Je pensais mettre la main sur une pépite méconnue du cinéma d'horreur des années 80. Je me suis trompé. Attention, ce film n'a rien de honteux, mais on comprend aisément pourquoi il est plus ou moins tombé dans l'oubli. Et pourtant, ça commence plutôt bien ! Scène d'ouverture : Martin Sheen fait son jogging dans un abominable survêt' gris qui lui va comme un gant. L'acteur a la classe malgré tout. Un petit camion distributeur de lait le dépasse et c'est le véhicule que la caméra se met alors à suivre. Celui-ci circule dans les rues plutôt chics d'un quartier résidentiel de Minneapolis. Une brique de lait est déposée sur un perron. Immédiatement, nous sommes intrigués. Quel rôle va jouer cette maudite brique de lait ? Pourquoi insister là-dessus ? Et quand retrouverons-nous Martin Sheen ? C'était bien Martin Sheen, hein ? La scène se poursuit...
Martin Sheen est de retour. On est désormais sûr que c'est lui. Il y a peu d'acteurs, n'atteignant guère le mètre 70, qui disposent d'une telle classe. On reconnait bien son allure d'éternel adolescent, sa parenté chicanos, sa démarche chaloupée. Il est là et bien là, à l'aise dans ses baskets, dans son rôle, dans son survêt hideux, aucun doute là-dessus. La brique de lait l'attendait sur le pas de la porte de sa maisonnée. Il monte le perron, la saisit, rentre chez lui, embrasse sa femme, puis range la brique dans le frigo, s'essuie le front et donne une taloche à son môme. C'est l'heure du petit-déjeuner. Sa femme, simplement vêtue d'un peignoir de bain, prépare des toasts pour le gamin, âgé de 8 ou 9 ans et plus occupé à jouer aux petites voitures. Gros plan sur le bouton "marche/arrêt" de la cafetière, d'où l'on croit voir surgir une petite étincelle... Pourquoi !? On l'ignore encore.
Après avoir échangé quelques banalités avec sa femme, Martin Sheen rouvre nonchalamment le frigo pour s'enfiler une rasade de jus d'orange au goulot. Il gêne sa femme, qui souhaite s'emparer du beurre. Résultat : la brique de lait, posée en équilibre sur le plus haut compartiment du frigo, s'écrase sur le carrelage et le liquide se répand. Rien de grave. Le couple prend cet incident à la rigolade et Martin Sheen se met même à éponger le sol avec ses vieilles chaussettes. "Laisse-moi faire et va vite te doucher, tu sens plutôt fort" lui dit alors gentiment son épouse, toute rouquine et toute fraîche, tandis qu'elle nettoie le sol, pieds nus. En bon mari, Martin Sheen s'exécute, il file sous la douche. C'est un beau dimanche de printemps. Tout le monde a l'air de bonne humeur. Une chouette journée s'annonce. On s'attendrait presque à entendre Martin Sheen chantonner sous la douche. Mais il faudrait être bien naïf... Car dès les premières secondes du film plane une tension sourde...
Retour dans la cuisine. Alors que la maman insiste pour que Kevin vienne avaler son bol de céréales en train de se ramollir, la cafetière se met à émettre un curieux grésillement. Ni une ni deux, la jolie rousse choisit d'éteindre l'appareil. zzzzZZZZzzzz ! Ses pieds reposant nus dans la flaque de lait, son corps va alors recevoir une décharge électrique mortelle. Une décharge si forte que la pauvre femme sera incapable de décoller son doigt du bouton. Figée, foudroyée, morte sur le coup et sous le regard impuissant de son fils, terrassé lui aussi à la vue de cet affreux spectacle. Alerté par les lumières vacillantes de la salle de bains, Martin Sheen sort de la douche en toute hâte. En découvrant sa femme pétrifiée dans la cuisine, prenant aussi de plein fouet l'odeur de son corps brûlé et découvrant la mine peu réjouie de son fils, l'acteur nous livre alors l'une de ses spécialités : yeux plus exorbités que jamais, regard totalement affolé, grimace assez osée mais maitrisée à 100%, il joue la panique comme personne. C'est sur l'image de ce visage halluciné que se termine donc cette terrible et foudroyante introduction.
