31 mai 2009

Entre ses mains

Je me faisais si royalement chier devant le film d'Anne Fontaine que j'en ai profité pour enfin lire le manuel d'utilisation de la télécommande de mon lecteur dvd Pioneer. Bientôt cinq ans que je m'en sers, pressant les boutons au pif, cliquant ici et là au hasard de mes repas huileux, là où mes doigts graisseux glissaient. Et pour une fois voilà que j'avais le temps de lire ce gros manuel multilingue voué à m'enseigner les usages de ce petit boitier électronique fort pratique pour naviguer à vue dans les menus de mes dvds préférés tout en gardant mon cul vissé au canapé. J'avais enfin du temps pour moi. Grâce à Anne Fontaine j'avais une heure et demi de temps libre. Du temps suffisamment libre pour potasser mon manuel et j'étais suffisamment occupé, ou devrais-je dire préoccupé par le film pour ne pas le dépenser plus intelligemment. J'ai donc lu ce mode d'emploi dans les largeurs, de travers, cul par-dessus tronche, dans tous les idiomes. Et puis une fois arrivé à terme, j'ai refermé le petit bouquin avant de le déposer dans mes toilettes pour faire quelques économies en papier-cul, fort de quelques trucs et astuces intéressants.



Je vous épargnerai la liste des touches que j'ai pu découvrir et dont j'ai finalement compris l'utilisation, comme la touche nommée "Power", première nouvelle, qui permettrait d'éteindre l'appareil, ce qui m'évitera désormais de laisser tourner ma platine de longue et de fusiller le compte en banque de mes parents pour régler mes notes d'électricité pharaoniques. Pour mes 22 ans, mes vieux ont demandé une dérogation à la préfecture pour me donner comme second prénom "EDF/GDF". Mais je ne vais pas m'étendre sur toutes mes découvertes, je me contenterai de vous parler de cette touche intrigante que j'avais passé des heures entières à regarder sans jamais oser y toucher. Vous devez avoir la même sur vos télécommandes. C'est un bouton sur lequel est dessiné une petite caméra, et qui s'appelle apparemment "Angle". D'après mon manuel d'utilisation, cette touche permettrait de changer l'angle de caméra. Vous devinerez donc que j'ai passé toute la seconde moitié du film d'Anne Fontaine l'index enfoncé sur le bouton, espérant pouvoir modifier l'angle de la caméra, désireux de pouvoir changer de plan, choisir les miens ! Le film d'Anne Fontaine est si mal fait... J'ai cru, un peu naïvement je le concède, pouvoir devenir cadreur le temps d'une séance dvd pour faire de ce film de merde un truc à peu près matable. Mais ça ne marche pas comme ça, cette touche est en réalité purement décorative. En revanche j'ai aussi découvert la touche "Chapitre suivant", qui quant à elle fonctionne à merveille. Et je me suis glissé dans le slip d'un chef monteur pour couper les séquences à ma guise. Autant vous dire qu'avec moi aux ciseaux le film d'Anne Fontaine ne dure pas longtemps, si j'avais découvert ce bouton plus tôt il se serait même achevé avant que d'avoir commencé.



Au dos de la boîte du dvd - que je n'ai que loué, pas d'inquiétude ! - la catchphrase dit : "Il y a du Hitchcock chez Anne Fontaine". J'ai pas bien vu où il se cachait le gros anglais dans tout ce merdier... Ils disent peut-être ça parce qu'elle est aussi dégarnie et qu'elle a un gros bide. Mais à ce moment-là je pige mal le projet de faire de la pub en décrivant le physique de la réalisatrice du film. Pas que ce soit totalement anti-publicitaire, ce genre d'individu ça doit forcément en brancher certains ou certaines. Disons que c'est original, et étonnant. Non en fait c'est vraiment chaud. C'est pas des méthodes...


Entre ses mains de Anne Fontaine avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré (2005)

27 mai 2009

Bram Stoker's Dracula

Ne vous y trompez pas, le Dracula de Coppola n'est pas un film d'horreur, c'est une comédie romantique. Côté comédie faudra vraiment se marrer comme un chalutier devant les lunettes rondes teintées de bleu que porte le Comte de Dracula (Gary Oldman) dans l'Angleterre de la fin du 19ème siècle, parce qu'à côté de ça c'est quand même pas un gros rigolo Francis "Ford" Coppola. Du coup il a tout misé sur la romance. Les seuls frissons qu'on peut attendre de ce film seront les émois d'une grande histoire d'amour. Encore faut-il y être sensible à cette fresque amoureuse : en 1492, Le Prince Vlad Dracul revient d'une guerre contre les Turcs et retrouve sa bien-aimée morte. Grosse faute de scénario, historique, grand goof scénaristique, accroc logistique, couac de script puisqu'en 1492 Christophe Colombin essuyait ses bottes dégueulasses sur le paillasson de l'Amérique en étendant sur la plage sa collection de slips fatigués par un long voyage en mer. Évidemment ça n'empêche pas qu'il se passât d'autres choses dans le monde la même année, mais quitte à choisir une date pour une fiction inventée pourquoi pas en choisir une autre, un peu moins historiquement marquée ? Ce serait comme si King Kong avait mis la patte sur New-York le 11 septembre 2001, se frottant contre l'Empire State Building tandis qu'à deux pas de là les Twin Towers subissaient l'assaut d'un autre barbu, plus petit mais plus rusé. Ou bien ce serait comme adapter la légende de la Bête du Gévaudan en la réactualisant pour situer l'action le 12 juillet 1998, alors que le monde entier avait les yeux rivés sur le Stade de France ce soir-là.



Toujours est-il que découvrant le cadavre de son grand amour, Dracul Vlad s'en prend à Dieu, l'invective, "encule sa mère" (sic.), et se voit transformé en Comte Dracula vampire de son état. Près de 400 ans plus tard, le suceur de sang le plus célèbre du monde est soucieux de quitter le bled, la Transylvanie, où il croupit depuis tout ce temps. C'est alors qu'il rencontre en Angleterre une jeune femme, Mina, qui ressemble trait pour trait à Elisabeta, son amour du 15ème siècle. La jeune femme est le sosie vivant de son flirt de jeunesse qu'il n'a jamais oubliée et pour qui il s'est damné la race. Au point que la même actrice, la très bustée Winona Ryder, incarne les deux rôles. Personnellement j'ai un peu de mal avec cette idée-là. C'est très facile de trouver cette histoire incroyablement belle et troublante, mais personnellement je suis uniquement troublé, et loin de trouver "belle" l'idée que ce type tombe éperdument amoureux d'une femme uniquement parce qu'elle ressemble à une autre, parce qu'elle lui rappelle celle qu'elle n'est pas mais qu'il a passionnément aimée fût un temps, 400 piastres plus tôt. Le seul moyen d'accepter cette idée comme "belle" c'est d'admettre l'évidence, à savoir que Mina n'est autre que la réincarnation d'Elisabeta, la même femme. Dans ce cas c'est plus ou moins la même personne et Dracula ne réduit pas une femme au souvenir d'une autre, se contentant plutôt de laisser son amour en sursis refleurir lorsqu'il retrouve in fine l'âme tant aimée pour laquelle il s'était condamné. Mais pour ça encore faut-il croire à la réincarnation. Et perso j'y crois pas. Et quand je crois pas au truc je peux pas aimer le film. Le souci c'est que je crois pas non plus aux vampires. D'où la chicane...



Qui plus est cette grande histoire d'amour n'est qu'arnaque, crime et botanique ! De la poudre aux yeux lancée à la face du naïf que je suis, craignant vampires et autres goules chaque nuit et impatient de découvrir enfin, après l'avoir rippé en dvd, l'adaptation fidèle du plus grand roman aux dents longues de l'histoire de la littérature. Adaptation promise par le titre, qui, vérifiez si ne m'en croyez, est bel et bien Bram Stoker's Dracula. Titre original et véritable, que les sous-titres de mon lecteur dvd traduisent maladroitement : "D'après Bram Stoker", alors qu'ils devraient dire : "Dracula, de Bram Stoker", comme l'a écrit dans la langue de Shakespeare l'illustre Francis Ford Chipolata. Ou bien à la limite : "Dracula de Bram Stoker de Francis Ford Mustang Coppola"... J'étais donc en droit, ou plutôt avais-je le devoir de m'attendre à une adaptation fidèle du roman si cher à mon cœur, que je n'ai jamais lu. Sauf que Coppola a collé le nom de l'auteur au cul de son film pour se légitimer ou pour se démarquer d'une dizaine de films souvent tout aussi mauvais que le sien. Il faut un certain culot pour choisir "L'amour est éternel" comme tagline sur une affiche, juste au-dessus du nom de Bram Stoker, alors que dans le roman originel y'a autant d'histoires d'amour que j'ai d'ailes au cul.



