aujourd'hui l'un des rares réalisateurs à proposer des films de genre animés d'une saine et simple ambition et visant de nobles objectifs : faire peur à son audience sans user d'outils faciles, en prenant notamment son temps pour installer une ambiance propice à cela, et divertir les amateurs en jouant avec leurs références sans pour autant tomber dans le clin d’œil lourdaud à la Grindhouse, loin de là. The House of the Devil réussissait assez habilement et plutôt brillamment à atteindre tous ces objectifs, tout en étant un hommage appuyé mais sincère aux films d'horreur des années 70 et 80 ainsi qu'à certains cinéastes aux influences forcément positives (Roman Polanski, John Carpenter et j'en passe). Alors qu'en est-il de son nouveau rejeton qu'il réalisa dans la foulée ?



On sent bien les mêmes envies et les mêmes intentions dès les premières minutes de The Innkeepers et son générique sympathique accompagné d'une musique orchestrale, grandiloquente juste ce qu'il faut, qui nous promet un film de trouille de qualité et qui par la même occasion vient renouer avec le charme vieillot de son précédent film. Seulement voilà, assez vite, le film patine et il nous ennuierait carrément si Ti West n'avait pas choisi une comédienne au physique et au jeu assez originaux dans le premier rôle (Sara Paxton, sans doute la fille de Bill, agréable mais toutefois bien moins charmante que la petite brune de l'autre film, Jocelin Donahue) et s'il ne conservait pas un certain talent pour faire ponctuellement grimper la tension. Mais là est aussi le problème, car sur une petite heure et demie de film, Ti West passe encore la plupart de son temps à installer une ambiance se voulant lourde et effrayante, avec beaucoup moins de réussite que dans son précédent film, quand il ne se contente pas de filmer des scènes tendues retombant comment un soufflé pour mieux déjouer les attentes des spectateurs mais qui, à force d'être répétées, finissent par lasser un brin.



The House of the Devil était doté d'une intrigue très basique, un simple prétexte pour enfermer une jeune femme vêtue d'un jean taille haute du plus bel effet dans une maison particulièrement flippante. C'est aussi le cas de The Innkeepers où Ti West choisit de dévoiler au compte-goutte et avec une même économie de moyens l'histoire sinistre que renferme ce vieil hôtel sur le point de fermer et dont deux jeunes geeks doivent assurer l'intendance pendant tout un week-end. Cette fois-ci, le manque d'originalité du scénario est assez gênant car le peu que Ti West nous raconte nous laisse seulement penser qu'on a affaire à une somme toute très banale histoire de fantômes chinois. Le fait que le film soit divisé en plusieurs chapitres ne rend son scénario que plus mince, comme si l'auteur surestimait la qualité et l'originalité de l'histoire qu'il est en train de nous narrer. Quitte à si peu en dire, le mieux aurait peut-être été de ne donner aucune piste, de strictement tout nous cacher, pour mieux nous laisser croire que tous les phénomènes paranormaux se manifestant à l'hôtel sont simplement issus de l'imagination débordante des protagonistes, ces deux jeunes réceptionnistes en manque de sensations fortes et qui sont bien décidés à prouver l'existence de fantômes via leur site web consacré au paranormal. Deux personnages que Ti West parvient intelligemment à nous rendre sympathiques, en les éloignant suffisamment des stéréotypes.



Très tôt dans le film, Ti West prend un petit risque en se moquant assez ouvertement de ces vidéos et de ces sites qui polluent internet, basés sur des effets chocs très faciles et bêtement efficaces, parfois repris dans les plus mauvais films de genre. Ti West les tourne en dérision et s'en amuse, ce qui lui permet de rapidement trouver une certaine complicité avec le spectateur, dans la même attente de se foutre les j'tons mais cette fois-ci devant un film de qualité. Le cinéaste prend donc un risque dans le sens où il a dès lors tout intérêt à se démarquer de cette peur sotte et à produire un film d'un certain niveau. Parvient-il seulement à s'en démarquer clairement ? C'est hélas la question que l'on se pose parfois, lors de certaines scènes de trouille un peu ratées dont le climax trop grossier survient trop tard ou trop tôt, la faute à un sens du timing pas toujours au rendez-vous, à une attente souvent poussée trop loin. Le plan final, qui a d'abord la chic idée de s'annoncer comme un clin d’œil adressé au Shining de Kubrick avant de s'en détourner littéralement, ressemble à s'y méprendre à ces vidéos-spams et nous laisse donc sur une petite fausse note.



Une fois terminé, cela ne fait plus aucun doute : ce nouveau film de Ti West est une déception. Un petit film d'horreur pas du tout honteux et plus intéressant que la plupart de ceux qui sortent ces temps-ci, certes, mais que l'on aura tôt fait d'oublier et qui, surtout, ne s'avère pas vraiment à la hauteur des attentes suscitées par l’œuvre précédente du jeune cinéaste, autrement plus maîtrisée et terrifiante. Ceci dit, les intentions encore tout à fait louables de Ti West et le savoir-faire ingénieux et rare dont il sait toujours faire preuve ici ou là suffisent amplement à maintenir l'espoir et nous invitent à lui donner bien volontiers une nouvelle chance très bientôt, quand sortira son prochain film, où il faudra nécessairement que le cinéaste montre qu'il sait se renouveler un minimum, surprendre et faire peur autrement, tout en conservant cette patte personnelle qui le rend si précieux.


The Innkeepers de Ti West avec Sara Paxton, Kelly McGillis et Pat Healy (2011)

27 janvier 2012

Polisse

Comme Valérie Donzelli, Maïwenn est sur un petit nuage, au sommet des charts du box office français et en course pour les Césars. L'une a failli perdre son fils, l'autre a eu une enfance merdique, et toutes les deux prennent leur revanche sur la vie, sauf que c'est nous qui payons les pots cassés alors qu'on a rien fait ! Comment les professionnels de la profession et les critiques de presse ont-ils pu être éblouis par Polisse ?... A moins qu'il ne nous ait directement pris à rebrousse poil et qu'on ait été agité par une haine nerveuse devant chaque scène du film - ce qui reste la réaction la plus saine face à un tel spectacle, haïssable en soi - on ressort de Polisse avec les grosses boules, certes, mais en reconnaissant timidement au film une qualité. Une fausse qualité en réalité, car on se dit, naïvement : "C'est tout de même prenant, aucune chance de s'endormir et on est parfois comme emporté malgré nous par l'énergie condensée dans les saynètes successives". Mais c'est un leurre, un piège à cons. L'énergie excessive et peut-être naturelle déployée par Maïween tourne à vide, ou disons qu'elle tourne mal. La "réalisatrice" ne donne pas un rythme rapide et intéressant à son film par une gestion intelligente et sensible du temps cinématographique, elle se contente de filmer assez maladroitement des scènes qui seraient tout aussi captivantes sur le papier, puisqu'elles sont foncièrement tétanisantes, et de couper lesdites scènes déjà courtes avec une régularité de métronome qui prévient forcément tout ennui.




On serait tout autant scotché par un épisode sulfureux et racoleur de Zone Interdite, au mieux, par un reportage de télé-réalité "choc" comme en diffusent toute la journée les W9, TMC et autres NRJ12 qui pourrissent nos antennes, au pire. Avec des faits divers répugnants et des prises de bec à grands renfort de hurlements, n'importe qui se laisse bêtement "captiver" et surtout n'importe qui peut captiver son public... La mise en scène de Maïwenn est celle de 50 minutes inside sauf que ça dure 120 minutes inside out, à base de caméra portée sur le vif et de montage saccadé, avec des plans de cinq secondes maximum et des changements de scènes quasi instantanés, qui s'occupent de satisfaire notre curiosité mal placée de voyeurs en passant du coq à l'âne pour un panel des pires histoires les plus dégueulasses, ou qui nous laissent pantelants sur certaines affaires inachevées et sans résolution (notamment le cas du pédophile joué par Louis-Do de Lencquesaing qui avoue tous ses crimes avec le sourire mais qui, étant haut placé dans la société, va apparemment s'en tirer sans souci ; idem pour le passage dans le camp des roms avec la récupération de tous les enfants, qui se termine prématurément dans un bus où se joue une sorte de comédie musicale sidérante et bien pratique quand il s'agit d'évacuer une scène sans s'encombrer d'un sujet trop pesant).




