Après
Hitch - expert en séduction, voici le nouveau biopic consacré à la vie du grand Alfred Hitchcock. Anthony Hopkins colle a priori mieux au rôle que Will Smith mais ça ne l'empêche pas de jouer comme une otarie glabre à la peau suiffeuse à souhait. A ce compte-là des Hitchcock il y en a plein les Marinland et autres Aquagym, et j'en défèque un moi-même chaque matin à 10h tapante. On ne croit pas une seconde à l'interprétation du maître du suspense que nous livre Hopkins, qui ne ressemble pas le moins du monde à Hitchcock malgré les deux semaines passées en salle de maquillage et au Burger King avant chaque prise. Le fait qu'un acteur ne soit pas le sosie du personnage historique qu'il incarne n'est pas un problème en soi. Prenez Will Smith, il était impeccable dans son interprétation du plus grand des cinéastes anglais hollywoodiens, quoiqu'un peu trop "black" pour le rôle peut-être. Trop baraqué aussi et légèrement trop porté sur la part érotomane de l'illustre Hitch, au point de s'envoyer des camions entiers de miss univers plastifiées de toute beauté (et quelques mecs pas mal non plus perdus dans la mêlée) avec un sourire grand comme ça d'un bout à l'autre de son biopic, malgré tout assez exact et fameux. Ne pas être le sosie de son modèle n'est donc pas problématique, sauf si l'acteur fait tout pour lui ressembler, parce qu'alors les spectateurs que nous sommes passent leur temps à regarder comment le comédien s'y prend, et si ce n'est pas parfait, c'est immédiatement ridicule.
La grande mare du ridicule, Anthony Hopkins, dont la palette d'acteur comprend pourtant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et dont le CV mirobolant est une foutraque colocation sauvage réunissant Pablo Picasso, Zorro, Hitler, Quasimodo et le dieu nordique Odin, y saute à pieds joints dans ce film, quitte à éclabousser tout Hollywood et à plonger la Nouvelle-Orléans dans le noir une seconde fois. Je serai éternellement reconnaissant à l'acteur de m'avoir fait penser à rire devant le
Dracula de Coppola, où il interprétait non pas le professeur Van Helsing mais le guitar hero Van Halen (simple erreur de frappe dans son exemplaire du script ou énième facétie du comique troupier anglais ?), et nous gratifiait de quelques solos de air guitar mémorables, gardés au montage par un Coppola sous acides et continuellement hilare. Mais elle est loin l'époque où Hopkins injectait des petites doses salvatrices d'humour british dans des films constipés par un esprit de sérieux inadéquat. Le comédien en est réduit aujourd'hui à transformer tout ce qu'il touche en chape de plomb, y compris dans cette scène immonde où son Hitchcock de pacotille danse comme un abruti derrière la porte de la salle de cinéma lors de l'avant-première de
Psychose, alors qu'il y avait la place ici pour foutre en l'air le film de l'intérieur et gagner nos cœurs.
Si on ne croit pas à son dernier personnage en date, c'est aussi parce que Sir Anthony Hopkins, Commandeur et Chevalier de l'Ordre de l'Empire britannique since 1987, veut nous faire avaler qu'Hitchcock avait le menton relevé et la tête penchée en arrière en toutes circonstances, qu'il épluchait insupportablement chaque syllabe en formant un énorme cul avec sa bouche, et surtout qu'il tirait la tronche du matin au soir et du soir au matin. Exit le Hitchcock rieur, blagueur, comique même, et d'un enthousiasme forcené dès qu'il s'agissait d'évoquer son cinéma, que l'on connaît tous plus ou moins bien et que l'on ne peut qu'adorer… Évaporé le vrai Hitchcock, qui a pourtant été filmé des dizaines et des dizaines de fois et que l'on peut regarder et écouter en boucle sans s'en lasser grâce à toutes sortes de vidéos disponibles assez facilement sur internet ou ailleurs, vidéos que les auteurs de ce film devraient avoir la curiosité de regarder un jour, à l'occasion.
On ne croit pas une seconde à la prestation de l'acteur Hopkins, comme d'ailleurs on peine à croire à tout ce que ce film mensonger essaie de nous apprendre ou de nous vendre, comme cette scène où Hitchcock zieute Vera Miles pendant qu'elle se fout à poil aux essayages, à travers un petit trou percé dans le mur, comme Norman Bates dans Psycho, bien sûr… On regrette que Sacha Gervasi, réalisateur des selles filmiques que sont ces quelques 98 minutes de métrage, n'ait finalement pas tourné ces scènes pourtant présentes dans le script original où son Hitchcock de foire devait se trimballer dans sa villa habillé en vieillarde. Gervasi a aussi laissé de côté cette séquence, qui lui tenait à cœur, racontant un autre épisode méconnu de l'existence du cinéaste, ce fameux jour où il a trucidé une femme dans sa baignoire avant d'aller l'immerger dans un lac. Cette anecdote aurait enfin permis de comprendre les quelques scènes transposant ces faits réels dans le classique Psychose. Mais force est de constater que le téméraire Gervasi a reculé au moment de tourner la retranscription de cet épisode scabreux de la vie d'un artiste international qui n'a jamais été condamné pour ses dizaines de crimes et qu'on admire encore aujourd'hui, bien naïvement.