De toutes façons Francis Ford Copycat flirte avec le mauvais goût à tous les niveaux dans ce projet et ça dégouline à l'image. Ce kitch qui peut avoir un certain charme dans les premières minutes du film, en directe lignée du style gothique un peu grotesque inféodé à ce genre de récits, finit par taper sur le système. Si Coppola a voulu rendre ses lettres de noblesse au genre, il lui a adressé une lettre d'insultes en recommandé. Les gens adorent "Le Dracula de Coppola". En réalité il est relativement nul à chier. Seulement ça sonne tellement bien "le Dracula de Coppola" que c'est un régal à dire. Perso j'ai voulu aller au bout de cette thèse et pour kiffer comme jamais j'ai regardé le Dracula de Coppola en mangeant des samosas trempés dans du tarama ainsi qu'une grosse pizza, le tout en enculant mon chat. Mais rien n'y a fait, j'ai pas plus apprécié pour autant. Le seul acteur qui sache tirer son épingle du jeu de Coppola, c'est Anthony Hopkins. On le voit essayer de détruire le script sous nos yeux et il s'y prend à merveille (vous me direz que Keanu Reeves en fait autant mais lui ne le fait pas du tout exprès). Ce vieillard d'Hopkins était sans doute la seule personne un poil lucide sur le plateau. J'ai toujours pas pigé comment on peut avoir une carrière aussi longue avec un visage aussi peu symétrique.


Dracula de Francis Ford Coppola avec Keanu Reeves, Gary Oldman, Winona Ryder et Anthony Hopkins (1993)

24 mai 2009

Babel

J'ai enfin vu Babel (prononcez "Babeul-è"), le chef-d’œuvre de Alejandro González Iñárritu, réalisateur d'Amours chiennes, que je n'ai pas vu mais que j'aime déjà comme un gros chien, et de 21 grammes, qui ne pesait pas plus lourd que ça. En fait je l'avais déjà vu ce Babel. C'est le seul film que Félix m'ait raconté plan par plan. Au début j'ai cru qu'il me faisait le coup du Psycho de GVS, mais pas du tout. C'était un résumé fidèle et complet, pas une réécriture, de la paraphrase parfaitement chiante. Il m'a raconté le film dans sa totalité et dans les détails. Et le film dure cent trente cinq minutes. J'ai vraiment cru que notre amitié s'éteignait sous mes yeux impuissants. On était comme les deux doigts de la main depuis une belle et longue année quand il a commencé à me faire ce résumé IRT ("In Real Time"). Arrivé à la moitié du script je me faisais tellement chier que j'ai commencé à m'épiler les jambes avec une pince, pour faire passer le temps et puis pour déplacer la douleur. C'est ce jour-là que j'ai commencé à me raser les guiboles, depuis je continue, pour éviter que ça ne repousse encore plus dru. J'ai commencé à ressembler à une femme précisément ce jour-là. Aujourd'hui tandis que j'écris ces lignes, j'en suis à chercher sur un autre onglet l'adresse d'un site de vente en ligne d'implants mammaires. Je rêve de faux nibards. Je ne vais pas non plus m'éterniser là-dessus, vous aurez compris le mal qui me rongeait les sens en écoutant le récit machinal et envoûtant de mon meilleur ami. J'avais des papillons dans l'estomac. Mais malgré tout j'ai décidé, plus de trois ans après, de voir ce film de mes yeux vu. Je suis un peu comme ça, je dois l'avouer... Tantôt je vais me plaindre corps et larmes à l'idée d'enjamber la dune du Pyla, tantôt je vais me lancer à l'assaut de l'Everest en slip avec une demi bouteille d'eau non-potable.



Mais bon... comme je dis souvent, dans la vie on n'a que les plaisirs qu'on se donne. Cette philosophie-là c'est un peu l'apanage des violeurs de gosses et des braqueurs de banques, mais c'est aussi la mienne. Je me suis donc lancé à corps perdu dans le Babeulè d'Iñárritu. Je n'ai pas été surpris par la façon de filmer du Mexicain, digne des pires sitcoms américaines. Le cadreur est à n'en pas douter celui qui officie sur la série Heroes, ou d'ailleurs sur n'importe quelle autre série télé vu qu'elles sont toutes filmées par des fèces humains. Je n'ai pas non plus été surpris par son montage ahurissant, comme quand il filme des enfants arabes qui viennent de tirer sur des touristes et qui fuient dans les montagnes de sable pour raccorder sur des enfants américains qui jouent à cache-cache et courent se cacher derrière les canapés en marbre de leurs parents. C'est très fin, c'est très malin, c'est moins que rien, c'est d'un niveau sous-marin, c'est le degré zéro du cerveau humain, c'est le cinéma à la portée des chiens. Mais c'est très efficace pour montrer ce qui tient tant à cœur à Alejandro González Iñárritu. Il n'a jamais filmé que ça : les liens tacites mais ténus entre les gens du monde entier, l'unicité du monde, l'Histoire et les histoires comme une boucle bouclée. Le film montre plusieurs tableaux qu'apparemment tout distingue et qui sont en réalité tous intimement liés par quelque chose d'infime et de précis.



Babel, film multiculturel, multi-ethnique, film couteau-suisse des nations unies, présente donc plusieurs planches. D'abord deux enfants berbères dont le père achète un fusil pour le leur confier afin qu'ils tirent sur les chacals qui menacent son troupeau de chèvres. Puis Brad Pitt et Cate Blanchett en vacances dans un pays Arabe, pour peut-être reconstruire leur couple. Leurs enfants gardés par une bonniche mexicaine. Gael Garcia Bernal qui conduit comme un chauffard parce qu'il est en retard pour l'anniversaire de son chien. Robin Williams qui rate systématiquement la date de son mariage pour terminer ses expériences dans son laboratoire scientifique et qui finit par créer une substance pleine d'énergie et indestructible qu'il nomme le "Flubber". Une adolescente Japonaise sourde qui rêve de perdre sa virginité. Et ainsi de suite.



Au début du film les deux petits Arabes s'amusent à tirer au fusil sur un bus, et sans trop le vouloir ils blessent gravement Cate Blanchett à l'épaule. Les répercussions vont toucher tous les protagonistes. Exceptée la petite japonaise, dont l'histoire n'a strictement rien à voir avec le reste du film. Mais à la fin du "métrage", comme on dit quand cherche un synonyme du mot "film" et qu'on a un cerveau putréfié, Alejandro González Iñárritu nous montre le fusil vendu au paternel des deux petits arabes accroché au mur chez le père de l'adolescente nippone en quête de verges. C'est ce maudit Japonais qui a vendu son 22 long rifle au Touareg, et la belle et innocente Américaine de passage est évidemment victime de ce commerce d'armes à feu qui a lieu sur le vieux continent, loin du grand pays de l'Oncle Sam. Tout est donc bel et bien lié. Tout se recoupe. C'est d'ailleurs dommage qu'Iñárritu n'aille pas au bout de son idée en racontant aussi l'histoire du type qui a vendu le fusil au Japonais, celle du type qui a fabriqué le fusil, du gars qui a fabriqué la cartouche précise qui a blessé Blanchett, des trois cents bonhommes qui ont fabriqué les trois cents cartouches vendues avec le fusil aux éleveurs de chèvres arabes. C'est dommage de s'arrêter en si bon chemin... Sans doute une question de temps, et d'argent.



En tout cas voilà qui est vraiment passionnant. C'est l'idée fixe d'Alejandro González Iñárritu. Son truc c'est de relier les gens par un objet. Son dada c'est le film choral dont les protagonistes sont rapprochés sinon physiquement en tout cas dans leurs destinées, et toujours par un objet singulier. Dans le premier court métrage du Mexicain c'était un pétard, un joint, qui circulait entre plusieurs individus dont le dernier chopait un gros herpès et des hallucinations surpuissantes dues au mélange de la ganja qu'il avait fumée et du champignon hallucinogène qui venait de lui pousser sur la lèvre et qu'il grignotait sans s'en rendre compte. Dans 21 grammes c'était un cœur, encore sanglant et encore battant, que Sean Penn, Naomi Watts et Charlotte Gainsbourg se refilaient de main en main comme une patate chaude. Dans Babel, c'est un fusil qui soude les destins inévitablement tragiques des protagonistes aux quatre coins du globe. La rumeur circule comme quoi Alejandro González Iñárritu ferait en réalité une partie géante de Pyramide. Il nous fait deviner des mots. En deux, non en quatre ! Joint, cœur, fusil, et à la fin des fins tous les mots réunis feront une phrase qui nous révélera les véritables intentions du plus fameux des metteurs en scène portugais, le très chouette Alejandro González Iñárritu. Peut-être veut-il simplement énumérer les éléments les plus importants de sa vie. Ce qui fait de lui un camé cardiaque et meurtrier.