Quel que soit le type d'affaire en question, dans tous les cas les gamins sont des pions, des faire-valoirs qui permettent un double cirage de pompes : des acteurs d'abord, qui malgré leurs qualités restent et demeurent des acteurs devant la caméra de Maïwenn et n'accèdent pas au statut espéré de personnages (qui connaît sans chercher le prénom des flics du film ? Personne, c'est Joey Starr et Karin Viard qu'on observe), les acteurs donc font leur show, et ce pour mieux dresser une hagiographie en règle des policiers de la BPM, qui trouve son point culminant à la fin, dans cette dernière séquence pathétique et immonde, tant dans la forme que dans le fond. Dans un montage parallèle (décidément la figure de montage préférée des tristes cinéastes qui l'emploient de la façon la plus crasseuse qui soit, j'ai nommé Maïwenn et Donzelli, l'analogie la plus évidente et la plus bâtarde étant le graal des esprits simples) une flic se suicide et chute du troisième étage d'où elle s'est jetée dans un montage parallèle donc avec un enfant gymnaste qu'elle a sauvé de son violeur deux scènes plus tôt et qui prend son envol sur le tatami tandis qu'elle s'écrase la face sur le béton, le tout au ralenti bien sûr. Un policier tombe, un enfant violé s'élève... Les flics se sacrifient pour que les enfants s'envolent. Quelle pitié que cette métaphore visuelle d'outre-tombe qui trahit la stupidité profonde de Maïwenn et qui nous achève à un moment où on commençait à se dire qu'on avait forcément vu le pire : on pensait l'avoir vu dès le générique d'ouverture où la réalisatrice envoie à fond la musique de l'Île aux enfants, ou plus tard quand, venant d'apprendre qu'un nourrisson tombé sur le trottoir est tiré d'affaires, toute la brigade se rend dans une boîte de nuit pour fêter ça... Maïwenn profitant de l'occasion pour littéralement lécher les pieds de Joey Starr, qui danse au milieu du plan pendant cinq minutes.




La fameuse séquence de la boîte de nuit pousse définitivement à penser que Maïwenn et consorts ont 13 ans d'âge mental quand celle-ci affirme à Joey Starr qui lui demande pourquoi elle porte des lunettes aussi laides alors qu'elle a une très bonne vue : "J'avais peur qu'on me prenne pas au sérieux". Son nouveau petit copain lui lance alors, autoritaire : "Détache tes cheveux !", et Maïwenn de répondre avec une voix de gamine : "Tu veux que je les détache ?" avant de s’exécuter. Une fois ses lunettes retirées et ses cheveux détachés elle se révèle évidemment trop belle, du moins c'est ce qu'on est censés penser (et c'est vrai qu'elle a une bien belle crinière, mais pour tout le reste c'est un canasson, un gros âne bâté, du coup elle forme un ensemble cohérent mais y'a pas de quoi se réjouir). L'aspect très adolescent des protagonistes crève l'écran au moins autant que dans La Guerre est déclarée de Donzelli (les films sont tristement à rapprocher, pour leurs sujets ultra faciles, leur penchant à utiliser le malheur des gosses comme un prétexte pour se grandir et s'auto-congratuler, et leurs maladresses qui virent à la connerie, entre autres), avec des ribambelles de blagues de collégiens rarement drôles, une Marina Foïs dans le rôle de la collégienne anorexique de 35 ans qui déteste les hommes ("Les mecs c'est tous des sales races !" hurle-t-elle à qui veut l'entendre), et qui se dispute avec son ex meilleure copine Karin Viard, laquelle a eu le malheur de divorcer parce que sa copine misogyne lui avait dit de quitter son enfoiré de mari... Mais où sommes-nous ? Qui sont les chiards dont il faudrait s'occuper là-dedans ? Et nous sommes volontaires pour nous occuper de ces tarés ma parole, à grand renfort de coups de pieds au cul ! Dieu sait que c'est ce qu'on a envie de prodiguer à Maïwenn quand elle se filme elle-même en photographe bourgeoise couchant avec un flic de banlieue et découvrant le monde d'en bas au petit matin, réveillée par la prière de l'imam du quartier, s'empressant alors d'empoigner son appareil photo pour capturer la vraie vie des petites gens dans la rue : tel marchand arabe ou telle big mamma faisant les courses avec son bambin pendu au bras, qu'elle observe d'en haut, bien sûr, et à travers son objectif plein d'humanité... Elle ne "capte" que des clichés évidemment mais Maïwenn adore ça, comme quand elle oppose fièrement le mauvais musulman à la bonne musulmane dans une autre scène ridicule. On a plus que jamais le sentiment de regarder des gamins découvrant le monde et n'y comprenant rien dans la fameuse séquence où Maïwenn et Joey Starr tombent amoureux, en boîte de nuit donc, dans un remake de Dirty Dancing où la fille timide à grosses lunettes, laissée dans un coin, se fait tout d'un coup harponner par le gros costaud au grand cœur dont toutes les femmes rêvent en secret. Pouaaaaarggkkkshaaaaarr que ça pue la merde !




Dans cette même scène (l'une des plus imbitables du film) se cristallise la volonté profonde de Maïwenn : filmer son petit nombril, son tout petit monde. Sa propre tronche d'abord, mise au second plan par fausse humilité dans le rôle secondaire de la photographe infiltrée (mise en abyme du miséreux), sa famille aussi (on voit facilement qu'elle a choisi ses vrais proches pour incarner ceux de son soi-disant personnage, des trombines pareilles ça s'identifie de loin et même Joey Starr passe pour mignon au milieu du gang Le Besco, tel Mowgli au milieu des loups), puis ses amis et acteurs chéris, qui font leur boulot pour la plupart même s'ils en font souvent trop (telles Foïs et Viard dans la scène de la dispute, qui vocifèrent horriblement), mais il faut dire que de telles situations c'est du pain bénit pour un comédien en roues libres. Et enfin, surtout, le compagnon de Maïwenn, le bien-nommé Joey Starr, starifié comme jamais dans ce film où il apparaît à chaque instant comme un dieu vivant, ne supportant pas le mal fait aux enfants, révolté contre tous les salops de la Terre, ne craignant pas de s'emporter physiquement contre ses supérieurs quand ils ne se tuent pas autant que lui à la tâche pour retrouver un gamin en pleine nuit ou pour obtenir une place dans un foyer à tel autre, incapable de ne pas prendre chaque affaire à cœur, bourru mais ultrasensible, prompt à calmer les enfants les plus tristes en les serrant dans ses griffes d'ours, excellent père de famille de surcroît et amant hors-pair sans aucun doute. Qui n'aurait pas envie de se faire Joey Starr après un tel panégyrique sans retenue ? Qui n'a pas envie surtout de faire un tacle à Maïwenn après toutes ces scènes intimes entre elle et sa Starr, scènes qu'on ne veut tout simplement pas voir, encore moins quand ils se dévorent la tronche comme des fauves dans un énième reboot estampillé 2011, celui d'Alien versus Predator (faut dire qu'ils sont bien outillés pour s'entre-gober le crâne, on ne veut pas non plus voir la mâchoire de leur futur gosse, à bon entendeur salut !).



Maïwenn signe donc un film non seulement ridicule mais médiocre, un très vulgaire film à sketches morbides, une suite de tranches de vie bien répugnantes pour nous bouleverser sans effort malgré une triste absence de vision artistique, un concentré de série télé scabreuse avec une touche de tract anti-sarkoziste en toile de fond, qui nous fera voter pour la candidate norvégienne des Verts, Angelina Joly, dans quelques mois. La personne déjà nommée un tas de fois qui a réalisé Polisse (je ne parviens pas à écrire "réalisatrice" ou "cinéaste", pardonnez-moi, et répéter son blaze me hérisse les poils) a partagé pendant un certain temps le quotidien d'une brigade de la BPM pour préparer son sujet et cet argument d'autorité est censé tout excuser (comme Donzelli avec la maladie de son fils, décidément...). De ce fait elle peut faire ce qu'elle veut, y compris le film merdeux dont il est question ici, où elle ose tout, tous les pires procédés imaginables. Son côté sûre d'elle transpire du film nauséabond de Maïwenn et nous la rend franchement détestable. Elle qui tente de faire un portrait si élégiaque de ces policiers de l'enfance et qui leur dédie son film, se permet de déclarer en interview qu'ils sont des "paysans de la France profonde qui ne connaissent rien", parce qu'ils ne l'ont pas reconnue à une avant-première "en présence de l'équipe du film" qui leur était réservée et parce que Marina Foïs, Jérémie Elkaïm ou Nicolas Duvauchelle sont pour eux autant de gros péquenauds qui n'ont rien à foutre sur un écran de cinéma. On pense pareil ! Comment ne pas prendre définitivement en grippe la dénommée Maïwenn quand elle vient affirmer fièrement que la DASS l'a vraiment faite chier à demander des contrôles stricts sur les enfants employés pour le film et sur les dialogues à mettre dans leur bouche, pour après le tournage finalement reconnaître que c'était pas si con de leur part parce qu'elle n'aurait pas supporté qu'un enfant se suicide à cause du film. "Elle n'aurait pas supporté", p'tite chatte... C'est triste d'en venir à taper sur les gens, de ne pas rester sur le film, mais avec de telles personnes, qui n'ont de cesse de se mettre en avant et qui sont si insupportables et détestables, difficile de faire autrement.




