Avant-propos crucial ! Ce film a été tourné il y a deux ans, il nous propose en tête d'affiche
deux ex-enfants stars, dorénavant acteurs dans le vent : Joseph Gordon-Levitt et Natalie Portman, qui ont tous deux soufflé leur 30ème bougie récemment. Le premier, notamment grâce au carton d'
Inception, est une star montante dont le faciès (mais pas la carrure vu qu'il est taillé comme une arbalète) permet à certaines demoiselles nostalgiques de ne plus autant regretter la disparition prématurée d'Heath Ledger. Quant à Natalie Portman, on ne la présente plus ! Elle est depuis longtemps une starlette de premier plan, mais ce n'est que depuis peu qu'elle a connu la consécration
du petit monde sclérosé du cinéma grâce à sa prestation il est vrai remarquable dans
Black Swan.
Ces deux acteurs pourraient donc aisément permettre à ce film de connaître une sortie en fanfares. Et pourtant !
Hesher est sorti outre-Atlantique début mai, sans bruit, dans l'anonymat le plus complet. Et dans notre cher et beau pays, aucune date de diffusion n'est encore prévue. J'ai deux hypothèses. Soit tout ça est finement calculé, complètement fait exprès, il s'agirait d'une sorte de non-marketing pratiqué avec le vain espoir que
Hesher gagne progressivement un statut enviable de petit film indé obscur et donc forcément culte, en misant tout sur le bouche-à-oreille. Culotté et risqué, mais pourquoi pas ! Autre hypothèse : il existerait un type, petit scribouillard
indie, obstiné et convaincu, qui se serait fixé comme objectif de nuire à la reconnaissance de ce film. Un type qui s'opposerait corps et âme au succès que pourrait éventuellement rencontrer
Hesher. Un grain de sable qui vient ruiner une petite mécanique d'ordinaire si bien huilée. J'ai vu Hesher, par un réseau de distribution alternatif et totalement gratuit, car ce sont les seuls qui permettent à l'heure actuelle de mettre la main dessus, et je ne vous cache pas que j'ai une nette préférence pour ma deuxième hypothèse. Elle est un peu plus farfelue, certes, mais ce genre de type, altruiste car soucieux qu'aucun de ses semblables ne s'inflige un tel film, ça pourrait tout à fait être moi. Alors j'ose espérer !
Hesher nous raconte les mésaventures d'un petit garçon blondinet (Macaulay Culkin) au caractère bien trempé qui vient de perdre sa maman dans un accident de voiture tragique (elle avait raté son avion). Son père (incarné par Dwight de The Office) n'arrive plus à remonter la pente depuis et la petite famille a élu refuge chez la grand-mère. Le garçon rencontre alors Hesher (Joseph Gordon-Levitt), un personnage hors norme. D'abord par son physique et son allure : aussi solitaire que perché, Hesher se trimballe toujours torse nue, voire en slibard kangourou dégueulasse, il arbore des tatouages débiles sur le torse et fait balancer ses cheveux longs et gras avec la grâce d'un orang-outang bourré à la bière au rythme de sa démarche de pithécanthrope. Hesher est aussi un cas social, pyromane de son état, qui passe son temps à arpenter les rues dans son vieux van pourri. Du jour au lendemain, l'imprévisible Hesher décide de s'installer sans prévenir chez la grand-mère. Au crépuscule de sa vie, celle-ci apprécie sa compagnie et l'accueille comme si c'était tout à fait naturel. Hesher entraînera rapidement le gosse dans quelques galères, tandis qu'une caissière de Super U, sous les traits familiers et agréables de Natalie Portman (elle a également les cheveux gras et des grosses binocles, elle est donc crédible en caissière !), s'immisce peu à peu dans le duo...
Je ne sais pas trop pourquoi je vous ai résumé en détails le pitch du film, peut-être par triste habitude de blogueur ciné ! Peut-être aussi pour que vous puissiez voir qu'il n'y a pas grand chose d'excitant à l'horizon. Hesher semble avoir pour seule ambition de nous montrer l'évolution de ces personnages à travers les différentes péripéties qu'ils traversent, à commencer par celui du gamin, véritable personnage central du film contrairement à ce que le titre peut nous laisser croire. Pourquoi pas. Hélas Hesher donne la nette impression que son réalisateur croit nous raconter une histoire formidable, à travers le deuil impossible d'une famille orpheline de la maman. Et si les intentions sont louables, le résultat est, au final, complètement raté. Spencer Susser (c'est le nom du réalisateur, j'invente rien) a notamment le défaut de vouloir tout montrer, y compris l'accident qui a provoqué la mort de la mère, dans un flash-back aussi brutal qu'inutile et regrettable. Ponctué de messages moralisateurs lourdauds, très souvent énoncés sous la forme de métaphores hideuses, le tout sur un ton mi-décalé mi-sérieux, mi-léger mi-grave, Hesher tourne très rapidement à vide et, dans sa dernière partie, tombe même carrément dans le ridicule le plus désolant. Notons toutefois que ça doit bien être le ton étrange de ce film, parfois intrigant, doublé de son rythme assez soutenu qui permettent de le regarder en entier, sans que l'on s'ennuie véritablement. Triste savoir-faire typiquement américain de ce genre de film indé !