Babel a obtenu le Prix de la mise en scène ainsi que le Prix du Jury Œcuménique au festival de Cannes. J'ignorais qu'il y avait à Cannes un jury composé exclusivement de châtrés. Qu'on y crée un jury d'handicapés ne m'aurait pas surpris. Après tout ça aurait un peu fonctionné comme les jeux Para-lympiques, ou les compétitions d'Handisport. Sauf qu'on aurait parlé d'Handicinéma, ou de Handifilms, ou encore de Handigarcia. Ils auraient pu juger les films de certains handicapés notoires, comme Michel Gondry, Quentin Tarantino ou Gaspar Noé. Mais un jury d'eunuques je trouve ça chelou. Bref ! Ce film fut aussi le 31ème film remaké par Steven Soderbergh, surnommé à l'époque à Hollywood "L'assassin qui crèche au 31", et qui renomma le projet Bubble, remplaçant les acteurs par des poupées, choix qui s'avéra très probant vu que ça reste vachement plus facile de faire se croiser des poupées sur un coffre à jouets que des acteurs payés au lance-pierre venus de tous les pays du globe.


Babel de Alejandro González Iñárritu avec Brad Pitt, Cate Blanchett et Gael Garcia Bernal (2006)

23 mai 2009

Las Vegas Parano

Toucher à ce film-là c'est pas un projet. C'est comme s'attaquer à Se7en, Usual Suspects ou Fight Club. C'est bien simple tout le monde est fan. C'est un coup à se foutre sa propre famille à dos, un coup à se faire "remercier" par son patron, un coup à voir son bail arriver à terme au bout d'un an au lieu de trois. Au bout d'un moment je me suis demandé si la raison pour laquelle j'avais du mal à m'intéresser à ce film, ou à ne pas le détester, n'était pas mon manque de connaissance du sujet, pour ne pas dire mon manque d'expérience du sujet. J'ai jamais pris de coke, mea culpa, mais je me fais un bang en écrivant ces lignes pour réparer mon erreur, dans cinq minutes je vais fumer les champignons qui poussent entre mes doigts de pieds, j'ai un saladier de ganja entre les genoux et deux rails, soit un chemin de fer de blanche qui va de mon fauteuil à mon plumard. Ce soir je serai camé, je serai pété au Mountain Dew, je roterai des nuages de poudreuse et je pisserai des caillots de sang et des copeaux de bois. Je serai en allant me coucher un gros toxico over-dosé. Demain je pourrai revoir le film si je ne meurs pas, ou bien s'ils autorisent les téléviseurs en centres de désintoxication. Plus sérieusement j'ai jamais pris de drogues, j'ai jamais mis la main sur la moindre drogue dure ni le moindre psychotrope.




Il semblerait qu'avoir une certaine expérience de la drogue, disons des drogues hallucinogènes, soit nécessaire pour apprécier le film. Il faut avoir fait l'expérience de drogues propices à une rêverie et à des divagations aussi immédiates que totales, pour ne pas dire violentes, pour pénétrer dans le film et y reconnaître des sensations familières. Amateurs de vin rosé et autres paradis artificiels de Baudelaire, tracez vos routes. On cause moins de cannabis que de cocaïne ici. Tout ça pour dire qu'il semble indispensable d'avoir fait l'expérience de ces errements, de ces visions distordues, colorées et fantasmagoriques qu'imposent aux sens les parents durs de la Marie-Jeanne et du haschisch, pour se retrouver dans le film de Terry Gilliam, lui-même grand consommateur de tazs et de trips, grand dealer devant l'éternel, et se laisser emporter dans l'euphorie du LSD et des ecstas.




N'ayant jamais fait cette expérience, je suis sur le bas-côté, laissé pour compte par Terry "Stone" Gilliam. De la même façon je ne me suis jamais battu et me sens écarté par David Fincher et son Fight Club. Je n'ai violé personne et tant que je ne serai pas passé à l'acte je demeurerai distant de l'Irréversible de Gaspar Noé. Je n'ai jamais tué et resterai à jamais exclu du Tueurs Nés d'Olivier Stone, un autre grand amateur de morphine et d'herbes de provence, lui qu'on appelle "Le Druide" dans le métier, moins pour sa sagesse que pour sa connaissance empirique des plantes. Je ne suis pas consommateur de café et ne fais pas partie de ceux qu'on qualifie de "clopeux", aussi serai-je à tout jamais indifférent au Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch. Je ne suis pas non plus un fin gourmet et je n'ai jamais rien pigé au Cuisine et dépendances de Philippe Muyl. C'est d'ailleurs pour ça que ma dvdothèque se compose à 95% de gros films pornos : je suis totalement clean, mon casier judiciaire est vierge et je sais pas me faire cuire un oeuf mais j'ai tiré un coup dans tous les coins du monde.


Las Vegas Parano de Terry Gilliam avec Johnny Depp et Benicio Del Toro (1998)

18 mai 2009

Contact

Je crois n'avoir écrit qu'une seule fois sur un film de Robert Zemeckis. Pourtant Bob Zemecuisse a bercé mon enfance. Au point d'avoir choisi ma première adresse mail en hommage à ce bigleux de première: "Remeckis@tiscàvie.com". Je m'appelle Rémi, il s'appelle Zemeckis Bob, il m'a dorloté toute mon enfance avec Retour vers le futur et Roger Rabbit, ça m'avait suffit pour cramer ma crédibilité dans mon adresse web. Au fond Zemeckis a complètement suivi le parcours de Spielberg, son maître à penser et mécène. Il a commencé par faire de chouettes films, souvent pour gosses mais pas toujours, et depuis quelques années c'est devenu le pire des vieux tandis que sa filmographie s'englue d'œuvre en œuvre pour achever une carrière sous un monceau d'ordures. Et cette chute a commencé avec Contact, il y a déjà 12 ans. La dégringolade de Zemeckis n'était encore que bénigne, mais elle s'est avérée de type exponentielle quand après avoir réalisé une poignée de films douteux, Bobby Zemekiss s'est amouraché des nouvelles images, dont il a fait son grand cheval de bataille avec The Polar Express, où Tom Hanks incarnait le Père Noël, puis Beowulf, et bientôt Le drôle de Noël de Scrooge (pauvre Jim Carrey...) et Roger Rabbit 2. Le réalisateur à triple foyers est complètement piqué et son idée fixe consiste à faire des films d'animation en numérisant de vraies images. La catastrophe est totale. L'échec cuisant. J'écris cette critique en m'épilant les sourcils alors je suis pas sûr d'avoir l'esprit très clair mais les faits sont là.



On sait tous que les gros pontes ventripotents de l'entertainment qui composèrent la "Nouvelle génération Hollywoodienne" (et je ne parle pas du so called Nouvel Hollywood), sont tombés en pâmoison, et à juste titre, devant 2001 L'Odyssée de l'espace. Ces types-là (Lucas, Spielberg, et leurs cousins) ont vu le chef-d'œuvre de Kubrick quand ils étaient jeunes et ont rêvé de refaire pareil. Ça a par exemple donné Star Wars ou Rencontre du 3ème type. Après le succès mondial du second film de Sergio Leone (Et pour quelques dollars de plus), des dizaines d'italiens se sont mis à tourner ce qui allait être appelé des "westerns spaghettis" par les Américains. Bien sûr ces films étaient souvent minables (avec en tête le tristement culte Django de Corbucci) et n'avaient strictement rien à voir avec les films sublimes de Leone, bien qu'ils tentassent de l'imiter. Leone devait en dire à la fin de sa carrière et rétrospectivement: "On m'avait désigné comme le père du genre ! Je n'avais eu que des enfants tarés. Aucun ne pouvait être légitime. De quoi être écœuré...". Autant dire que Kubrick aurait pu en dire autant de ses descendants s'il n'était pas mort d'une crise cardiaque pendant l'avant-première de La Menace Fantôme de George Fuca en 1999. Parce qu'entre nous soit dit, entre quat'zieux, Star Wars c'est quand même queutchi. Et le reste vaut pas beaucoup mieux. Personnellement j'aime vraiment beaucoup Rencontre du 3ème type de Spielberg, mais son gosse à lui, en somme la troisième génération, à savoir notre cher Zemeckis et son Contact de mes deux, lui il donne vraiment de quoi se plaindre.