Difficile aussi de ne ne pas finir cette critique en reparlant rapidement de la toute fin du film, si ignoble et indigne, où marina foïs renoue avec les Robins des Bois en jouant un nouveau sketch de Pouf le cascadeur quand elle gueule : "J'peux ouvrir la fenêtre ? Je me sens pas bien..." avant d'aller se défenestrer. Dîtes-vous qu'on ne peut en rire que cinq ou six jours après avoir vu le film, car quand on est devant l'écran, le sentiment dominant, écrasant, c'est plutôt de l'exaspération mêlée de rancœur, un dégoût maximal d'une espèce qu'on n'éprouve que rarement devant un film vu sur sa téloche. Maïwenn peut se partager avec Donzelli le prix de la pire réalisatrice de l'année, de la décennie, du siècle et du monde.


Polisse de Maïwenn Le Besco avec Maïwenn Le Besco, Joey Starr, Marina Foïs, Karin Viard, Nicolas Duvauchelle, Jérémie Elkaïm, Karole Rocher, Frédéric Pierrot et Emmanuelle Bercot (2011)

25 janvier 2012

Les Marches du pouvoir

Ce film-là c'est typiquement celui que nous regardons chacun de notre côté, et chacun avec sa tchotcha (vu les acteurs en présence). Chacun se dit "je ne vais pas en parler à l'autre, sinon il ne le verra jamais", et puis une fois que l'autre l'a vu aussi, on se réunit pour en causer ensemble sur le blog, parce qu'en parler tout seul c'est pas jouable, ce serait trop laborieux, autant que le film. Ce film-là c'est la rencontre de deux beaux gosses, à l'image des deux auteurs de ce blog se retrouvant pour en causer. D'un côté Ryan Gosling, l'homme à tout faire de 2011 : garagiste dans Drive, psychopathe dans Love & Secrets, déménageur dans Blue Valentine, pigiste indé sur CE, blond platine, 90-60-90, mannequin Gillette, deuxième homme le plus sexy du Monde selon Esquire après Bradley Cooper aka Glue3, bref la totale. L'acteur a un parcours tout tracé, dans dix ans il aura son premier Oscar pour un film sur la trisomie, dans vingt ans il aura son premier rôle de manager d'équipe de baseball, dans trente ans il jouera en guest un macaque vieillard dans le 19ème épisode de La Planète des singes, dans quarante ans il passera pour la première fois derrière la caméra pour filmer un biopic lent sur Thom Yorke ou Neil Young et il ne finira pas son chef-d’œuvre parce qu'il crèvera entre temps.


The Driver s'est paumé dans un meeting politique et il se fait chier autant que nous

En face et aux manettes, George Clooney, le Obama blanc. Le seul homme qui a dû dire non à une journaliste latino qui en pleine interview filmée et pendant qu'il répondait à la question : "Alors vous avez joué dans Kung-Fu Panda 2, pas trop dur d'incarner un panda ?", lui a mimé une grosse pipe en poussant à intervalles réguliers l'intérieur de sa joue avec sa langue. Colin Farrell's way... Clooney a été obligé de dire non et de faire un mouliné avec les bras pour signifier "tout à l'heure" avant d'enchaîner sur la question suivante : "Alors ? Vous avez joué dans Cars 2, pas trop dur de doubler une bagnole ?". Clooney c'est l'homme qui a voulu être le Cary Grant des années 2000, mais son meilleur rôle reste celui de Monsieur Nespresso, dommage pour lui. Cet homme aux allures d'ambassadeur s'est octroyé le rôle du président démocrate dans The Ides of march, titre original, assez malin et tape-à-l'œil qui désigne en anglais le jour où Jules César s'est fait assassiner (vient du latin Idus Martii), sauf que c'est Ducon qui s'est collé à la traduction française et qui, après avoir suggéré "Les Idées de Mars", s'en est tenu à un plus terre-à-terre Les Marches du pouvoir.


Les deux sextoys humains de l'année sont contents d'eux, mais Dieu sait qu'il n'y a pas de quoi !

Qu'en est-il donc de ces Idées de Mars ? Un thriller politique de grand-père qui croit nous apprendre la vie et qui veut nous rencarder sur les coulisses du jeu politique où tout le monde est pourri et où c'est blanc bonnet, bonnet blanc. A d'autres Clooney, à d'autres... Comme toujours quand Clooney réalise, grooooooos problème de rythme à la clé. On suit le film parce qu'il n'est pas inintéressant et parce que les acteurs sont là, mais tout ça est terriblement mou du genou et les temps morts durent une heure et demi. Reste un script où Clooney, qui aime à faire des films à charge, semble faire part de ses désillusions politiques d'homme de 60 balais qui a paumé ses rêves d'adolescent et qui "en est revenu". Clooney ne votera peut-être pas Obama, dont il reprend les codes visuels de campagne, vu ce qu'il met dans la tronche du parti de son cœur avec cette histoire de blackmailing à tout-va. "Tous pourris" nous dit Clooney ! Ton film aussi !


Les Marches du pouvoir de George Clooney avec George Clooney, Ryan Gosling, Paul Giamatti et Philip Seymour Hoffman (2011)

23 janvier 2012

Contagion

Film sans aucun intérêt, sans tension, sans idée, sans parti pris, sans scénario, sans mise en scène, qui se regarde sans effort et c'est déjà beau vu ce qu'on attendait mais qui, au final, est plus chiant qu'autre chose et, surtout, oubliable dans la minute ! Soderbergh ne parvient même pas à nous rendre parano le temps d'un long traj'mé. Certains rétorqueront : "Tu ne l'as pas vu en salles ! Dès que mon voisin toussait j'avais envie de le tuer", et s'il est vrai que je ne l'ai pas vu en salle, il est vrai aussi que j'ai envie de tuer mes voisins de séance quel que soit le film que je vais voir au ciné, mais j'ai quelques soucis. Ceci dit ça se regarde à peu près, a fortiori sur une télé, avec l'entière liberté de se foutre de la gueule du film en permanence. Ca se mate malgré une bande originale techno-electro-teuchio insupportable, et c'est moins horrible que les critiques ne l'avaient dit. Quoique... Au bout d'un petit moment passé devant ce film dépourvu de scénario, et encore plus quand on y repense après l'avoir fini, on se dit que c'est quand même une belle merde, ce film. Pourquoi ?


La meilleure scène du film, cramée par la bande-annonce, celle où un docteur annonce à Matt Damon que sa femme est morte, et Damon de répondre : "D'accord... Je peux lui parler ?"

D'abord parce que ce film n'est rien de précis, il joue aux chaises musicales et ne se décide jamais à poser son cul huileux ici ou là. Je parle de cul huileux parce que du début à la fin Soderbergh filme des gens malades, liquéfiés, couverts de sueur et vaseux, soit exactement dans l'état critique où se trouve mon frère à chaque fois qu'il mange un peu trop de saucisson ou qu'il abuse des danettes au chocolat dont il raffole, à chaque fois qu'il mange en fait, à la fin d'à peu près chaque repas, aussi ce film fut-il douloureux pour moi. Contrairement aux longs séjours quotidiens de mon frère aux cabinets, Contagion n'est pas vraiment un film catastrophe, toute cette affaire de virus mortel à la vitesse de propagation démentielle ne semble être prise en charge que par cinq personnes dans le monde entier, un peu comme dans Alerte !, ce film de Wolfgang Petersen où Dustin Hoffman avait la courante. Les 6 499 999 995 autres êtres humains sur Terre, dont le sort tient entre les mains de cette poignée d'américains dévoués et peu connus, ne sont que des chiffres auquel le film fait référence de temps en temps ("4ème jour de contamination, 30 000 morts") avec une indifférence qui annule tout sentiment de panique. Et une seule scène (ratée) d'apocalypse à la The Road ne suffit pas à rattraper cet échec. Faute de catastrophisme, Contagion aurait pu devenir un bon film de genre quand le virus est considéré - dans une drôle de scène où une des héroïnes explique à un des héros les avancées de ses recherches sur le virus en faisant tout un laïus incompréhensible sur les chauves-souris et les cochons - par ceux qui le traquent comme un xénomorphe alien dangereux et mutant que chacun peut porter sur soi sans s'en rendre compte, mais en fait non, la maladie est aussitôt ramenée à ce qu'elle est : un gros rhume ultra contagieux qui fait chier le monde et qui fait suer du front ses victimes avant de les faire tomber comme des mouches en dix minutes.