Vous me direz que de toute façon, et le titre est traître, ce n'est pas un film sur Alfred Hitchcock mais bien sur sa femme, Alma, qui fut le véritable auteur de Psychose comme on l'apprend ici, ayant eu strictement toutes les idées capitales jusqu'alors attribuées à Alfred, celles qui font du film ce qu'il est (en ce qui me concerne j'ai cessé d'admirer Alfred Hitchcock depuis que j'ai vu ce film, et je ne m'attendais pas vraiment à ça). Alma Hitchcock, quoique son personnage soit assez maigre et tendancieusement insupportable, est d'ailleurs celle qui s'en sort le mieux avec Helen Mirren aux commandes. Anthony Perkins pour sa part devient un gros attardé sous les traits de James d'Arcy, incapable de comprendre un traitre mot du script qu'il est en train de tourner pour Hitchcock. Quant à Janet Leigh et Vera Miles, les voici transformées en gros boudins. Des thons mal fagotés et coiffés de perruques explosives. On a beaucoup vanté, et avec raison, les goûts d'Hitchcock en matière de gent féminine. On ne vantera jamais ceux de Sacha Gervasi.
Pas étonnant que notre homme ait fait une fixation sur la gourmandise du gros Hitchcock, que l'on voit à plusieurs reprises planté devant son frigo un pot d'Actimel dans la main gauche et une branche de céleri dans l'autre (?). Gervasi est lui-même un fin gourmet. Il a réuni les deux actrices aux faciès les plus jambonneux d'Hollywood, Scarlett Johansson et Jessica Biel, surnommées depuis ce film "Jamon Jamon" dans mon salon, pour incarner Janet Leigh et Vera Miles, auxquelles nos deux actrices contemporaines ne ressemblent pas une seconde. On peut cependant reconnaître un effort logistique à Gervasi : Janet Leigh et Vera Miles, qui ne se ressemblaient pas tellement, étaient censées jouer deux sœurs dans Psychose, or Johansson et Biel se ressemblent assez quant à elles, avec leurs visages surdimensionnés taillés en V, déformés par des pommettes surgonflées plongeant à pic sur des joues creuses pour se réunir bien plus bas en un menton contondant. Dans les deux cas on est frappé (littéralement quand on s'approche d'elles pour leur taper la bise) par une bouche d'un autre monde, remplie de dents à ne plus savoir qu'en foutre et cernée de lèvres d'éléphanteaux. Mais le vrai point commun entre ces deux morceaux de roi, comme disent les poètes, tient plutôt dans ce qu'on appellera de gros nibards. C'est manifestement ce qui aura prévalu dans le choix des producteurs de ce film : d'énormes nichons. Peu importe que les actrices aient l'air con et soient d'une médiocrité sans limites, jouant littéralement comme des enclumes, tout ce qui compte c'est qu'elles soient pourvues de grosses mamelles et de bons gros derrières.
Et qui pour responsable ? Un grand metteur en scène pour faire honneur au plus grand de tous, ou le premier tocard venu ? Réponse b) ! Alexander Sacha Simon Gervasi. Un type dont le haut fait d'arme est d'avoir écrit le scénario de The Terminal. A sa décharge, Gervasi est certes un tocard de première mais il est quand même fan d'Hitchcock, il ne sort pas de nulle part non plus ce mec-là, il n'est pas là par hasard. Il aime bien Hitchcock. Comme en témoignent quelques allusions finaudes et bien placées à l’œuvre du maître : les oiseaux sur tous les abats-jours du décor et le plan sur la bagnole d'une Alma Hitchcock coiffée d'un foulard, sinuant le long d'une baie ensoleillée, en sont de bons exemples. Notre homme est un fin connaisseur. Il a aussi fait appel à Danny Elfman pour la bande originale, à base de pistes musicales qui s'excitent régulièrement et tâchent de créer du suspense sur des scènes absolument dépourvues du moindre intérêt dramatique. Or justement Elfman avait déjà travaillé sur la musique du remake de Psychose par Gus Van Sant, avec plus de bonheur, même si Gervasi a avoué en interview qu'il l'ignorait quand il a soumis le projet au compositeur attitré de Tim Burton, dont il adorait juste, je cite, "le travail dément sur la bande originale d'E.T. l'extraterrestre et d'Indiana Jones : Le Temple maudit". Gervasi, grand spécialiste d'Hitchcock qu'il est, s'est donc permis de refaire la scène de la douche à sa sauce et d'accomplir par la même occasion l'une des pires choses dont l'homme se soit rendu coupable depuis qu'il s'est mis debout : Hitchcock joue la scène lui-même pour montrer à ses acteurs ce qu'il attend d'eux et s'excite avec un faux couteau devant une Scarlett Johansson terrifiée (et pitoyable actrice), en fantasmant en lieu et place de la comédienne son producteur mesquin ou sa femme dans les bras de son amant, qu'il tranche nerveusement dans un montage rapide et brutal inspiré de celui, mythique, d'Hitchcock dans le vrai Psychose. Cette seule séquence a fait surgir une ride du lion profonde de plusieurs millimètres entre mes deux sourcils qui, depuis, refusent mordicus de se défroncer.