Parce que c'est bien de cela dont il s'agit : Contact c'est le 2001 de Zemeckis. C'est à la fin du film que ça saute aux yeux. Avant ça Jodie Foster passe la totalité de sa vie avec un casque sur les oreilles à attendre que des aliens lui parlent. Beaucoup sont morts comme ça. Mais Jodie Foster ne se fait pas chier par hasard. Un flash-back psychologique nous l'annonce, où nous découvrons la mort traumatique du père de Jodie. Quand elle était gosse, un soir qu'elle venait de passer trois plombes à reluquer les étoiles, elle avait oublié d'apporter ses médocs à son vieux papa malade. En rentrant elle le retrouva mort sur le canapé devant L'empire contre-attaque, entouré de grains de maïs éclatés, du pop corn, étalé sur le sol, rappelant le cosmos et ses milliards d'étoiles avec qui Jodie adulte voudra à tout prix entrer en contact. Ceci explique cela, comme on dit dans ces cas-là.

En somme ce film est une réflexion sur une fille qui ignore consciencieusement tout ce qui se passe autour d'elle (dont Matthew McConaughey, l'acteur brun aux cheveux blonds bouclés, qui fait des pieds et des mains pour se la tirer), préférant se focaliser sur des aliens qui n'existent pas, en souvenir de feu son vieux père. C'est aussi une réflexion sur la religion puisque Matthew McCoffey est un chrétien pure sauce. Pendant tout le film il n'arrête pas de demander à Jodie si elle croit en Dieu. Alors elle lui répète inlassablement que non, mais Matthew McConaugay a manifestement une mémoire vive de cinq minutes, frappé par Alzheimer à trente ans et toujours en service dans un poste à grandes responsabilités au sein de la Nasa. Et à chaque fois qu'elle lui répond "non", il lui dit et lui répète qu'elle a tort, et s'interroge quant à au scepticisme de sa camarade. Elle lui explique encore et encore qu'elle a besoin de preuves pour croire, qu'elle est une putain de Cartésienne née à Carthage et utilisatrice chevronnée de l'encyclopédie Encarta et qu'elle ne croit que ce qu'elle voit. Alors Matthew McCon lui rétorque : "Tu aimais ton père ? Prouve-le". Et ainsi, plusieurs fois dans le film, à chaque fois que son courtisan lui lance cet argument à la face, Jodie commence à lui répondre qu'elle ne doute pas de son amour pour Dieu mais de son existence, alors que son père a indéniablement existé. Mais elle s'interrompt elle-même, tantôt découragée par le regard végétatif de son interlocuteur, tantôt déçue de constater qu'il est parti pendant qu'elle lui causait droit dans les yeux.



Et puis à la fin du film, après 2 heures de conversations religieuses interrompues et autres écoutes au casque sans résultats probants, vient le contact tant attendu. Les petits hommes verts se mettent à causer à l'héroïne dans son disc-man. Comme leurs voix ressemblent aux bruits d'une machine à laver, Jodie Foster se demande d'abord si elle n'est pas en train de capter la femme de ménage de sa voisine. Mais non ce sont bel et bien des extra-terrestres à l'autre bout du fil. La grande question qui se pose alors c'est de savoir si les ETs sont croyants et si une agnostique peut aller à leur rencontre. A l'humanisme sidéral et au génie visionnaire de Kubrick se substituent un scénario complètement tordu, des considérations bigotes à trente balles et une combinaison spatiale façon Magicien D'Oz. De quoi faire rougir Stanley Kubrick au fond de son trou.

C'est là qu'arrive 2001. Jodie Foster s'embarque pour un voyage de quatre ans dans l'espace, totalement seule et sans le moindre strapon, à la rencontre des aliens. Elle va alors être ballotée dans tous les sens suite aux déflagrations d'un champ magnétique qui la propulse dans un vortex. On a droit à 2h33 de Jodie Foster remuée dans tous les sens dans une capsule spatiale qui ressemble largement au tambour d'une machine à laver. A cet instant l'héroïne se demande si elle ne s'est pas plantée sur toute la ligne et si ce qu'elle a pris pour des aliens n'était pas bel et bien son propre lave-linge dans lequel elle se serait retrouvée enfermée avec ses slips et ses chaussettes. Mais non, il s'agit d'un vortex spatio-temporel, et pendant deux heures et trente trois minutes Jodie Foster va s'y dédoubler en tournant en rond dans la position primaire du fœtus, éclairée par des néons rouges et bleus. De quoi me foutre la nausée pour un bail. C'est le 2001 de Zemeckis et c'est drôlement à chier.



Au finish de ce voyage intra-utérin en position du foetus, Jodie Foster débarque sur une plage ensoleillée où elle retrouve son père, interprété par un Tom Hanks efflanqué et barbu qui répétait déjà son rôle de Cast Away. La quête d'ouverture et de découverte du personnage n'est en fait qu'un retour sur soi, un retour au passé puisque tout ce qu'elle veut, et tout ce qu'elle trouve au final, c'est son père mort. Il s'avère qu'en réalité ce sont les extra-terrestres qui se sont servis de ses souvenirs pour communiquer avec elle, et leur morale en patafix c'est que la seule chose qui rende la vie supportable, c'est l'autre, autrui. Et aussitôt ils la renvoient chez elle. Après deux heures et trente trois minutes passées dans 10 000 vortex ils la débarquent dans son salon avec cette morale communiste sous le bras. Elle aurait pu prendre un ticket d'avion jusqu'à chez moi et je le lui aurais montré que c'est "l'autre" qui rend la vie supportable, et l'autre c'est moi comme disait Gad Elmaleh, moi et mon gros vié.

Quand elle revient, tout le monde lui tombe dessus à bras raccourcis. Eux n'ont rien vu, comment peut-elle prouver ce qu'elle raconte ? Selon eux elle n'a fait que voyager dans la capsule, ils n'ont rien vu de son voyage spirituel sur la plage de Tom Hanks. Eux, les autres, n'ont rien vu et lui dressent un procès au terme duquel ils foutent le feu à la jeune femme. Zemeckis fait de Jodie Foster une Jeanne D'Arc des temps modernes. La pucelle de la Nouvelle-Orléans. Sauf que la vraie Jeanne D'Arc, elle, était totalement pucelle, carrément vierge de tout rapport. Foster est seulement gouine. C'est là que Zemeckis a essayé de nous baiser.

En guise de conclusion à ce très long métrage, on voit Jodie Foster dans son fauteuil en osier qui lit "Huis-Clos" de Sartre, et sa fameuse phrase: "L'enfer c'est les autres". Et son cerveau saute, il explose en mille boulettes de sang. Chelou.

Moi je crois que ce film c'était juste un gros alibi pour Zemeckis histoire d'ajouter Jodie Foster à ses "contacts" Msn Live Messenger.


Contact de Robert Zemeckis avec Jodie Foster et Matthew McConaughey (1997)

16 mai 2009

Bug

Je repensais à Terrence Malick et son inquiétant Nouveau monde en mangeant la moitié d'un gros éclair au chocolat que mon père n'a pas pu terminer après le chili sin carne (que des fayots) format familial de ma mère qu'on vient de s'envoyer intégralement à deux... Et après de brèves digressions j'en suis arrivé à penser à William Friedkin. J'ai longtemps confondu les blazes de ces deux réalisateurs. Je ne sais pas très bien pourquoi mais à chaque fois que je cherchais le nom de l'un je trouvais celui de l'autre et vice et versa. Ce qui m'a posé bien des problèmes parce que, croyez-le ou non, bien des discussions vous amèneront un jour ou l'autre à évoquer l'un ou l'autre de ces deux croutons de la réalisation. Et alors peut-être que comme moi vous lancerez à gorge déployée, très fiers de vous, le blaze du premier pour accompagner un film du second, ou l'inverse : "Ah ouais Les Moissons du ciel de William Friedkin ! Fameux film avec Gene Hackman... Pas aussi bon que le French Connection de Terrence Malick dans le même genre, avec Richard Gere, mais pas mal quand même !" C'est un peu comme confondre Barthez et Dugarry, Virginia Woolf et Françoise Sagan ou Bob Dylan et Shaggy, je veux dire par là que si Malick et Friedkin font bel et bien le même taff ils ne le font pas tout à fait de la même manière, et surtout que leurs blazes n'ont putain de pas grand chose en commun.