Laurence Fishburne a l'air d'espérer une bonne nouvelle concernant la pandémie, mais un contrechamp nous révèle qu'il est sur L’Équipe.fr et qu'il attend le tirage au sort de la Ligue des Champions pour voir si Lyon va encore tomber sur le Real Madrid et se faire ramasser en beauté à domicile.

Aucun sujet n'est vraiment traité, pas même la grande idée de Soderbergh qui consiste en une parabole brillante sur le thème de la "contagion", la vraie contagion virale n'étant pas celle de la maladie mais celle de l'information, qui serait bien plus meurtrière. Sauf que rien n'est tiré de cette idée très bateau, et devant le film on se dit que c'est bel et bien la maladie qui bute tout le monde, pas internet. Tout ce que tente Soderbergh tombe à l'eau, comme sa grande idée de faire crever des stars hollywoodiennes à toute allure. Au fond c'était ça l'audace faramineuse de ce film en bois : foutre en l'air le tout Hollywood. Or on s'en tape royalement, pour commencer, et ensuite ce n'est même pas assumé puisque Paltrow, qui clamse mochement au bout de cinq minutes (voir le photogramme en bas à droite sur l'affiche) habite quand même tout le reste du film grâce aux images des caméras de surveillance observées par Marion Cotillard, qui passe sa vie à chercher l'origine du virus, ce dont on se fout tout autant, et pour ce faire se tape l'intégrale des vacances de Gwyneth Paltrow à Hong-Kong.


Quitte à choper une maxi chiasse dans la minute qui suit, moi aussi j'aurais un gros smiley en me faisant souffler sur les crayons par Gwyneth Paltrow.

L'autre star qui meurt c'est Kate Winslet, et elle meurt en héroïne s'il vous plaît. Elle fait partie des quatre ou cinq personnes sur Terre chargées d'endiguer ce fléau qui bute un million de pékins à la minute et elle meurt infectée dans l'exercice de ses fonctions, courageuse et sacrifiée, en véritable martyr de la bonne cause. Le dernier plan sur elle nous la montre agonisante sur un lit de camp, effectuant son dernier geste avant la mort : tendre une couverture à un type en meilleur état qu'elle... Tous les ricains sont des saints and soldiers dans ce film. Le vrai message délivré par Soderbergh c'est que les catastrophes sanitaires qui frappent le globe sont la faute aux Chinois qui ne respectent pas les règles élémentaires d'hygiène (à la fin on voit le départ de feu du virus, une chauve-souris tombée dans un enclos à cochons à côté d'un resto cantonais, je rêve...), mais fort heureusement de brillants et valeureux chercheurs américains, docteurs et doctoresses et autres directeurs de lobbys pharmaceutiques mettent tout en œuvre pour nous sortir à chaque fois de la panade au péril (jaune) de leur vie.


Dans une longue séquence géniale et inutile, Elliott Gould, qui incarne un docteur, est assis dans un bar, tout seul, un jour après le début de la contamination, et il regarde les gens dans la salle qui s'embrassent, se serrent la main, sentent leurs doigts, boivent dans le même verre, se torchent avec la manche et ainsi de suite, avec une tronche absolument indescriptible.

Elliott Gould, le papa de Monica dans Friends, qui dans chaque épisode n'en revenait pas d'avoir mis au monde une fille aussi bien bustée, fait un caméo de tous les diables dans le rôle d'un chercheur qui outrepasse ses droits pour trouver un remède contre le virus coûte que coûte et qui, ayant le choix entre vendre sa trouvaille à des entreprises pleines aux as ou le refiler gratos aux gentils, fait le choix de la vertu bien entendu. Lawrence Fishburne est lui aussi un grand homme qui veut sauver tout le monde et qui commet une bévue en prévenant sa fille de foutre le camp en silence d'un lieu infesté, sa fille aussi conne que lui s'empressant bien sûr de répéter à tout le monde qu'il faut partir, générant un mouvement de foule meurtrier. Mais Fishburne ne sera pas inquiété parce que sa bourde partait d'un bon sentiment, il voulait juste sauver sa fille, et puis à la fin il transgressera aussi la loi en ne se pliant pas à l'agenda national des piqûres de vaccins pour soigner sa fille avant tout le monde, et aussi le fils du type qui balaie son bureau tous les matins et qu'il aime bien. Car cet homme-là a un cœur d'or et les lois ne peuvent pas le retenir de faire le bien autour de lui. Idem pour Marion Cotillard qui part seule à Hong-Kong pour trouver l'origine du virus et qui finit par être prise en otage par des types dont le village est décimé par la maladie, qui veulent des vaccins en échange de Cotiflax. Quand ils les obtiennent (encore une scène remarquable où les Chinois testent le vaccin livré sur leur otage, Cotillard, qui n'est pas malade : ils lui font ingérer le remède, attendent deux secondes, et constatant qu'elle n'est toujours pas malade ils en concluent que le vaccin fonctionne !), ils la libèrent, mais arrivée à l'aéroport elle apprend de la bouche de son libérateur que c'était des placebos et elle quitte tout pour rejoindre les malades et les aider quand même, aide qui consistera à crever avec ses nouveaux potes en puant méchamment du front, mais c'est si héroïque. J'en passe et des meilleures.


Steven Soderbergh, le double ricain de Mathieu Kassovitz, est décidément un bien triste type.

Le seul salop ce n'est pas le patron d'une entreprise pharmacologique (ces gens-là sont des crèmes qui ne veulent que le bonheur du monde), c'est un blogueur qui veut dénoncer ce qu'il croit être une conspiration des magnats de l'empire pharmaceutique. Jude Law incarne le seul rôle merdeux de ce film, et Soderbergh lui a collé de fausses dents tordues pour le rendre ingrat comme un internaute et laid comme un enfoiré paranoïaque qui a tort de mettre en doute les bienveillantes institutions américaines, car il cause du tort à tout le monde avec son esprit critique infondé... Dieu soit loué les héros de l'ombre nationaux font fi du principe de contradiction des gêneurs paranos qui insultent leur courage et dénoncent à tort les soi-disant dérives du système et les fausses mauvaises méthodes des grands groupes. L'esprit critique scandaleux du grand public à l'égard des puissants est une plaie, nous dit Soderbergh. Le véritable cancer de notre planète, selon le cinéaste, c'est l'information, la communication, l'esprit critique, qui créent des bains de sang et empêchent les efforts des nobles et bienveillants puissants de ce monde. Édifiant. Vous aussi vous pensiez que Soderbergh n'avait pas de talent mais qu'il avait au moins deux trois idées ? Vous aussi vous pensiez qu'il avait des couilles au cul faute d'être doué de ses dix doigts ? C'est triste pour lui mais en plus d'être si peu doué Soderbergh vient de nous prouver qu'il est niais comme un manche à balais.


Contagion de Steven Soderbergh avec Matt Damon, Gwyneth Paltrow, Kate Winslet, Lawrence Fishburne, Marion Cotillard, Elliott Gould et Jude Law (2011)

21 janvier 2012

Red State

Kevin Smith a fait monter la sauce pendant des mois. Son prochain long métrage, avait-il fièrement annoncé en 2006, serait un film d'horreur. Il avait laissé diffuser des images au compte goutte. Le synopsis ne fut jamais clairement dévoilé. On ne savait pas si Kevin Smith allait bercer dans le gore et le second degré, histoire de choquer un peu sans véritablement surprendre, ou s'il allait plutôt nous livrer une œuvre plus classique, s'inscrivant donc à contre-courant d'une certaine mouvance actuelle et se prenant au sérieux, peut-être pour notre étonner positivement, qui sait ? Son film allait-il être un simple défouloir pour le comique obèse pas drôle qu'il est, ou bien serait-il un moyen propice à véhiculer un message engagé impossible à faire passer autrement ? Les premières images nous informaient tout de même sur ce point : son film allait s'emparer du fait religieux, comme il avait déjà pu le faire avec Dogma, et ne serait donc pas une coquille vide. Tout cela faisait que, quand même, malgré le fait que Kevin Smith soit un cinéaste de pacotille qui nous a récemment submergé de navets infâmes (je pense par exemple à l'infect Top Cops), on était tout de même bien curieux de découvrir son "film d'horreur". Alors, qu'en est-il, finalement, de ce film qui a connu une drôle de sortie, en étant d'abord disponible en VOD, et qui s'est par conséquent très prématurément répandu sur la toile ?