Mais le pire dans tout ça, l'ultime blasphème, le grand crime de lèse majesté de Gervasi, ce sont ces séquences où Hitchcock est censé rêver et imaginer dans son sommeil des scènes de son futur film, ou bien des scènes tirées du livre adapté et impliquant Ed Gein, le vrai meurtrier ayant inspiré le personnage légendaire de Norman Bates. Ces séquences sont, du point de vue formel, d'une nullité égale à celle qui se répand sur l'intégralité du long métrage, mais le bat blesse quand on se rend compte qu'elles sont supposées sortir de la psyché d'Alfred en personne. Sacha Gervasi a bel et bien attribué à l'imaginaire d'Hitchcock le sien, que l'on peut qualifier de putride sans exagérer. Il a mis dans la tête d'Hitchcock des séquences dignes du sociopathe achevé qu'il est lui-même. Ce bougre de connard a superposé sa mise en scène d'écorché vif allaité au vinaigre blanc à l'esprit créatif du grand, de l'immense, du sacro-saint Hitchcock. Depuis que j'ai vu le film, je fais des rêves chaque nuit, une série de rêves qui reviennent en boucle, toujours les mêmes. Dans l'un d'eux j'apporte un verre de lait à un Sacha Gervasi en pyjama dans son lit, qui grimace en me voyant entrer dans sa chambre, tout en décollant les boucles brunes de son front suant, car il sait bien que c'en est fini pour lui. Dans un autre rêve j'emmène le petit Gervasi au parc, puis je l'éloigne des manèges et je place mes mains autour de son cou pour les serrer de plus en plus fort jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un vulgaire filet de peau entre mes doigts, aux articulations jaunies par l'effort, le tout en piétinant les lunettes que ce binoclard qui s'ignore devrait peut-être porter pour tourner des plans un poil moins laids. Dans un autre songe je lui raconte une blague et pendant qu'il se marre comme une baleine je lui ruine la carotide avec une corde d'un coup sec, avant de le foutre dans une malle et d'inviter des potes à bouffer un gros macdo sur son cadavre devant une énième défaite de l'équipe de France contre la Cisjordanie. Il y a un autre rêve où j'abats ce salop de Gervasi qui cavalait dans la forêt comme un lièvre, puis où je m'amuse à le déterrer et à le ré-enterrer des dizaines de fois, juste pour profaner sa dépouille mortelle. Je ne vais pas vous dresser la liste de mes cauchemars, mais disons que le principal c'est quand même celui où je me trimballe en robe et où je vais surprendre Sacha Gervasi tout nu sous sa douche, avec une charlotte sur la tête. Au bout d'un long moment passé à le reluquer je le tranche en allumettes. Bizarrement je me réveille de ces cauchemars sans être essoufflé, effrayé ou transpirant, au contraire je suis radieux et regonflé à bloc pour la journée. Il y a un autre rêve aussi (excusez mais c'est mon inconscient qui cause) où je largue un interminable pet venu tout droit des enfers et remontant lentement mais sûrement les 39 marches de mon estomac malade sous le nez de Sacha Gervasi, jusqu'à ce que mort s'ensuive. Puis j'assiste à l'autopsie, menotté, et le médecin légiste m'apprend que son client du jour est étrangement "mort de trouille" (sic.). Mais ça c'est pas tiré d'un film d'Hitchcock, c'est un simple rêve.
Hitchcock de Sacha Gervasi avec Anthony Hopkins, Helen Mirren, Scarlett Johansson, Jessica Biel, James D'Arcy et Toni Collette (2013)