En fait si, je sais pourquoi j'ai eu cette triste tendance à confondre ces deux cinéastes. J'ai trouvé pourquoi en avalant mon gros éclair au chocolat noir. Je les confonds peut-être parce que dans mon inconscient personnel ils évoquent plus ou moins le même genre d'individus. A savoir deux vieux types dont les noms ont fait le tour du monde grâce en grande partie à leurs blazes marquants. Il faut bien dire la vérité, ces types-là ont des millions de fans un peu partout autour du globe, et même ceux qui ne les connaissent pas vraiment ont déjà entendu et à jamais retenu leurs noms. Vous me direz que ces deux noms-là sont particulièrement mémorables dans leur musicalité intrinsèque, mais à ce point ?... Ces deux mecs n'ont qu'à dire leur blaze pour remplir des stades, et si dire son nom n'est pas bien compliqué ça reste absolument nécessaire pour eux vu que personne n'a jamais croisé leur tête. Personne au monde ne saurait foutre un visage sur leurs noms en or. Mais je me refuse à croire qu'un nom qui sonne puisse suffire à de tels mouvements de foule. Il faut plus que ça. Et c'est là que je pose ma question. Qu'ont bien pu faire ces deux réalisateurs récemment pour susciter un tel engouement international ?



Le voilà leur point commun. Voilà deux types qui ont rameuté des populations à leurs causes, qui ont marqué les mémoires de génération en génération, et qui ont encore "la carte" à Hollywood sans rien faire ou presque. Avec 66 piges au compteur Malick n'a jamais réalisé que quatre films sur un seul et même sujet, et pas le plus attachant qui soit, à savoir le gazon sous toutes ses formes. Et Friedkin a réalisé fut un temps et coup sur coup deux films intéressants : French Connection et L'Exorciste, en 1972 et 1974. Depuis rien, n'est une suite de films plus ou moins immondes que tout spectateur doté du premier des sens qu'est la vue et du second qu'est l'ouïe s'accordera à juger caduques, inaptes à la diffusion, ni faits ni à faire. Alors je veux bien admettre que French Connection soit un chouette film sur Gene Hackman courant pendant une heure et demi sous le métro aérien à la poursuite d'un type probablement coupable de quelque chose d'assez grave pour qu'un autre le traque si longtemps sur un si petit périmètre. Je veux bien concevoir que L'Exorciste soit un des plus grands films d'horreur de l'histoire du cinéma et bien plus que ça, probablement un film d'auteur passionnant et très profondément mis en scène. Personnellement ces films-là me laissent un peu en porte-à-faux mais je reste lucide et je sais pertinemment qu'il y a dans ces deux œuvres des choses intéressantes et même importantes, même s'il s'avère que je considère chacun de ces films comme un de mes reins et que les reins, comme les couilles, on en a deux mais si on en perd un on fera pareil qu'avant avec l'autre. Tout ça pour dire qu'à 74 ans et du haut d'une liste de 18 longs métrages, William Friedkin monopolise encore toutes les attentions et génère encore bien des passions pour deux films intéressants réalisés dans la foulée il y a 37 longues années. De quoi, perso, me bluffer. Friedkin n'est sur aucun projet depuis 2007 et vient de sortir de sa tombe avec la sortie du Bug dont il est question, ou dont il est censé être question sur cette page. Black-out complet du côté de Willy Friedrich... gros "broken arrow" pour William Frisby. Il a laissé lettre totalement morte depuis son dernier film. Il doit probablement défragmenter son cerveau gangréné suite à son dernier gros Bug.



Parlons-en quand même de ce Bug. Ce film est une veulerie sur pellicule. Il y a ces films où l'on a le sentiment de voir le scénariste taper son script en transparence dans chaque plan. Et il y a ces autres films où l'on a le sentiment de voir le réalisateur sur ses chiottes, frappé d'inspiration, trouvant l'idée géniale sur laquelle il misera les deux prochaines années de sa vie, sa carrière toute entière et l'adolescence de ses enfants, allant même jusqu'à supprimer l'étape usuellement consacrée au défraiement d'un scénariste engagé précisément pour faire de cette idée un film. Bug fait partie de cette dernière catégorie. Friedkin a voulu faire un film noir, un film sale et répugnant, un film moderne sur la société moderne. Un film angoissant et surexcitant à propos de la folie ordinaire, du viol de l'intimité, de la manipulation, des mass médias, des faux semblants et de l'électronisation du monde. Alors il a pensé au mot "Bug", qui en anglais signifie "bestiole" ou "insecte" comme chacun sait, mais qui désigne aussi un problème informatique, un virus. Et puis au verbe "to bug", qui veut dire "embêter" ou encore, quand il est suivi de "quelqu'un", devient "to bug somebody" et se traduit alors par "mettre sur écoute". Et alors la grosse couille qui se balade dans son crane cabossé et qui lui sert de cerveau n'a fait qu'un tour. Il a enfermé une salope (la très vivante Ahsley Judd) et un crétin (l'excellent Michael Shannon) dans une chambre et à grands renforts d'effets spéciaux il les a entourés d'étranges petits insectes purulents et toujours plus nombreux qui ne tarderont pas à les rendre fous à lier. Sa grande question est alors la suivante : hallucinations ou clairvoyance ? Les deux protagonistes sont-ils complètement jetés ou bien les seuls à voir la vérité d'un complot d’État dont le secret reste bien gardé en dehors des murs de ce motel du fin fond des États-Unis ?



Une fois j'ai bu un pack de vodka redbull et je me suis vautré sur la tommette de ma cuisine, ce vieux dallage en terre cuite, pendant tout un après-midi passé devant trois fourmis qui cherchaient à faire passer une grosse miette de bouffe par un trou trop petit en bas de la porte-fenêtre qui donne sur mon jardin, mot fort élégant pour ce qui me sert en vérité de débarras. C'était pile poil le film de Friedkin. A la fin de l'après-midi j'ai marrave les fourmis avec mes doc marteens et j'ai colmaté la brèche en bas de ma porte-fenêtre avec une brique. Le film je l'ai maté y'a presque un an et pourtant j'ai toujours le sentiment de voir Friedkin le cul collé à son chiotte, tout sourire et conquérant à l'idée d'avoir songé à l'histoire la plus conne qu'il pouvait tirer des différentes définitions d'un triste mot. J'arrive pas à retirer cette image de mes pensées. Sans doute ma persistance rétinienne qui fout le camp. Je me casse prendre rendez-vous chez l’orthoptiste du coin !


Bug de William Friedkin avec Ashley Judd, Michael Shannon et Harry Connick Jr. (2007)

14 mai 2009

Le Nouveau Monde

Celui-là je l'avais loupé au ciné parce que j'avais un imprévu et que je voulais pas du tout le voir. J'avais pas tort. Terrence Malick a une idée fixe : filmer l'herbe. Je sais pas s'il est toxico dans le privé, ou s'il devient à moitié con quand on le fout dans un pré, toujours est-il que c'est ça son crédo. Petit retour en arrière. En 1974, dans son premier film, La Balade Sauvage, Malick avait plus ou moins décidé de refaire le Bonnie and Clyde d'Arthur Penn sept ans après, sans en avoir l'air, en choisissant Martin Sheen et Sissy Spacek pour incarner la jeunesse éperdument libérée des années 70 prête à tuer pour s'aimer. Si Godard avait su voir Belmondo pour A bout de souffle et si Vadim avait su voir Bardot pour Et Dieu créa la femme..., on peut dire que Malick avait une paille dans l'œil le jour du casting de son premier film, une grosse botte de paille coincée dans son œil gauche et une poutre amarrée dans l'autre. Quand on veut filmer des icônes faut quand même se rappeler que leur profil compte un minimum pour entrer dans le cœur des gens, et là causons de charisme... Pour emballer les foules un homme-tronc coiffé des cheveux les plus secs du Michigan (Martin Sheen), et une anorexique qui peut se servir de son propre blair comme d'un économe dès qu'il y a des patates à éplucher (Sissy Spacek), ça ne peut guère suffire. Toujours est-il que ces deux-là batifolaient tout le long du film dans les herbes sauvages séchées par l'impitoyable soleil d'Alabama. Dans Les Moissons du ciel, en 1979, c'était au tour de Richard Gere de se rouler dans la paille Texane pendant 3 plombes avec les roustons coincés dans la braguette de son jean Levis. Puis en 1999, dans La Ligne rouge, Malick prenait pour prétexte un film sur la guerre dans le Pacifique pour aller fumer les herbes hautes de Guadalcanal avec toute son équipe pendant vingt ans pour ce qui devait rester comme le tournage le plus long et le plus "camé" de l'histoire du cinéma.


