Sorti en 2007, le Halloween de Rob Zombie est donc l'indispensable remake du classique de John Carpenter déjà aux origines de sept suites officielles et d'environ 1000 copies. Il s'agit plus exactement d'une sorte de remake prequel, un peu à l'image du récent The Thing, étant donné que Rob Zombie s'intéresse à ce que Big John avait intelligemment choisi de passer sous silence dans son film, par des ellipses bien senties. Des ellipses qui lui évitaient de tomber dans les travers du film de serial killer de bas étage et qui permettaient à son film de devenir une œuvre quasi conceptuelle, débarrassée des conneries habituelles qui sont censées nous faire comprendre comment un type lambda peut devenir un taré total. Ce qu'on ne voit pas dans le film de Carpenter, on le voit donc dans celui de Zombie. C'était un pari risqué, mais pourquoi pas. Hélas, quand on regarde le film de Zombie (oui, j'ai décidé de ne plus dire son prénom, quand on choisit un blaze aussi pourri, faut assumer), on comprend très vite qu'il s'agissait en réalité d'une fausse bonne idée ou, en d'autres mots, d'une vieille idée pourrie mise entre les mains d'un sacré débile doté d'une imagination et d'une intelligence atterrantes. Je ne dis pas que c'est forcément naze de vouloir dresser le portrait psychologique d'un tueur, mais c'est très rarement réussi, et une chose est sûre : mieux vaut ne pas le faire du tout que le faire si mal.
Rob Zombie fait le remake du classique de Carpenter et s'attarde sur l'enfance de Michael Myers. Accrochez-vous, c'est un intellectuel de premier plan avec de gros sabots !
Qui était ce petit garçon qui a froidement tué sa sœur un soir d'Halloween ? Dans quel cadre familial vivait-il ? Quelles relations entretenait-il avec sa frangine ? Avec ses parents ? Ses grands-parents ? Bénéficiait-il d'une scolarité épanouie ? Avait-il de bonnes notes en dictée ? Quelles étaient ses activités favorites, ses passe-temps ? Allait-il chez l'orthophoniste le mercredi après-midi ? Et surtout, que s'est-il passé entre le moment du premier meurtre et son évasion de l'asile psychiatrique, 15 ans plus tard, c'est-à-dire pendant cette période où il fut pris en charge par le Docteur Loomis ? C'est à la plupart de ces questions, dont on pouvait parfois deviner les réponses dans le film initial, que Rob Zombie apporte ses réponses, celles d'un ado attardé sans aucune suite dans les idées, ressassant toujours les mêmes idioties à longueur de films. Alors que le chef d’œuvre de Carpenter baignait dans une ambiance irrationnelle tout à fait bienvenue, conférant un aspect fantastique à son film notamment à travers la figure de Michael Myers, le remake (j'appellerais ça un recel, contraction à ma sauce des mots "remake" et "prequel") de Rob Zombie se noie rapidement dans la platitude et la crétinerie la plus crasse en tentant péniblement de refaire le portrait de ce tueur inhumain.
Quand il était petit, Michael Myers avait une tronche de cake. Il tuait des chats et des chiens puis les prenait en photo. Normal. A l'école, il se faisait tabasser à toutes les récrés. Évidemment. Son beau-père était une sorte d'affreux connard répugnant, obscène, dégueulasse, infiniment bête, et, bien entendu, alcoolo au dernier degré. Il ne manquait jamais l'occasion de rabaisser le petit Michael et il harcelait quotidiennement sa grande sœur qu'il rêvait de se taper. Il faut dire que cette dernière était plus ou moins une pure trainée. Rien d'étonnant. Michael les méprisait tous, à l'exception de sa toute petite sœur, Laurie, encore bébé, et de sa mère, une strip-teaseuse professionnelle incarnée par Sheri Moon Zombie, la compagne de Rob, qui ne fait que montrer son gros cul et sa tronche de viking mal luné, en versant quelques larmes pour essayer de nous convaincre qu'elle est une actrice. Michael se contentait donc de les mépriser en silence jusqu'à ce soir d'Halloween où, après avoir contemplé son bol de chocapics pendant trois plombes, sa colère prit la forme d'une tuerie sauvage.
On croise donc ici les mêmes individus pitoyables que dans The Devil's Rejects, le film phare de Rob Zombie, celui qui lui a amené toute une ribambelle de fans. Ces personnages sont tous insupportables, incroyables de bêtise, de laideur et de vulgarité. Une galerie de freaks jamais attachant, que l'on a envie de voir crever autant que le petit Michael Myers, qui est hélas le plus ridicule de la troupe ! Blague à part : sachez que personnellement, j'associe volontiers Rob Zombie à ses personnages affreux, bêtes et méchants ; en plus, sans vouloir rentrer dans le délit de sale tronche, il me semble qu'il leur ressemble comme deux gouttes d'eau... Dans cette partie introductive, Rob Zombie nous gratifie de sa psychologie de bas étage, de ce portrait juvénile dressé à coups de hache et d'une connerie à toute épreuve, qui a simplement la particularité de faire de Michael Myers un personnage franchement ridicule et de déconstruire totalement l'image inventée par Carpenter il y a 34 ans. Mais ça n'est que le début...