Michael Parks campe un personnage paraît-il inspiré du nageur multi-médaillé Michael Phelps.

Hé bien il n'y a pas grand chose à dire de Red State... Et ce film aura bien du mal à faire parler de lui après sa sortie autant qu'il a essayé de créer le buzz avant, ce que l'on peut même déjà constater aujourd'hui. Quid du synopsis ? L'action de ce très long métrage (1h28), grossièrement divisé en deux parties, se déroule dans l'un des nombreux trous de balle des États-Unis : une petite bourgade du Midwest qui est le théâtre des manifestations régulières d'une bande de fanatiques religieux menée par un chef illuminé, campé sans suffisamment d'intensité par une sorte de sosie sans saveur de John Hurt (Michael Parks). Nous commençons par suivre une bande de jeunes tocards qui vont à un rendez-vous dans l'espoir de faire un truc à trois avec une meuf dénichée sur un site internet de type adopteunkeum. Évidemment, il s'agissait d'un attrape-couillons, comme ce genre de sites en regorge (je le sais, j'en ai déjà été victime !), et nos trois glandus se retrouvent à la merci des fanatiques religieux, des anti-homosexuels notoires qui vont les torturer puis les tuer au cours d'une cérémonie débutée par un discours effroyablement long énoncé par le grand manitou. La deuxième partie du film est davantage focalisée sur le personnage incarné par John Goodman, un vieux flic fatigué qui se retrouve aux commandes d'une intervention musclée visant à mettre hors d'état de nuire la petite troupe d'illuminés (pourquoi n'y ont-ils pas pensé avant ? Laissez pisser, il s'agit là de l'un des nombreux trous béants du scénario). Nous assistons donc à l'interminable siège de leur repaire, où l'un des jeunes tocards est encore en vie et tente de s'échapper, et cela donne lieu à la scène de fusillade la plus longue et ridicule de l'historie du cinéma.


A noter : la prestation solide de John Goodman, parfois assez impressionnant, et qui semble afficher un niveau de cholestérol très inquiétant. Je me fais du souci pour lui.

Red State est en effet l'occasion de constater la pauvreté de la mise en scène de Kevin Smith, incapable de développer la moindre tension, d'instaurer le moindre rythme à son film qui pâtit de grosses longueurs, qui se traîne terriblement. Manifestement à court d'idée, le réalisateur mafflu à l'éternel pantacourt se rabaisse à des tics visuels très chiants, comme par exemple cette caméra vissée au torse des personnages en fuite et en pleine panique, les filmant donc en contre-plongée dégueulasse, avec en outre cette insupportable image légèrement saccadée digne des pires films du genre. Malgré tout cela, grâce à sa façon très frontale de critiquer l’extrémisme religieux existant dans son pays, Red State se place tristement comme un film d'horreur pas totalement inintéressant et gratuit, fait suffisamment rare de nos jours pour être souligné. Mais cela s'arrête là, car si les intentions sont louables, à l'écran, tout ça est tellement laborieux et lourd qu'il me faut beaucoup d'indulgence pour relever ce petit aspect positif du film. Car Red State est un bien triste film, ponctué par des notes d'humour qui tombent totalement à plat (je pense par exemple à la mort ridicule de Kevin Pollack) et, comme si cela ne suffisait pas, le tout est plombé par une conclusion sur-explicative, qui vient nous montrer que Kevin Smith ne s'en prend pas seulement à l’extrémisme religieux mais qu'il veut aussi dénoncer certaines dérives politiques de son pays. On attendait que lui... On peut tout de même saluer la volonté du cinéaste ventripotent de changer de registre, mais on se demande s'il ne faudrait pas tout simplement qu'il entame un régime Dukan et change carrément de métier. Son Red State est un film d'horreur satirique particulièrement moche, balourd et vain, dont je fais bien de vous parler sitôt après l'avoir vu, car d'ici quelques heures, je ne m'en souviendrai plus.


Red State de Kevin Smith avec John Goodman, Melissa Leo et Michael Parks (2011)

19 janvier 2012

Traquenard (Party Girl)

Party Girl a pour titre français Traquenard, et ces deux titres réunis résument bien les deux aspects de cette œuvre réalisée par l'immense Nicholas Ray, qui est d'une part un film noir pur et dur et d'autre part un film avec Cyd Charisse, le tout entrecoupé de séquences dansées par Cyd Charisse... Et quand Cyd Charisse danse, on admire. C'est elle qui fait en grande partie le prix du film, au demeurant un excellent drame noir mené de main de maître par Ray, cinéaste de génie parvenu à donner un élan certain et singulier à cette histoire pourtant typique du genre. Le film nous raconte en effet les mésaventures d'un célèbre avocat, Thomas Farrell (Robert Taylor), bel homme boiteux qui s'aide d'une canne pour marcher et qui défend puis séduit une jeune danseuse de cabaret extraordinairement belle, Vicky Gaye (Cyd Charisse...). Mais cet élégant courtisan a le désavantage d'être le brillant avocat de son ami d'enfance devenu parrain de la pègre dans ce Chicago des années 30 marqué par la prohibition et où règne une guerre des gangs meurtrière (une scène de nettoyage d'un gang par un autre aura peut-être inspiré Coppola pour Le Parrain et rappellera l'un des grands épisodes des Sopranos aux fans de la fameuse série). Thomas Farrell est ainsi l'employé et le protecteur juridique d'un gangster gouailleur, colérique et sans pitié, Rico Angelo, incarné par le génial Lee J. Cobb, déjà en grande forme dans 12 Hommes en colère où il incarnait un gueulard enragé, et qui en joue un autre ici, moins attendrissant.




Évidemment, une fois que Thomas Farrell a trouvé chaussure à son pied, expression assez malheureuse en pareil cas, surtout pour comparer Cyd Charisse à une chaussure, elle qui avait des pieds étourdissants et d'autant plus étourdissants qu'ils étaient tout au bout de jambes inimaginablement longues, plus question pour l'avocat de risquer sa vie et de s'avilir au service de Rico Angelo et de ses sbires, guère décidés à laisser filer leur meilleur défenseur avec tous leurs secrets les mieux gardés dans sa besace. Cette captivante intrigue, qui joue de tous les ressorts savoureux du film noir et qui montre Thomas Farrell et Vicky Gaye luttant pour échapper au déterminisme de leur condition, est mise en scène par Nicholas Ray avec son talent habituel, le cinéaste parvenant toujours à nous surprendre avec des scènes fortes et inattendues, comme celle, au début du film, où Vicky découvre sa jeune amie suicidée dans son bain. Nick Ray se joue de nous comme personne, mais toujours avec une intelligence incroyable, toujours de la meilleure des façons car, je finis par en être définitivement convaincu de film en film, c'est un cinéaste qui semblait faire systématiquement les meilleurs choix.




Le meilleur choix que fit Nicholas Ray pour Party Girl fut d'engager et de filmer Cyd Charisse, par qui le film se soulève au-dessus de sa déjà noble condition dans trois séquences particulièrement mémorables. La première n'est pas une scène de danse, il n'y en a que deux dans le film, qui constitueront, sachez-le, ses deux autres moments de bravoure. Non la première est une simple scène de dialogue, préalable au rapprochement entre les protagonistes, où Vicky Gaye et Thomas Farrell se retrouvent la nuit chez ce dernier, après avoir découvert ensemble chez la danseuse le terrible suicide évoqué précédemment. Le héros reçoit la fille chez lui, la fille n'étant pas n'importe quelle fille puisque c'est Cyd Charisse. Cyd Charisse s'approche du canapé au centre de la pièce pendant que Robert Taylor se dirige vers le bar, où il sert à boire à son invitée de premier choix. Cyd Charisse, qui paraît épuisée après le choc du décès de son amie et les quelques heures passées au commissariat (que le cinéaste a réduites à quelques secondes), pose sa main droite sur l'accoudoir du canapé rouge bordeaux qui appelle sa grande et magnifique robe carmin à venir s'y lover, et s'assied lentement sur le bord du fauteuil. Cut.