Pocahontas sent ses doigts après s'être gratté la raie. John Smith découvre toute une culture.

Et puis en 2006 notre soixante-huitard attardé remet le couvert avec Le Nouveau Monde, adaptation de la célèbre histoire de Pocahontas, la légende fondatrice de la civilisation Américaine et jalon de sa tradition littéraire. Mais ça on s'en fout puisque ce qui intéresse Terrence Malick, c'est l'herbe. Et quoi de mieux pour filmer des herbes que ce "Nouveau monde", terre vierge, tantôt hostile tantôt si hospitalière ? Au fond Malick il s'en balance pas mal de Pocahontas. Et on va pas lui en vouloir. Qui en a quoi que ce soit à secouer de cette légende parfaitement chiante ? Non, tout le monde s'en fout. C'est super con comme histoire de toute façon... Y'en a eu deux mille comme ça, des récits de captives tantôt blanches tantôt natives, de chevaliers preux et conquérants, de sceptres en or et de calumet de mes pets, et c'est celle de Pocahontas qui est restée dans les mémoires sans doute parce que le nom de l'héroïne sonne bien... Une chance que l'histoire n'aie pas porté le nom du héros d'ailleurs, parce qu'avec un bouquin intitulé "Smith" personne n'aurait levé son cul de sa chaise. Non pour Malick c'était surtout une aubaine pour filmer des herbes, des brindilles, de la paille, des prairies, de la végétation, des prés, de la pelouse en un mot. Et Terrence Maniac s'en est donné à cœur joie. De long en large, de loin en loin, on voit la jeune Péruvienne qui interprète Pocahontas déambuler dans un sens puis dans l'autre à travers champs, à contrechamp, elle colchique dans les prés sans fin, béate, toujours plus esbaudie par le contact avec le moindre bourgeon, toujours plus excitée à chaque fleur qu'elle écrase de ses pieds plats, toujours plus bouffée par les guêpes et les moustiques, heureuse, candide, niaise, conne, faut bien le dire, elle est con comme un ballon.


Un des 3500 plans du film où Pocahontas cavale dans l'herbe.

On se demande si pour Malick le "mythe du bon sauvage" n'équivaudrait pas à un genre de "mythe du bon con". Faut voir cette native se fendre d'un sourire éternellement plus grand et plus bête à chaque fois qu'elle va courir dans les herbes folles en écartant les bras pour que ses mains frôlent les têtes fleuries des pousses sauvages de son "nouveau" monde pourtant si ancien que la farouche nature s'en est emparée - mais pour combien de temps ? Bref c'est pas ça que je disais, ce que je disais c'est qu'elle a vraiment l'air con la gosse à force de gambader toutes les trois scènes dans sa robe à ras les couilles au milieu des plantes. Malick a vraiment un gros souci. Sans parler de ses indiens qui hurlent "ouhouhouh !" à tout bout de champ. Je veux bien croire que les indiens avaient ce cri de guerre. Après tout on nous le raconte depuis des lustres, doit bien y avoir un fond de vérité. Mais de là à nous faire croire qu'ils hurlaient ça du soir au matin et du matin au soir, pour un rien, c'est vraiment les prendre pour des autistes et nous prendre pour des cons. Aimer les herbes c'est une chose mais Malick pourrait faire l'effort de respecter la mémoire et la dignité des abrutis qui les ont regardé pousser. Seulement voila, donnez du feuillage à Malick et c'est un coq en pattes, alors foutez-lui une idiote du village en culotte courte qui ne parle pas sa langue au milieu du tableau, pendue à une liane avec un sourire long comme le bras collé à la gueule, et notre homme ne se sent plus pisser.


Que filme Malick ? Colin Farrell ou des herbacées ? Impossible à dire.

Parsemé de scènes narratives probablement tournées par un assistant à la manque, un exécutant sans figure, un "yes man" très patient, le film de Malick n'est qu'une suite de plans sur une bourrique indienne en extase permanente qui danse dans les hautes herbes Américaines, filmée par un vieillard plein de tocs et sans doute plein de tiques après des mois passés dans la jungle Colombienne caméra au poing. Aussi le montage est-il totalement décousu et audacieux. Mais encore faut-il considérer comme "audacieux" un monteur d'Hollywood qui a dû suer toutes les eaux de son corps et se ronger les ongles jusqu'à se dénuder les os des doigts pour raccorder bon an mal an des milliards de kilomètres de rushes sur des herbes grimpantes au milieu desquelles, tête basse, Colin Farrell grimpait quant à lui la moitié des petites actrices locales, naïves autochtones, sans que personne ne s'en aperçoive. En tchancles ou en armure de conquistador, Colin Farrell finit chacun de ses tournages, pour ne pas dire chacune de ses journées, assis en chien de fusil sur une autre personne.

Après la sortie de ce film les journaux spécialisés annonçaient Malick sur le tournage d'un long métrage sur le golf intitulé "Green". On entendait aussi courir la rumeur de l'écriture d'un film sur le football, dont le working-title était "Grass". Mais c'est bel et bien The Tree of Life qui devrait arriver sur nos écrans un jour ou l'autre.


Le Nouveau Monde de Terrence Malick avec Colin Farrell et Christian Bale (2006)

Step Brothers

Il y a fort longtemps que Félix et moi souhaitions vous parler de Will Ferrell. Cet homme fait partie de ces gens-là que nous avons mis du temps à aimer. Il fait partie de ces gens qui réclament de la patience, de l'attention et un abandon total. Un peu comme, en musique, le groupe Nine Inch Nails, qu'on exècre aux premières écoutes et qui finit par nous prendre à revers, à rebours. Au départ nous haïssions réellement Will Ferrell et puis tout d'un coup nous avons saisi l'homme et la noblesse de son humour vibrionnant, pour aussitôt regretter amèrement nos premiers jugements hâtifs. Désormais nous portons un amour et une admiration sans limites à cet homme. Avec Jim Carrey (dans Dumb & Dumber, Ace Ventura, Disjoncté ou Fun With Dick & Jane), Will Ferrell est notre plus grande passion comique du cinoche américain contemporain. Peut-être même que Ferrell est en train de dépasser Carrey, ou de le remplacer (quid du déclin de l'ancien roi du rire dans Yes Man). Il faut dire que Will Ferrell a les moyens de se surpasser, lui qui est entouré d'une troupe solide de joyeux drilles hilarants (Will Arnett, Paul Rudd, Steve Carell ou encore David Koechner, pour ne citer que les plus célèbres), ainsi que d'une équipe de production fidèle et d'un réalisateur attitré en la personne d'Adam McKay. Là où Carrey faisait son chemin en solitaire et ne pouvait que se répéter avec ici et là de vagues digressions dans un jeu d'acteur particulier soumis à des univers très différents, Will Ferrell semble davantage impliqué dans le choix et la récurrence de thèmes suggérés par lui-même et toute sa bande de bras cassés au fil d'improvisations continues. Parce que Ferrell travaille avant tout en équipe, il ne monopolise jamais les caméras. Une de ses grandes qualités c'est aussi son talent pour faire jouer les autres et pour les faire briller, parfois à sa place, tandis qu'on le voit dans le cadre s'effacer un moment, sourire mal réprimé, pour permettre à ses camarades de s'exprimer et de faire rire à leur tour. C'est un mec en or !



Au point que de film en film son travail se fait de plus en plus précis, efficace et génial. Les temps morts des premières œuvres disparaissent, l'humour se fait plus permanent et se veut d'une liberté absolue. Ferrell semble toujours opter pour l'essentiel, l'évident, et il pousse les situations à leur maximum avec une finesse de jeu et une justesse de mise en scène qui confinent au raffinement le plus total. Les mêmes thèmes reviennent sans radotage et les personnages, fondus sur le même moule de grands enfants fondamentalement bons et redoutablement grossiers, prennent chacun leur tour des couleurs et des traits uniques pour façonner une galerie de portraits inoubliables. Il y a en somme un esprit Will Ferrell, commun à tous ses films. Un esprit très fin dans sa grossièreté (car il ne s'agit pas de vulgarité) apparente. Aucune bassesse dans ces films. Will Ferrell est un gosse de deux mètres de haut doté d'un torse anormalement velu et il la tronche de Ron Perlman. Il est si laid qu'il en est beau. Un peu comme son acolyte John C. Reilly qui, après une demi-carrière de seconds rôles sérieux dans des films plus ou moins bons, s'est laissé aller à faire ce qu'il fait apparemment le mieux : rire. Je parle surtout de Will Ferrell mais si ces deux-là continuent de jouer côte à côte (Talladega Nights et Step Brothers jusqu'ici), on pourra parler du plus grand duo comique sur grand écran depuis un fameux bail. J'ai un amour inconditionnel et aveugle pour ces deux cons !