A ce moment-là, on est dedans, et on pense tenir un sacré film. Cette ouverture fait l'effet d'une douche froide. Elle pourrait être ridicule. Elle ne l'est pas du tout. Elle est simplement d'une redoutable efficacité. On sent qu'un cinéaste au savoir-faire incontestable se tient derrière la caméra. Il s'agit de John Schlesinger, plus connu pour avoir réalisé Macadam Cowboy et Marathon Man. On se souvient de quelques moments particulièrement tendus dans Marathon Man, comme par exemple la fameuse scène de torture où les dents de Dustin Hoffman étaient sérieusement menacées par un Laurence Olivier habité, eh bien quelques passages des Envoûtés sont un peu du même acabit. Hélas, ils sont trop rares et un peu perdus dans un scénario qui peine à nous captiver vraiment. Après l'introduction glaçante, une ellipse nous amène quelques mois plus tard, à New York, où Martin Sheen et son fils ont déménagé. Notre héros, psychiatre pour la police, se retrouvera mêlé à une enquête sur une série de meurtres horribles apparemment liés à des rituels vaudou. Progressivement, Martin Sheen lèvera le voile sur une secte aux ramifications plus complexes et profondes qu'il ne le croyait...
On sent l'inspiration de John Schlesinger trop intermittente. Après un départ canon, son film peine à trouver son rythme et on finit même par s'ennuyer. L'histoire, qui mêle sorcellerie, rituels vaudou et sectes secrètes au sein de la Grosse Pomme, est pourtant très séduisante sur le papier, mais le mélange ne donne pas le résultat escompté. Le film flirte tantôt avec le thriller parano tantôt avec l'horreur sectaire mais n'excelle sur aucun tableau. Reste quelques éclairs de génie, réellement terrifiants, qui donnent au film tout son intérêt. Je pense à cette scène où la nouvelle compagne de Martin Sheen, victime du sort d'un sorcier, voit sa joue enfler, gonfler, et d'où finit par sortir une nuée d'insectes. C'est franchement dérangeant. Inutile de ne pas spécialement apprécier la compagnie des insectes pour être dégouté par cette scène. Et puis il y a cet autre moment, a priori anodin mais qui est pour moi le sommet du film. La terreur y naît d'une trouvaille de mise en scène aussi simple que démoniaque. Alors qu'ils s'apprêtent à participer à un rite impliquant un sacrifice humain, un groupe de personnes sort tout bêtement d'un ascenseur, parmi lesquelles ledit sorcier, au physique très inquiétant. Le groupe passe alors devant la caméra et il se termine par le sorcier, un peu en retrait, dont le regard toujours fixe, comme possédé, croise alors le notre lors d'un regard-caméra furtif mais sacrément vicelard. A ce moment-là, on pense être passé à côté de ce qui aurait pu être un sacré film... Un sacré film...
Martin Sheen est de retour. On est désormais sûr que c'est lui. Il y a peu d'acteurs, n'atteignant guère le mètre 70, qui disposent d'une telle classe. On reconnait bien son allure d'éternel adolescent, sa parenté chicanos, sa démarche chaloupée. Il est là et bien là, à l'aise dans ses baskets, dans son rôle, dans son survêt hideux, aucun doute là-dessus. La brique de lait l'attendait sur le pas de la porte de sa maisonnée. Il monte le perron, la saisit, rentre chez lui, embrasse sa femme, puis range la brique dans le frigo, s'essuie le front et donne une taloche à son môme. C'est l'heure du petit-déjeuner. Sa femme, simplement vêtue d'un peignoir de bain, prépare des toasts pour le gamin, âgé de 8 ou 9 ans et plus occupé à jouer aux petites voitures. Gros plan sur le bouton "marche/arrêt" de la cafetière, d'où l'on croit voir surgir une petite étincelle... Pourquoi !? On l'ignore encore.
Après avoir échangé quelques banalités avec sa femme, Martin Sheen rouvre nonchalamment le frigo pour s'enfiler une rasade de jus d'orange au goulot. Il gêne sa femme, qui souhaite s'emparer du beurre. Résultat : la brique de lait, posée en équilibre sur le plus haut compartiment du frigo, s'écrase sur le carrelage et le liquide se répand. Rien de grave. Le couple prend cet incident à la rigolade et Martin Sheen se met même à éponger le sol avec ses vieilles chaussettes. "Laisse-moi faire et va vite te doucher, tu sens plutôt fort" lui dit alors gentiment son épouse, toute rouquine et toute fraîche, tandis qu'elle nettoie le sol, pieds nus. En bon mari, Martin Sheen s'exécute, il file sous la douche. C'est un beau dimanche de printemps. Tout le monde a l'air de bonne humeur. Une chouette journée s'annonce. On s'attendrait presque à entendre Martin Sheen chantonner sous la douche. Mais il faudrait être bien naïf... Car dès les premières secondes du film plane une tension sourde...
