Le Maréchal Tonie est appelé à la barre... Accusée, levez-vous. Premier chef d'accusation : plagiat éhonté du Shame de Steve McQueen. Sophie Marceau remplace Michael Fassbender dans le rôle de la sex addict prête à sauter sur tout ce qui bronche. Tonie Marshall a dû changer de titre au dernier moment en découvrant le récent diptyque de Lars Von Trier. Quand Sophie Marceau se demandera-t-elle pourquoi on ne lui propose jamais le moindre rôle de femme intelligente ? Parce qu'en plus d'être nymphomane, son personnage est d'une débilité à tout rompre. Malgré cela, Patrick Bruel, également sex maniac, n'hésite pas une seconde à l'engager comme assistante dans son cabinet de conseiller conjugal. Il faut dire que, malgré ses 60 ans bien tassés, Sophie Marceau met toutes ses formes au service de la fiction. Elle est tirée à quatre épingles dans chaque scène du film, moulée recto verso. Tonie Marshall est le premier réalisateur à la rendre aussi désirable depuis Mel Gibson dans Braveheart. Force est de reconnaître que le sex appeal de la plus bête des comédiennes françaises est toujours au garde-à-vous. On a tout particulièrement apprécié ce pull gris moulant 100% élasthanne qui révèle son buste mieux que si elle ne portait rien. On dirait un moulage en plâtre. C'est pourtant dans la scène où elle est ainsi affublée que Patrick Bruel, qui essaie avec un mal de chien de dompter ses propres démons et ceux de sa nouvelle partenaire, lui dit : "Ah, là, là, là ta tenue est clean. Pour une fois on ne voit rien". Tonie Marshall connaît si mal les hommes, ses congénères...
Deuxième chef d'accusation : plagiat éhonté du style Tom Hooper, breveté à la sortie du Discours d'un roi. Comme dans les films du britannique, chaque cadrage de Tu veux ou tu veux pas laisse une bonne place au vide, tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt à droite et à gauche. On se demande à quel point le format panoramique de l'image, pas du tout adapté à un tel spectacle (sauf peut-être celui qu'illustre l'image ci-dessus...), est à l'origine de ce projet formel. Mais, à vrai dire, Tonie Marshall se révèle plus audacieuse qu'on ne pensait dans ce film. Ce qui nous conduit tout droit au troisième chef d'accusation : plagiat éhonté de David Lynch. On sent lentement venir le truc... Quelques raccords dans l'axe pas naturels, quelques invités mystères planqués au fond du cadre (caméo surprenant de Jean-Luc Godard), un aspect métafilmique assez fort (Sylvie Vartan, dans la BO et au casting ; Jean-Pierre Marielle qui vient jouer son propre rôle dans un bar où il semble avoir son fauteuil attitré), quelques bizarreries notoires (un pressing qui sert aussi de cercle des nymphos anonymes ; à l'intérieur de ce pressing, François Morel, qui hante les lieux dans des scènes glauques où le personnage paraît tout droit sorti de la psychée délirante de Patrick Bruel, qui semble être le seul à le voir, comme si c'était un compagnon imaginaire façon Shining), ou encore un acteur à deux doigts de fumer le film de l'intérieur (André Wilms, qui fabrique des parfums dans un appartement immense dont chaque pièce contient une trentaine de petites lampes allumées, l'acteur carbure à la gnôle et aux micro-siestes - dont une sur l'épaule de Marceau - et laisse parfois exploser sa mauvaise humeur, comme quand, après avoir préparé un lapin aigre-doux pour les deux héros du film, il s'exclame, en se levant : "Bon, après toutes ces tartines de merde, passons au dessert ! Au menu ? Un clafouti aux glaouis !").
Mais Lynch est plus clairement convoqué comme godfather du projet dans une scène totalement à part, une séquence onirique, entre rêve et cauchemar, entre Apitchatpong et Dupieux, où Marceau, après avoir trinqué avec Jean-Pierre Marielle (qui quitte quand même le plateau sans prévenir, au beau milieu d'un dialogue, avec ces mots : "Bon, c'est pas tout, mais j'me casse"), se retrouve seule au comptoir. Soudain, on voit apparaître derrière elle des lapins humains qui déambulent dans le café, clin d’œil direct à Alice au pays des merveilles de Carl Lewis, en même temps qu'à Shining, de nouveau, et à Inland Empire. Mais ça ne s'arrête pas là. Quelle joie de retrouver Patrick Braoudé après tant d'années d'absence, lui qui a régné sur la comédie française dans les années 80 et 80, et qui a su laisser sa place à une jeune génération qui n'a pas saisi la perche et qui déjà négligeait son héritage.
Il fait ici son comeback, avec un grand K, dans le rôle d'un écureuil pilier de bar. Sous le costume, hallucinant, on découvre que l'acteur-réalisateur culte est devenu un sosie officieux de François Hollande, la myopie en moins. Mais il faut voir le bon côté des choses, il a un pied-à-terre chez Julie Gayet. A condition toutefois de la boucler, car sa voix unique, enraillée, effacée, aspirée, inspirée, coiffée, décoiffée, véritable madeleine de prout pour nous autres fans de l'artiste, qui nous rappelons encore les neuf mois passés avec lui après un divorce douloureux, se reconnaîtrait entre mille. L'homme se révèle parfaitement lynchéen, on découvre son côte Bill Pullman tandis qu'il devise avec l'autre cruche dans son costume d'écureuil à queue remuante. Un membre de la famille Marshall, stagiaire de 3ème, se chargeait de secouer la queue du comédien, dans laquelle était d'ailleurs dissimulée la perche du preneur de son, ce qui nous vaut un dialogue doublement lynchéen et de nouveaux couacs audiovisuels. Car le film en est rempli. On ne citera que ces plans en amorce où l'on peut compter et recompter les pelloches contenues dans le quart nord nord-ouest de la chevelure de Patrick Bruel, sosie quant à lui officiel de Stéphane Plaza.
Tu veux ou tu veux pas de Tonie Marshall avec Sophie Marceau, Patrick Bruel, André Wilmz, Sylvie Vartan et François Morel (2014)