Au plan d'ensemble sur le salon succède presque trop rapidement, trop brutalement, un plan rapproché en légère plongée sur Cyd Charisse seule, non plus immense et longiligne mais vulnérable, proche, baignée d'un léger flou qui la rend presque atteignable, toujours la main posée sur l'accoudoir, toujours assise sur le bord du fauteuil, regardant maintenant en direction de ses pieds et s'étendant doucement sur le dos, la tête posée sur le dossier, au centre de l'image quoique légèrement en travers du canapé, debout mais allongée, les yeux fermés et la bouche entrouverte, avant de lâcher l'accoudoir pour prendre son front désormais tourné vers Robert Taylor dans sa main, lasse, abandonnée, humaine. Sans m'étendre davantage sur le camaïeu de rouges qui baigne le plan dans le sang versé de l'amie de l'héroïne, ni sur la magnificence propre à la féminité de Cyd Charisse, pas davantage que sur la délicatesse du mouvement de son corps et sur la joliesse infinie de cette femme ainsi filmée allongée, je me contenterai de dire que le raccord - millimétré et pourtant si imperceptiblement brutal qu'il surprend le regard autant qu'un faux-raccord violent - entre le plan d'ensemble où l'actrice vient de s'asseoir et le plan rapproché où elle est sur le point de s'allonger est d'une beauté irrémédiablement insondable qui fait à elle seule l'inestimable valeur de ce film et de cette chose qu'est le cinéma.




Et puis il y a la danse de Cyd Charisse et surtout il y a les jambes de Cyd Charisse. Cette femme, au corps au moins aussi resplendissant que son beau et grand visage, injustement ravissante d'Est en Ouest et du Nord au Sud, accédait aux plus hautes sphères de la grâce et de la beauté par ses jambes venues d'ailleurs, les plus longues et les plus improbables jambes du monde. A l'époque on la surnommait Legs, et on ne s'y trompait pas. Quelle fameuse idée eut Nicholas Ray non seulement de consacrer deux longues séquences aux seuls numéros de danse de l'actrice mais, pour la seconde scène dansée, d'accompagner avec sa caméra Cyd Charisse sur une musique aux sonorités africaines, l'actrice faisant preuve à chacune de ses performances d'une sensualité de panthère à se damner. Comparer telle femme ou telle danseuse à un félin relève du lieu commun, le plus souvent usurpé, mais là, croyez-moi comme jamais, c'est vrai. Quand Cyd Charisse danse, filmée par Nicholas Ray, nous admirons une panthère sublime et, plus surprenant encore, on a soudain envie de faire plaisir à notre compagne en adoptant ce gros matou avec lequel elle nous tanne depuis des mois à la maison.


Traquenard (Party Girl) de Nicholas Ray avec Cyd Charisse, Robert Taylor et Lee J. Cobb (1958)

17 janvier 2012

Intouchables

Les gros chiffres atteints par Sixième sens en son temps sont compréhensibles. C'est le film que tu vas forcément REvoir. Donc chaque spectateur compte double, voire triple pour les plus demeurés ou pour la famille de Haley Joel Osment. Du coup à la base il a fait un chiffre tout juste honnête qui, multiplié par deux, a foutu tout le monde sur le cul et Shyamalan sur orbite. Mais là ? Va-t-on voir Intouchables deux fois en salles ? Quand on le conseille avec toute la meilleure volonté du monde à son patron ou à sa tante, est-ce qu'on va le revoir avec eux ? Non. Parce qu'on ne peut pas les sentir... Mais au-delà de ces considérations ? Va-t-on revoir ce film ? Revoir quoi au juste ? Accompagne-t-on sa tante aveugle pour se taper double ration de la soi-disant comédie de l'année ? Les gros chiffres atteints par Usual Suspects en son temps nous sont compréhensibles. On pourrait trouver d'autres exemples de films malins qui sur le scrabble géant du box office ont eu la bonne idée de placer leurs jetons sur une case compte double. Quid de Fight Club et de Titanic. Certes, le second exemple est un peu foireux, tout le monde est retourné voir le film de Cameron au moins trois fois sur grand écran parce qu'il nous en foutait plein la vue, pas pour mieux comprendre la fin, mais on le cite quand même, pour foutre un lien, on s'auto-backlink et c'est ainsi qu'on va grimper dans le classement ebuzzing feu classement wikio des blogs de ciné, balec' ! De son côté, Omar Sy (troisième dans le classement des français préférés des français, derrière Noah et Zidane, mais Le Pen sera quand même au second tour en 2012, va piger) ne se gêne pas pour se rendre méprisable en s'auto-congratulant et en se faisant une pub d'enfer tous les soirs en prime time dans le SAV des émissions (avec l'appui de cet enfoiré de Chabat, le cul encore enfoui dans les dollars que lui a rapportés Asterix et Obélix : Mission Cléopatre), comme si le film en avait besoin...



Comment expliquer le succès de ce film qui succède à La Grande vadrouille, Blanche-neige et les septs nains (on ne le dit jamais assez) ou Bienvenue chez les ch'tis dans l'histoire du box office français et qui tutoie les Avortons et autres Twitanic (cliquez sur le titre) de l'intouchable Cameroon. Je laisse ce mystère entre les pattes des meilleurs sociologues : Pierre Bourdieu et Alain Finkielkraut, si vous m'entendez ! De notre côté on va se contenter de vous faire part de notre ressenti sur ce film, comme on fait régulièrement, une fois tous les deux jours. Il faut préciser que nous sommes au départ plutôt acquis à la cause des dénommés Francis Cluzet et Omar Sy (prononcez Sy, si si). Le premier est devenu un pylône du cinéma français, il est au top en ce moment, quantitativement en tout cas puisque chaque mois les amateurs de Cluzet ne savent plus où donner de la tête : Cluzet sera bientôt le cheval dans Cheval de Guerre du grand Spielberg, l'intrus dans Intruders de l'allemand Juan Carlos Fresnadillo, et il sera aussi en tête d'affiche du Projet Nim. Qualitativement il a déjà été mieux dans ses baskets puisque les films qui l'ont fait exploser aux yeux du grand public ces dernières années sont entre autres les deux infâmes taudis réalisés par Guillaume Canet : Ne le dis à personne et Les petits choirmous. Nous serions étonnés de revoir Cluzet briller dans un film d'Assayas ou de Chabrol (et pour cause). L'acteur a changé de monde, y'a pas à dire. Mais on ne lui jettera pas vraiment la pierre car il reste bon acteur, sympathique comme tout, et grandiose en interview tv où il est l'auteur d'un certain nombres de "sorties" (comme on dit) de haute volée. On se rappellera avec émotion de sa "sortie" terrible sur les handicapés à Cannes l'année dernière, ironie du sort : il fait aujourd'hui fortune en jouant un tétraplégique de la tête aux pieds. A vrai dire, nous jetons un œil à sa filmographie tout en tapant ces lignes, et il faut avouer que si Cluzet a certes explosé en vol récemment dans des navets, il a toujours pissé le chaud et le froid, il a toujours alterné bons films et groooooosses purges. Bref, alternons nous aussi et passons à Omar Sy, en road to the Césars à l'heure actuelle. Et pourtant... On l'a toujours bien aimé dans le SAV, où son rire communicatif et ses différents personnages emportaient le morceau, même si le plus drôle de la troupe reste Sylvie Testot (dont la filmographie est une décharge où Gardiens de l'ordre passe pour une pépite). Comme son collègue, Omar se repose un peu sur ses lauriers mais son parcours fait rêver les français : parti des banlieues le voici intouchable ; son service trois pièces fait quant à lui rêver les françaises, mais ça c'est un peu facile.



Malgré les acteurs en présence, le film n'est pas vraiment drôle. On pouffe cinq ou six fois en tout et pour tout. Certaines vannes ont été faites pour la première fois il y a sans doute 50 ans (comme celle des Assédics et des "deux ans d'attente"), d'autres tombent à l'eau (comme quand Omar Sy brûle les jambes insensibles de Cluzet à coup de thé vert bouillant, on est gêné pour lui), d'autres ne sont pas faites et on le regrette. Par exemple, si le personnage d'Omar Sy se lâche sur les handicapés, son vis-à-vis ne lui renvoie jamais la pareille avec une quelconque vanne sur les noirs (comme celle que nous nous sommes permise quelques lignes plus haut sur le probable Calamar géant d'Homard pas vraiment connu pour être un Bernard l'Hermite) et c'est un peu dommage. D'autant que Cluzet est donc réduit à un rôle aussi éteint que le corpus du type qu'il incarne, il se charge du pendant vaguement sentimental du film tandis que Sy essaie de rayonner de mille feux en solo, ce qui n'aide pas à nous faire croire en l'amitié improbable des deux personnages. La plausibilité de l'histoire (que le film soit inspiré d'une histoire vraie ne change rien au problème) est également mise à rude épreuve par la richesse extravagante du tétraplégique, qui est un rempart à l'identification du spectateur face à une amitié qui paraît d'autant plus surprenante. Autre rempart : la tendresse qu'éprouve Cluzet pour un type qui s'amuse à lui cramer les gambas paraît un peu factice, surtout quand le même personnage prend en grippe son nouvel auxiliaire de vie, remplaçant temporaire d'Omar à la fin du film, qui a juste eu le tort d'inverser ses pantoufles. On ne parle que pour nous bien sûr étant donné que le rempart n'a visiblement pas été difficile à franchir pour 17 millions de spectateurs and counting. Cependant, disons-le comme on le pense, la relation qui unit les deux personnages n'est pas très bien travaillée. Nakache et Toledano (qui restent les co-auteurs de l'infâme Je Préfère qu'on reste amis...) échouent à nous rendre vraiment tangibles les sentiments réciproques qui unissent leurs deux protagonistes, et leurs échanges tout au long du script ne sont pas glorieux. Par exemple, là où Cluzet essaie en vain d'initier Omar à la musique classique et à la peinture moderne (il foire aussi dans ce domaine puisqu'Omar ne se met à la gouache façon Pollock que pour l'appât du gain et fait dans son froc à la première note jouée par Chopin), son nouveau compagnon issu des banlieues ne le convertit qu'aux putes et aux joints, voire à la disco...