Retour dans la cuisine. Alors que la maman insiste pour que Kevin vienne avaler son bol de céréales en train de se ramollir, la cafetière se met à émettre un curieux grésillement. Ni une ni deux, la jolie rousse choisit d'éteindre l'appareil. zzzzZZZZzzzz ! Ses pieds reposant nus dans la flaque de lait, son corps va alors recevoir une décharge électrique mortelle. Une décharge si forte que la pauvre femme sera incapable de décoller son doigt du bouton. Figée, foudroyée, morte sur le coup et sous le regard impuissant de son fils, terrassé lui aussi à la vue de cet affreux spectacle. Alerté par les lumières vacillantes de la salle de bains, Martin Sheen sort de la douche en toute hâte. En découvrant sa femme pétrifiée dans la cuisine, prenant aussi de plein fouet l'odeur de son corps brûlé et découvrant la mine peu réjouie de son fils, l'acteur nous livre alors l'une de ses spécialités : yeux plus exorbités que jamais, regard totalement affolé, grimace assez osée mais maitrisée à 100%, il joue la panique comme personne. C'est sur l'image de ce visage halluciné que se termine donc cette terrible et foudroyante introduction.
A ce moment-là, on est dedans, et on pense tenir un sacré film. Cette ouverture fait l'effet d'une douche froide. Elle pourrait être ridicule. Elle ne l'est pas du tout. Elle est simplement d'une redoutable efficacité. On sent qu'un cinéaste au savoir-faire incontestable se tient derrière la caméra. Il s'agit de John Schlesinger, plus connu pour avoir réalisé Macadam Cowboy et Marathon Man. On se souvient de quelques moments particulièrement tendus dans Marathon Man, comme par exemple la fameuse scène de torture où les dents de Dustin Hoffman étaient sérieusement menacées par un Laurence Olivier habité, eh bien quelques passages des Envoûtés sont un peu du même acabit. Hélas, ils sont trop rares et un peu perdus dans un scénario qui peine à nous captiver vraiment. Après l'introduction glaçante, une ellipse nous amène quelques mois plus tard, à New York, où Martin Sheen et son fils ont déménagé. Notre héros, psychiatre pour la police, se retrouvera mêlé à une enquête sur une série de meurtres horribles apparemment liés à des rituels vaudou. Progressivement, Martin Sheen lèvera le voile sur une secte aux ramifications plus complexes et profondes qu'il ne le croyait...
On sent l'inspiration de John Schlesinger trop intermittente. Après un départ canon, son film peine à trouver son rythme et on finit même par s'ennuyer. L'histoire, qui mêle sorcellerie, rituels vaudou et sectes secrètes au sein de la Grosse Pomme, est pourtant très séduisante sur le papier, mais le mélange ne donne pas le résultat escompté. Le film flirte tantôt avec le thriller parano tantôt avec l'horreur sectaire mais n'excelle sur aucun tableau. Reste quelques éclairs de génie, réellement terrifiants, qui donnent au film tout son intérêt. Je pense à cette scène où la nouvelle compagne de Martin Sheen, victime du sort d'un sorcier, voit sa joue enfler, gonfler, et d'où finit par sortir une nuée d'insectes. C'est franchement dérangeant. Inutile de ne pas spécialement apprécier la compagnie des insectes pour être dégouté par cette scène. Et puis il y a cet autre moment, a priori anodin mais qui est pour moi le sommet du film. La terreur y naît d'une trouvaille de mise en scène aussi simple que démoniaque. Alors qu'ils s'apprêtent à participer à un rite impliquant un sacrifice humain, un groupe de personnes sort tout bêtement d'un ascenseur, parmi lesquelles ledit sorcier, au physique très inquiétant. Le groupe passe alors devant la caméra et il se termine par le sorcier, un peu en retrait, dont le regard toujours fixe, comme possédé, croise alors le notre lors d'un regard-caméra furtif mais sacrément vicelard. A ce moment-là, on pense être passé à côté de ce qui aurait pu être un sacré film... Un sacré film...
Les Envoûtés de John Schlesinger avec Martin Sheen, Helen Shaver, Robert Loggia, Harley Cross et Janet-Laine Green (1987)