Je ne peux pas vous parler de ce film sans partager avec vous certaines scènes qui ont failli m'achever. Signalons d'abord le terrible monologue de Natalie Portman. Du jamais vu, un vrai chemin de croix pour n'importe quel comédien et une épreuve dont la jeune & jolie actrice ne sort pas tout à fait indemne. Je vous replace la scène dans son contexte. Natalie vient d'être surprise par Macaulay Culkin en train de baiser avec Hesher. Le gamin vit alors une grande désillusion, puisque Natalie représentait pour lui une sorte de projection de sa maman, une nouvelle femme pure et innocente (je vous la fais courte). Bref. Natalie décide donc de se rendre chez le gosse pour se faire pardonner. C'est là qu'elle se plante en face de lui et déballe les lignes de dialogues les plus abominables qu'il m'ait été données d'entendre.
"Heeeey... Salut. Ça va ? Heu... Bon... Je ne savais pas si je devais venir ou pas mais je ne pouvais pas m'empêcher d'y penser. Je me suis dit que si je venais, tu serais énervé et tu me détesterais, mais j'ai pensé que si je venais pas, tu croirais que je m'en fiche, et tu m'aurais détesté aussi. Alors j'ai décidé de venir. C'est ce que j'ai pensé. Donc, me voilà. Je veux m'excuser. Je me sens mal à propos de ce qui s'est passé. Et je comprends si tu ne veux pas qu'on soit amis, mais je n'ai jamais voulu te blesser. C'est juste que... Parfois... Je ne sais pas... Mais j'ai pensé que je devais te dire ça. Tu me détestes toujours de toute façon, mais je devais te dire ça. Et je l'ai dit." Qui donc a écrit ça sur papier ? Qui ? Le type d'
Animal Kingdom ? J'ai vu son nom au générique, accolé à celui du réalisateur, je suis pas fou ! C'est terrible ! Et il faut savoir que Portman déballe ça tout en faisant ces petits gestes de mains que l'on fait quand on est gêné, ces manies que l'on observe surtout dans les classes de CP, lorsqu'on convoque un mioche au tableau pour qu'il fasse sa récitation. Bref, Portman sort le grand jeu, ses envies d'Oscar temporairement mises sur la touche.
Mais ça n'est pas tout. Comme dit précédemment,
Hesher est rempli de messages philosophiques bidons que ses personnages déblatèrent avec une lourdeur sans nom, la finesse des dialogues n'étant à l'évidence pas l'une des qualités de ce long métrage. Il s'agit donc souvent de leçons de Vie, avec un grand V. La fin du film, où l'on assiste aux funérailles de la grand-mère (relisez le second paragraphe pour vous rappeler de qui il s'agit !) est le triste théâtre de ces grands messages existentiels. Une vieille femme ouvre le bal en nous annonçant que la vie, c'est comme marcher sous la pluie : tu peux te cacher et t'abriter ou tu peux te mouiller. Très profond et instructif, je note. Mais ça n'est rien à côté de ce à quoi on assiste médusé dans la foulée : le monologue final de Joseph Gordon-Levitt, celui à travers lequel nous sentons que le réalisateur se met littéralement à nu. Légèrement éméché, Hesher se lance dans un long discours ridicule avec, à la clé, un nouvelle métaphore de toute beauté. Il nous raconte qu'en voulant faire cramer un truc quand il était ado, il a provoqué une grosse explosion et ça s'est terminé à l'hosto, avec une couille en moins ! S'adressant à Dwight et à Macaulay Culkin, Hesher dit s'être longtemps focalisé sur cette couille perdue, au point de tomber dans une dépression carabinée, avant qu'un beau jour, il se rende compte que son autre couille fonctionnait à 200%, que la Nature avait vraiment bien fait les choses, et qu'il n'y avait donc aucune raison d'en vouloir à la Terre entière, bien au contraire. Message reçu ! Je traduis : la maman disparue est donc l'équivalent d'une couille perdue, que l'on peut aisément oublier pour réussir à vivre à nouveau heureux. C'est charmant... Pour ne rien arranger à tout ça, il faut là encore signaler le jeu d'acteur du dénommé Gordon-Levitt. Il en fait vraiment des caisses, mais sans le côté réjouissant de la chose, on est loin d'un Nicolas Cage ou d'un Gérard Depardieu. Son personnage, d'abord un peu attachant, ne fait pas illusion bien longtemps, il devient très vite agaçant et l'énervement culmine précisément lors de cette scène. Si ça ne vous suffit pas, sachez qu'après cet innommable monologue, on enchaîne sur la balade du cercueil de la grand-mère (elle avait prévu de faire une balade à pieds avant de mourir, les personnages réalisent ainsi son dernier souhait), au ralenti, sous fond de musique naze et de mauvais goût. Le film touche alors le fond du fond, au pire des moments possibles, c'est-à-dire juste avant de nous quitter !
Pour les fans hardcore de Natalie Portman, je signale quand même un bref passage potentiellement amusant où l'on voit Joseph Gordon-Levitt lui déblatérer la pire anecdote salace et porno au volant de son van crado. Natalie Portman, tétanisée, l'écoute bien malgré elle tout en faisant des petites moues dégoûtées et blasées. Ce passage-là est plutôt sympathique dans le sens où, pour ma part, c'est typiquement ce que j'aurais envie de raconter à une fille comme Natalie Portman, histoire de la bousculer un peu, elle qui a tellement l'air d'une sainte-ni-touche (à défaut de m'en servir comme d'une table-basse, bien entendu...).
Malgré cela, vous l'aurez compris, je ferai mon possible pour nuire à ce film ; et de votre côté, si vous avez lu cette critique dans son intégralité, vous pouvez aisément considérer l'avoir subi aussi !
Hesher de Spencer Susser avec Joseph Gordon-Levitt, Natalie Portman, Rainn Wilson et Devin Brochu (2011)