Quand on essaie de ne pas s'arrêter à un visionnage au pur premier degré, on se heurte à quelques défauts notoires. Le premier, et pas des moindres, c'est l'aspect très télévisuel du film, qui ressemble de loin à un épisode de Louis la brocante saison 3 (dite "la saison maudite" par Victor Lanoux lui-même, aka Louis la trocante, appuyé sur ce coup-là par le second couteau Armand Chagot aka Raymond le gendarme). Au rayon des choix faciles et assez tristes de mise en scène, on peut évoquer le flash-back par lequel commence le film via une scène assez médiocre qu'on se retape à la fin (on n'évoquera que celle-là vu que précisément il n'y a pas de mise en scène)... Au niveau du discours, on pourra tiquer sur quelque démagogie de bas étage, qui passe d'abord par la quête immédiate d'une connivence avec le spectateur à travers le doux dédain des flics et par une sorte de mépris non-déguisé des classes supérieures quand Omar Sy, grand black de banlieue, secoue ou malmène violemment des bourgeois chevelus et passe pour un Dieu en usant de sa force, y compris aux yeux de Cluzet qui déclare fièrement : "C'est comme ça qu'il faut faire !". Idem pour le faux politiquement incorrect dont le film se revendique, avec les vannes sur les handicapés donc, du type "pas de bras pas de chocolat", vannes bien gentillettes au final et qui s'attirent la sympathie du public en décomplexant tout le monde alors que le film est par ailleurs bien huilé pour ne vexer personne, et l'absence totale de blague sur les noirs participe de cela. Les seuls qui seront peut-être vexés au final ce sont les amateurs d'art contemporain, car Intouchables est également très populiste quand, entre trois vannes pasteurisées, il fait ouvertement et sans vergogne l'anathème de l'art et de ses pseudo exigences intellectuelles onanistes, se plaisant à sournoisement piétiner d'un seul coup tout l'art moderne et à conforter le grand public dans sa bienheureuse ignorance des grands chefs-d’œuvre de la musique classique considérés comme autant de jingle publicitaires. Cet aspect du film est indéniable et à relativiser dans le même temps, car on a bien conscience que le film n'a pas pour visée de dénigrer réellement la musique classique, c'est plus une facilité qu'autre chose, un raccourci bien pratique, avec à la clé un clin d’œil très daté qui n'aura bientôt plus aucun sens puisqu'on aura oublié de quoi parle Omar quand il fait référence à telle ou telle pub. C'est de l'humour avec date de péremption, comme ce film qui, à l'image de Bienvenue chez les Ch'tis ou d'Astérix et Obélix : Mission Cléopatre, sera oublié et enterré d'ici trois mois, y compris par nos pères qui disent avoir "passé un vrai bon moment". Flag of our fathers...


Intouchables d'Olivier Nakache et Eric Toledano avec Omar Sy et François Cluzet (2011 - 2012, RIP)

15 janvier 2012

Mission : Impossible - Protocole Fantôme

On dit très souvent à propos de ce nouveau Mission Impossible qu'il s'agit du meilleur film de la série. Alors oui, certes, trêve de suspense, je suis entièrement d'accord, ce quatrième volet est clairement au-dessus des autres. Mais est-ce que ça veut vraiment dire quelque chose ? A mon sens, non, du tout ! Qualitativement parlant, la franchise Mission Impossible est davantage à rapprocher des Fast & Furious que des Die Hard, Indiana Jones ou autres Armes Fatales. Cette franchise n'est pas du tout fondée sur un ou deux bons films, non, elle est seulement le véhicule d'une méga-star toute puissante, j'ai nommé Tom Cruise, qui semble adorer plus que tout autre chose que l'on fasse de lui l'égal d'un demi-dieu aux capacités physiques et cognitives proprement outstanding !


L'acteur assure ses propres cascades !

Je fais donc partie de ceux qui ont cru contempler la Mort droit dans les yeux pendant toute la durée du premier volet signé Brian De Palma. Heureusement que je n'avais pas d'objets contondants à portée de main... Quant au numéro 2, que dire ? A moins d'adorer les fientes de colombes et les pirouettes en motocycles, il faut vraiment ne pas être très regardant sur la marchandise pour se satisfaire d'un spectacle si proche du néant. Une mascarade imbuvable mise en boîte par un John Woo littéralement pris en otage, qui conserve encore aujourd'hui sur sa tempe l'empreinte du fusil à canon scié de Tom Cruise, la vedette tyrannique, particulièrement déchaînée dans ce misérable opus. Plus récemment, le M:I-III (prononcer "M two pownts aïe slash aïe aïe aïe" par ses nombreux détracteurs) de JJ Abrams a tenté de relancer la saga en l'orientant davantage vers le thriller hard-boiled, dans un festival de scènes d'action sans queue ni tête durant lesquelles Cruise sue sang et eaux et rebondit sur des bagnoles en CGI pour sauver Michelle Monaghan. Michelle Monaghan ! Pas terrible la girlfriend de Dieu... Si j'étais lui, elle aurait une toute autre tronche, croyez-moi ! Mais revenons donc à ce quatrième épisode...


A part quand il s'agit de cascades risquées.

M:I-4. Mission deux points Impossible petit tiret quatre. Blague à part : je n'ai jamais compris ce choix typographique. Quand je lis "M:I-4", ça débouche forcément sur un dialogue intérieur inextricable avec moi-même, de quoi me pourrir une après-midi : "Alors cette mission, dis m'en un peu plus ? - Non cherche pas, elle est impossible. - Alors à quoi bon, tocard ? Et on soustrait quatre, c'est ça ? Mais quatre quoi ? Et soustrait à quoi ? - Laisse pisser... - Mais pourquoi ? Pourquoi ?". C'est un smiley peut-être ? Ou plusieurs smileys ? C'est un smiley, c'est ça ? Ou bien, la mission est impossible mais moins quatre, ce qui fait qu'elle est tout de même plus facilement réalisable qu'une mission impossible à laquelle on aurait seulement soustrait deux ou trois. Si mon raisonnement se tient, plus on avancera dans la saga, plus les missions seront possibles. La seule mission réellement impossible était donc celle du film de Gérald de Palma, qui s'intitulait simplement Mission : Impossible. Mais c'est une théorie qui ne me convainc pas totalement, car la bête logique hollywoodienne irait plutôt dans l'autre sens. Bigger, louder, stronger. La théorie du smiley me semble plus crédible. Un smiley très bizarrement coiffé, avec un bec de lièvre... Je ne sais, je ne sais, mais ça me fait du bien d'en parler.


Visez un peu son oreille ! Un clin d’œil à Ratatouille ?

Mission Impossible 4
(laissons de côté la ponctuation) est un honnête blockbuster. Un gros film d'action à l'ancienne, préférant les vraies cascades aux CGI à tout-va et parsemé de quelques scènes très efficaces (celles à Moscou et Dubaï). Ce film aura même le don de vous scotcher à votre fauteuil à plus d'une reprises si vous êtes une personne encore impressionnable et, surtout, si vous n'êtes pas définitivement las des acrobaties de la vedette d'1m50, car une chose est claire : en cas d'allergie à Tom Cruise, passez votre chemin ! L'acteur à la carrière chancelante misait gros sur ce film et il fait strictement tout pour se mettre en valeur dans la peau de ce surhomme à l'intelligence infaillible et au courage hors-norme, un héros comme on en voit plus beaucoup. Cela pourrait être seulement ridicule si l'acteur n'avait pas ce charme particulier et désormais si familier qui opère plus ou moins selon le public visé et s'il ne savait pas su bien s'entourer. Plus que dans tous les autres épisodes de la saga, l'équipe de choc est ici assez mise en avant et fonctionne plutôt bien. Pour une fois, le très british Simon Pegg apporte quelques petites touches d'humour assez bienvenues. C'est même la première fois que cet acteur m'est sympathique, lui que je trouve d'ordinaire si pégeux. Jeremy Renner a lui bien du mal à exister aux côtés de Cruise et Pegg : il est le faire-valoir du premier et la marionnette impuissante du second. L'athlétique et féline Paula Patton apporte quant à elle un atout charme non-négligeable à l'ensemble, tout particulièrement visible lors d'une scène où elle apparaît dans une robe moulante et très échancrée qui laisse peu de place à l'imagination. D'un autre côté, le capital foncier imposant de Léa Seydoux, soit la foule présente en permanence à son balcon, est à peine exploité, et l'actrice française ne ressort pas spécialement grandie de cette escapade hollywoodienne.