Rob Zombie passe ensuite presque trois quarts d'heure à nous dépeindre l'évolution du petit Michael à l'asile psychiatrique, où il est donc pris en charge par le Docteur Loomis (Malcolm McDowell). Cette partie du film est d'une pauvreté affligeante, rien ne se passe, bien que tout soit surligné par la voix-off de Loomis, qui nous explique grosso modo à quel point Michael se recroqueville progressivement sur sa personnalité démoniaque, se cachant derrière de ridicules masques qu'il confectionne lui-même dans sa cellule. C'est navrant. Comment avoir peur d'un tel débile, comment craindre ce catcheur retraité avec les cheveux toujours pendus devant la tronche, qui passe son temps à fabriquer des masques ridicules seul dans sa piaule ? On dirait un gros benêt gothique, devenu friand de travaux manuels car c'est le seul domaine dans lequel il excelle ! On a simplement envie de lui tendre un ours en peluche pour qu'il fasse un bon gros dodo et affiche enfin une meilleure mine. En outre, on ne saisit rien du rapport qui se crée entre les deux personnages, rien, il faut que celui-ci soit là encore lourdement souligné par les dialogues très explicatifs de Loomis en personne pour qu'on se dise qu'il y a effectivement quelque chose de spécial qui se noue entre son patient et lui. Mais on s'en contrefout ! Et, là encore, tout était tellement mieux présenté dans le film de Carpenter, à peine suggéré, dévoilé par une ou deux phrases, mais paradoxalement tellement plus clair... A l'image de l'interprétation de Malcolm McDowell, depuis longtemps condamné à jouer dans des déchets, et qui fait ici vraiment de la peine. Il en fait des caisses là où Donald Pleasance parvenait à insuffler de l'intensité à son personnage avec trois fois rien. Et que dire de Michael Myers adulte, qui, en prenant les traits d'un dénommé Tyler Mane, devient une sorte de superstar du catch lamentable, un ersatz du sympathique Undertaker, mesurant 3 mètres de haut et 2 de large, avec une pistache moisie en guise de cerveau.
La première partie du film est donc "intéressante" (je mets entre guillemets car c'est très relatif, comme vous l'aurez compris !) dans le sens où elle cherche à nous montrer ce que l'original nous cachait. La seconde partie (le film dure deux putain de plombes, ma parole !) est d'une nullité totale puisqu'elle reproduit le film de Carpenter en le vidant de tout, alors que Rob Zombie aurait pu poursuivre en insistant sur "l'envers du décor", soit sur ce qu'on ne voit pas dans l'original. Et c'est quand il reproduit les situations du film de 1978, en les rendant plus trash, plus "réalistes", forcément plus violentes, que la nullité désolante de Zombie finit de lasser. Inutile de préciser que Rob Zombie n'a pas un millième du talent de metteur en scène de John Carpenter, et dans ces moments-là, c'est particulièrement douloureux. Son film atteint des sommets dans l'ignominie.
Dr Loomis et Laurie Strode pensent s'être débarrassé de Michael Myers après lui avoir logé une balle dans le crâne. Cela n'empêchera pas Rob Zombie de signer un Halloween 2, la suite du remake-prequel qui n'est pas le remake de la suite de l'original !
La seule intervention de John Carpenter dans la conception du film de Rob Zombie fut le petit conseil suivant : le "Maître de l'horreur" dit simplement à son collègue chevelu "Fais de ce film le tien". Ce qu'il fallait interpréter par "Ne touche pas à mon film, fais-en un autre, bas les pattes !". Avec Big John, rarement très bavard sur les sujets un peu épineux, il faut toujours savoir lire entre les lignes et décrypter le véritable sens de ses rares paroles. Quand il dit à Jean-François Richet à propos de son remake d'Assaut la fameuse formule sibylline "Different time, different movie, same spirit", c'était surtout histoire d'être débarrassé une bonne fois pour toute de l'inévitable question "Alors tu penses quoi du remake ?", et il fallait plutôt comprendre "Ton film pue la merde à plein nez mais j'ose espérer que tu l'as réalisé avec la saine intention de faire un bon film". Quand on lui a récemment demandé ce qu'il pensait de ce remake d'Halloween sur Twitter, John Carpenter a simplement répondu "No comment". Pas besoin de lire entre les lignes cette fois-ci...
Halloween de Rob Zombie avec Malcolm McDowell, Tyler Mane, Scout Taylor-Compton, Sheri Moon Zombie et William Forsythe (2007)