Je considère Will Ferrell comme un auteur, dont l'œuvre, cohérente à souhait, est à considérer dans son ensemble. C'est le plus grand cinéaste américain actuel, même s'il n'a jamais mis les pieds derrière une caméra, trop occupé à crever l'écran en se plaçant devant. J'exagère peut-être (quoique...). Will Ferrell, auquel sied mieux qu'à personne l'expression "trop con, trop bon", incarne dans chacun de ses films des personnages touffus, fouillés, entiers, très différents et à la fois toujours attachants, qu'il respecte immensément. Il fait des films véhiculant toujours un message sincère et simple, aussi discret qu'évident, glorifiant l'amitié et l'enfance. Le souffle de vie de Will Ferrell, qui crée des personnages auxquels on s'identifie toujours, dont on a envie d'être l'ami intime, l'oppose à bien d'autres soi-disant comiques du moment. Je pense par exemple à Ben Stiller. J'ai bien envie de terminer cet éloge de Will Ferrell par un pet rapide et fulgurant sur Ben Stiller. Ben Stiller est à Will Ferrell ce que Daniel Moreira est à Didier Drogba. Il est à Ferrell ce qu'un pigeon voyageur aveugle et amputé d'une aile est à MSN live messenger. Ben Stiller est à Will Ferrell ce que mon relevé de banque est à mon relevé de notes, et si je suis bon élève niveau finances je suis vraiment à payole !

Je n'ai pas beaucoup parlé de Step Brothers en tant que tel. Mais que dire sinon résumer l'histoire que raconte le film, parler de l'immense drôlerie du script et des situations déployées et énumérer les scènes qu'on se repassera en boucle pendant des lustres en riant toujours aussi franchement. Que dire enfin sinon clamer le talent fougueux et racé de Will Ferrell et de son acolyte de rêve John C. Reilly.


Step Brothers d'Adam McKay avec Will Ferrell, John C. Reilly, Richard Jenkins et Mary Steenburgen (2008)

Shrek Le Troisième

J'ai pas vu ce film et j'en ai rien à foutre. J'avais vu le premier au cinoche, traîné par mon frère qui filait un très mauvais coton à l'époque. J'avais frôlé la mort ou la taule dans une salle de cinéma comble, bourrée à craquer de trentenaires mal fagotés, hurlant de rire à chaque référence à un film ou une série pourrie chers à leurs cœurs. Chers à leurs pace-maker devrais-je dire, ces gens-là ont-ils seulement un cœur ? Vous me direz c'est pas très fin de s'attaquer aux spectateurs. On a le droit de se laisser brancher une heure et demi par un pur divertissement, de ne pas vouloir nécessairement réfléchir devant un film, d'avoir envie d'une daube qui laisse les neurones s'enculer en paix un moment, de se libérer la tête après une semaine de boulot devant une bonne grosse merde, et puis après tout chacun ses goûts, et mon gros doigt tendu au ciel ! Toute une salle de trépanés hilares à chaque vanne venue tout droit du point le plus bas de l'échelle du cerveau humain, calibrée pile poil pour tel public qui se réjouit d'être la cible enjouée d'un commerce hideux et débile à souhait.


Une des meilleures scènes du film !

J'ai entrevu Shrek 2 chez des faux amis qui foutaient ça à leurs gosses à la télé pour bouffer tranquille. J'ai plus jamais revu ces gens et je leur ai tout récemment expédié un colis de mon chien dans du papier journal enflammé. Les pauvres mômes ne pigeaient rien devant le film. Ils étaient fascinés bien entendu. Les gosses sont si cons... Et puis c'est vrai que c'est fascinant ces images de synthèse façon Pixar, c'est monstrueusement laid, c'est raté, c'est lent et risible, mais ça fascine les peuples du monde entier. Les gamins étaient captivés (comme ils l'auraient été par n'importe quelle connerie animée), mais ils ne riaient pas ni ne pigeaient un traitre de mot à toutes ces vannes. Pourquoi ? Parce que ces films-là ne sont pas faits pour les gosses mais bien pour les gros trentenaires tchiplés tous bercés aux mêmes films populaires, tous abreuvés des mêmes séries télé, tous branchés sur MTV, tous tanqués devant youtube, en somme tous drogués aux mêmes référents et qui se réjouissent d'affirmer que "non, ces films ne sont pas pour les enfants", mais bien pour eux...


Julie Andrews, sex fan des sixties, qui brillait dans Mary Poppins ou dans La Mélodie du bonheur et qui n'a plus le physique pour apparaître en chair et en os. Ces films ont au moins l'avantage de faire travailler les vieillardes

C'est un cinéma du référent permanent, de la citation érigée en système. Et c'est pareil partout. Il y a toutes sortes de référents dans ce cinéma populaire actuel, axés principalement sur deux axes. La chanson d'abord, notamment dans des films "indés" dont on a déjà beaucoup parlé ici, comme Garden State, Little Miss Sunshine, Juno, tout le cinéma de Wes Anderson, et j'en passe. Les exemples foisonnent, par exemple les très récents Nick and Norah's Infinite Playlist, dont le titre a tout dit, ou Good Morning England, film qui fait des ravages chez les jeunes gens qui l'adorent en tout premier lieu pour sa "BO de dingue". Et d'un autre côté il y a les références incessantes au cinéma lui-même ou aux séries télé, ce dont Quentin Tarantino ou Michel Gondry font leur fond de commerce. Ces deux-là pourraient se donner la main, ça serait tout naturel, réunis par leurs faces de pioche et leurs goûts de chiotte. S'il n'y avait qu'eux...


Dans Shrek, l'âne a la voix d'Eddie Murphy, autrement dit la voix d'un noir, réfléchissez bien là-dessus.

Shrek joue dans cette catégorie-là. Chaque scène, chaque blague, est une simple référence, parfois plate, souvent évidente et directe, pas même enrobée d'un zeste d'humour ou de la moindre trace de recul, de raffinement, ou de finesse. Les types très malins qui sont derrière ces films et qui savent comment engranger des milliards de dollars sur le dos des petites gens se contentent très bêtement de placer des références et autres citations tous les deux plans, qui, parce qu'elles évoquent quelque chose de déjà connu, déjà consommé et déjà apprécié au spectateur, lui inspirent immédiatement, machinalement, rires et passions. C'est un drôle de phénomène quand on y pense... Les types sont là, le cul vissé à leur fauteuil, et il suffit qu'on leur balance une référence ou une chanson qu'ils connaissent et qu'ils aiment pour que celui qui les balance soit aussitôt adopté, voire adoubé, sans conditions. Nous avons les mêmes goûts, aimons-nous sans réserve. Drôle de comportement. Le pire c'est que ces cons-là nomment parfois ces référents populaires et évidents des "private joke(s)", blagues si privées que tout le monde les reconnaît et les adore également, que toute une salle se marre comme une seule et énorme baleine, que des milliers d'autres types dans la confidence de cette blague et fans des mêmes chansons s'esclaffent et se dandinent tout pareil dans tous les cinémas du monde entier et par-delà les océans. A chaque nouveau Shrek (et d'ailleurs pourquoi appeler celui-là "Le troisième" ? Tas de trisos...), de nouveaux films à grand public et à grand succès sont parus, et de nouveaux référents permanents sont exploités, cités à tout va, partagés par tous et que tous croient si "privés" qu'ils en viennent à se sentir en connivence intime avec des producteurs aux dents longues rodés pour calibrer leur artisanat au plus grand nombre de cons.


Shrek Le Troisième de Pixar avec Eddy Murphy et Alain Chabat (2007)

12 mai 2009

Alerte !