"Cacher ma gaule..."

On ressort de ce long divertissement assez rassasié. On regrettera toutefois que le dernier tiers du film soit nettement en-deçà. Au lieu de finir en apothéose, le spectacle donne ainsi l'impression de s'essouffler quelque peu. On regrettera aussi que le grand vilain soit campé par un acteur sans aucun charisme et que ses motivations soient vraiment ridicules (comme c'est d'ailleurs une habitude dans ce genre de films, et tout particulièrement dans ces films de super-héros auxquels MI4 ressemble à s'y méprendre étant donné la nature surhumaine de son imposant héros). Quant à la "patte" Brad Bird, j'ai pour ma part bien eu du mal à la déceler, à part peut-être lors du générique, assez plaisant et tout droit sorti des studios Pixar. Mais ne vous y trompez pas : MI4 reste avant tout un produit manufacturé et taillé sur mesure pour la gloire de sa star infatigable et omniprésente. Rien ne dépasse, tout est calculé au micromètre, pour un usage unique et, ma foi, plutôt satisfaisant. Succès critique et public assuré en ces temps de disette de grands spectacles hollywoodiens. Pari réussi pour la star. Un cinquième volet ne devrait pas tarder à voir le jour.


Mission : Impossible - Protocole Fantôme de Brad Bird avec Tom Cruise, Paula Patton, Simon Pegg et Jeremy Renner (2011)

13 janvier 2012

Shame

Il y a des films comme ça sur lesquels on ne trouve rien de spécial ni d'intéressant à dire. C'est le cas, en ce qui me concerne, de Shame, le deuxième long métrage de Steve McQueen. N'est-ce pas un peu triste ? Quand un film minable m'a plombé une soirée, je peux au moins garder le bon souvenir que fut la rédaction de sa critique, où je ressentis très naturellement le plaisir de zigouiller le film en question. Je pense par exemple à Thor, Hesher, ou Insidious. Shame est infiniment mieux que ces trois exemples, mais je vous avoue sans détour que c'est un effort pour moi d'écrire un petit papelard sur ce film. Alors pourquoi le faire ? Parce que je suis un blogueur ciné, parce que ce film était l'un des plus attendus de la fin d'année 2011, parce qu'il divise plus ou moins et qu'il est donc bon, quand on l'a vu, d'en dire quelques mots histoire de se situer sur l'échiquier critique ! Tu parles... Je torche un papelard, je torche un papelard, foutez-moi la paix !



Je suis pourtant allé voir ce film au cinéma, animé par les plus louables intentions et dans les meilleures conditions possibles : VO sous-titrée, son impeccable, écran géant, place d'ordinaire réservée aux handicapés, confort extra, calebard XXL et McDo à la clé sans avoir à sortir un seul péso de ma poche ! Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour que je sois pleinement réceptif à l’œuvre de McQueen, avant, pendant et après. Impossible de "passer à côté". Or, j'ai passé tout le film dans un entre-deux plutôt désagréable, trouvant tour à tour le film assez intéressant ou des plus agaçants. Une chose est sûre, et je ne ferai pas preuve d'originalité en disant cela : Michael Fassbender porte le film à bout de zgeg dans un rôle pourtant difficile d'homme souffrant d'une sévère addiction sexuelle. L'acteur est réellement bluffant et parvient presque à lui seul à nous captiver. Je ne peux pas en dire autant de la mise en scène de Steve McQueen, parfois élégante et juste, je le reconnais, mais aussi très souvent énervante car trop maniérée, presque poseuse, étouffante.



Shame m'a donc paru enchaîner les temps forts et les temps faibles, ces derniers étant certainement plus marquants que les premiers. Je pense par exemple à cette scène se voulant à coup sûr très émouvante où l'actrice Carey Mulligan interprète la chanson "New York New York" quasiment a capella. Une scène d'une longueur et d'une lourdeur équivalentes, terribles, où il commence par se passer quelque chose, certes, où l'actrice risque gros et se met à nu, à l'évidence, mais beaucoup trop tape-à-l'œil, carrément lourdingue. J'avoue m'être senti très mal à l'aise pour l'actrice et pour le film en général, chose qu'il est assez rare que je ressente à ce degré-là. Il faut aussi que je précise qu'à côté de moi était assis mon frère Poulpard aka "Brain Damage" qui s'est alors mis à soupirer si bruyamment que j'ai d'abord cru que la climatisation de la salle avait sauté. Cette scène-là l'a dégommé sur place, et à partir de ce moment il se serait même tiré de la salle si je n'avais pas été à ses côtés... Cette scène-clé, assez osée, il faut le reconnaître, est pourtant décrite par certains critiques comme l'une des plus belles qu'on ait pu découvrir au cinéma en 2011. "Agree to disagree !" Ce fut pour moi un véritable calvaire et j'emploie là un terme fort mais qui correspond totalement à ce moment si pénible.



L'actrice aux petites fossettes, véritablement sur tous les fronts en 2011, parvient tout de même à s'en relever. Suffisamment, en tout cas, pour que sa relation avec son frère (Fassbender donc) soit l'un des aspects les plus réussis du film. Car à part ça, j'ai eu l'impression que McQueen ne faisait pas grand chose du sujet pourtant assez original et intéressant dont il a audacieusement décidé de se saisir : l'addiction sexuelle de son personnage principal. Le cinéaste choisit de nous dresser le portrait d'un homme malade sans avoir un regard critique ni explicatif sur sa condition ; son film pourrait en ressortir grandi, mais ici, bien au contraire, à force de jouer avec cette distance fragile dans le traitement de son personnage, Steve McQueen finit un peu par ennuyer et par nous laisser un goût d'inachevé. En outre, quand le jeune cinéaste nous donne des pistes nous expliquant l'origine de l'addiction du frère et de l'état dépressif de la sœur, il le fait via des dialogues faussement sibyllins ("We're not bad people. We just come from a bad place.") qui ont plus eu le don de m'agacer qu'autre chose. Sans crier à l'arnaque totale, puisqu'il y a aussi quelques bonnes choses dans Shame, je ne ferais donc clairement pas partie des ardents défenseurs de ce film. Après le déjà très remarqué Hunger (que je n'ai pas vu), Steve McQueen reste un cinéaste à suivre, mais il demeure encore un simple espoir qui a toujours tout à confirmer. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il gagnerait peut-être à être plus modeste et moins sûr de lui, car il commet ici quelques maladresses assez fâcheuses, comme lorsqu'il nous montre son personnage se résigner à un rapport homosexuel, plus honteux que jamais...

Quatre paragraphes, sur un film dont je pensais n'avoir rien à dire ? Le tout sans aucun jeux de mots foireux sur le titre du film ? Et, surtout, sans jamais tomber dans certaines facilités, comme celle qui consistait à vous avouer que je souffre de la même maladie que Michael Fassbender (sauf que je n'ai pas du tout son physique*, ce qui me rend les choses infiniment plus compliquées) ? Je m'en contente !


*A ce propos, je signalerai à notre lectorat préférant les hommes que l'on voit très souvent l'acteur dans son plus simple appareil, ce qui nous permet de constater qu'il est justement fort bien appareillé. Pour être plus précis, son mastodonte m'a semblé implanté anormalement bas, ce qui le fait passer pour long alors qu'il est très vraisemblablement de taille normale, en tout cas pour un européen. Son cul, par contre, m'a paru tout à fait anormal. Très carré, peu dodu, très sec, je me suis dit que le mien devait être plus sympathique au toucher. J'en ai assez fièrement fait part à ma compagne et celle-ci m'a rétorqué que Fassbender était très bien bâti à ce niveau-là comme aux autres et que c'était plutôt moi l'anormalité avec mon "boule de meuf". Je n'en suis pas encore tout à fait remis. Quand j'y repense, malgré le McDo et compagnie, c'était pas une si bonne soirée que ça...


Shame de Steve McQueen avec Michael Fassbender et Carey Mulligan (2011)