Ce midi Félix me proposait d'aller à Casino faucher quelques trucs. Depuis quelques jours il va là-bas voler du gruyère en plaquettes. Vous imaginez pas le prix de ces petites plaquettes de gruyère. C'est quand même un pauvre fromage limite dégueulasse quand on le graille nature. Mais ça reste indispensable pour faire des croque-monsieurs, par exemple. Et comme nous sommes friands de tout ce qui est croque'meus, nous avons toujours besoin de ces précieuses plaquettes d'emmental doux, qui coûtent 5€ l'unité. Alors depuis quelques jours Félix va les tirer au Casino. On a une nouvelle cloison bâtie avec ces briques de fromage. Ce qui fait de notre T3 un T3 bis sans augmentation de loyer. Bref blague à part Félix me demandait donc ce midi de l'accompagner pour piquer de nouvelles tomes de gouda. J'ai refusé. J'accepte qu'il vole une grande chaîne comme Casino. J'admire qu'il vole des voleurs. Mais pas question d'être là. Au large les contagieux. La cleptomanie est une maladie qui se refile. Avec la guigne que j'ai je serais le premier à me faire agripper par le colbac et j'ai autre chose à foutre que passer mon aprèm entre quat'zieux de flics. Au lieu de ça j'ai bu un grand bol de lait chocolaté chaud, et tout de suite derrière je me suis collé dans la panse un grand verre de lait chocolaté froid. Autrement dit je me suis refilé en moins de temps qu'il en faut pour le dire une chiasse de tous les diables.




Ce qui m'a évidemment amené à penser à ce grand film de Wolfgang Petersen qu'est Alerte ! Ce film était grand parce qu'il prenait à contre-pied son propre titre. Là où tout le monde attendait un grand film catastrophe avec des masques à gaz, des singes, des mouvements de foule, des combinaisons, des scaphandres, des seringues et autres anoraks, il s'agit en fait d'un Dustin Hoffman pris d'une colique de type "déferlante". Au début du film, notre acteur-nain préféré bouffe salement épicé dans un bar tapas Argentin, puis boit salement lacté dans un bar à lait Suédois. S'ensuit une chiasse à tout rompre. A la première vague, l'acteur se retourne sur ses chiottes et s'exclame "Erika !". Le fameux mot d'Archimède, mal prononcé par un acteur impliqué dans son rôle, les dents serrées et les yeux exorbités, servira tout au long du film de surnom à son mini-moi merdeux. Oui car c'est bien cette réplique de Dustin Oufman dans ce film qui aura donné son nom à la fameuse marée noire qui a dévasté les côtes Bretonnes, et pas l'inverse.




Alors pendant tout le film l'acteur n'arrête pas de se plaindre d'un gros mal de bide, et d'aller chier tous ses morts là où il peut poser son cul ridé. Ses proches et amis le conjurent tout du long de se mettre en quarantaine, de se cloîtrer chez lui le temps de digérer et de redevenir normal, mais il s'y refuse mordicus et continue de répandre son mal par monts et par vaux. Plusieurs fois il boit dans le verre de son meilleur ami incarné par Cuba Gooding Jr. qui lui répète sans fin "Mais t'es un con". Notre héros affirme que son mal n'est pas viral, ni transmissible, tout en crachant sa morve ça et là. A un moment il prend le train, et pas n'importe lequel, le Transsibérien, et il en squatte les cabinets pour se purger de l'antéchrist merdique qui le hante, laissant derrière lui une gigantesque trainée de merde noire à grande vitesse, visible depuis la lune, et dessinant sur la terre un "D", pour Dustin et pour Diarrhée. Et puis à la fin du générique de clôture, et c'est peut-être le twist le plus dérangeant que je connaisse, on voit Cuba Romjing Stamos agrippé à la poignée de ses chiottes, le cul en bombe, les dents serrées, en train de pulvériser sa cuvette d'estrons en kévlar.


Alerte ! de Wolfgang Petersen avec Dustin Hoffman, Cuba Gooding Jr. et Morgan Freeman (1995)

Un Homme d'Exception

Ce film est un biopic par Ron Howard de John Forbes Nash Jr., un brillant mathématicien qui élabora en 1947 une théorie économique des jeux. Me demandez pas ce que ça veut dire j'en ai rien à foutre. En tout cas ce que je sais et que vous devez savoir aussi si vous avez déjà vu cette merde, c'est que le gouvernement Américain s'est approché de ce jeune prodige pour l'embaucher. Son job consistait alors à étudier les messages codés publiés chaque jour dans les journaux Russes et censés prédire une attaque nucléaire du sol Américain. Le jeune puceau gaga des maths y passa toutes ses journées, vite largué par sa petite copine, enfermé dans un cabanon vétuste, traqué par des agents spéciaux communistes, et considéré comme fou à force de n'être jamais cru par personne, sa mission étant top secrète au point que même ses patrons oublièrent son existence et le job pour lequel ils le payaient une bouchée de pain.



Ho là, on arrête tout. Tout ça c'est un leurre. Un faux-semblant. Un gros traquenard. En réalité ce film est bel et bien un biopic, mais pas du tout celui d'un mathématicien génial atteint de priapisme et complètement maboule. C'est un biopic de Russell Crowe. Un biopic de Russell Crowe l'acteur. Russell Crowe n'était pas mathématicien en 1947, et il n'a jamais été black-listé pendant la chasse aux sorcières, cette histoire-là ça reste celle de John Forbes Nash Jr., c'est un biopic déguisé derrière un autre. Ron Howard rêvait depuis toujours de rendre hommage à son acteur favori, et en pensant à lui il n'a pu écrire qu'une chose sur son bloc-note : "Un homme d'exception". Son biopic du comédien s'est donc arrêté au titre et il a ensuite engagé une ribambelle de scénaristes pas chers pour concocter un autre biopic chiant à mettre en scène, prétexte pour filmer sous toutes les coutures l'homme de ses rêves.



Et en effet quel homme que Russell Crowe. Rappelons que cet homme-là a tourné dans L'Échange de Taylor Hackford. On pense toujours Gladiator ou Master and Commander quand on dit Russell Crowe, et pourtant on devrait penser L’Échange. Dans ce film de seconde zone dont le dvd est sorti dans le commerce directement dézonné (il n'appartenait à aucune zone et n'était donc lisible sur aucun lecteur dvd au monde, combien de nigauds se sont fait tirer 30 euros comme ça... moi le premier !), Russell Crowe était aux prises avec les FARCs qui kidnappent chaque année de pauvres cons promettant de les libérer moyennant finance. Crowe interprétait donc un spécialiste des enlèvements et autres négociations, riche en testostérone et en matière grise, que Meg Ryan employait pour l'aider à délivrer son époux des griffes de ses ravisseurs. Après des journées passées à rôder autour de l'actrice en mal d'amour, son cell phone collé à la tempe par des températures tropicales d'outre-tombe, en porte-à-faux avec des terroristes illettrés et affamés, dans une villa de touriste tout confort, sans cesse aguiché par la "tête blonde" la plus effarouchée d'Hollywood, nul besoin de préciser que Russell Crowe craqua. Désireux de conclure à sa façon une scène de baiser passionné supposée précéder de peu le départ du héros en hélicoptère vers les forêts vierges où les brigands détenaient l'époux déjà cocu de Meg Ryan, Russell Crowe dévora les joues de l'actrice en chaleur et fit mine de n'avoir pas entendu les douze coups de "clap" et les dizaines de "coupez !" hurlés à plein poumons par un Taylor Hackford éreinté par six mois de tournage.



Le coït eut lieu sous les yeux mouillés de toute une équipe technique plus en nages que jamais. Photographes de plateau et touristes venus assister au tournage se disputèrent les meilleurs "spots" comme on dit, les meilleurs angles de vue, les plus répugnants. La presse s'empara aussitôt du scoop. Russell Crowe et Meg Ryan venaient de se défoncer l'un l'autre sous les spots suintants de Taylor Hackford dans une Colombie déjà enflammée par un soleil de plomb, sous le regard du monde entier. Dans la soirée Meg Ryan et Denis Quaid, jusqu'alors en lice pour battre le record du plus long mariage d'Hollywood (toujours détenu et sans cesse pulvérisé par Sean Connery et sa femme hideuse qui se refusent tous deux à crever d'année en année), explosaient le record du divorce le plus rapide et le plus onéreux de l'histoire de l'humanité (même Spielberg fut détrôné). Et Russell Crowe de tourner son dernier plan du film encore débrayé avant de foutre les voiles vers de nouveaux biopics et de nouvelles vieillardes à tringler sans se retourner. Il n'est pas réellement fortiche en calcul, mais il a réellement une grosse bite dans le crane. Voire même une grande bite à la place de chacune de ses guiboles étant donné que c'est clairement la queue qui guide ses pas. Un homme d'exception vous dis-je. Quant à moi je vous laisse méditer là-dessus et je fais comme dans l'armée, je me tire ailleurs. Plus précisément aux chiottes. J'ai comme qui dirait une taupe au guichet !


Un Homme d'Exception de Ron Howard avec Russell Crowe, Ed Harris et Jennifer Connelly (2002)