En compagnie de Nônon Cocouan, franc-tireur de la critique et rédactrice régulière du blog, nous allons nous pencher sur le cas d'un pur et dur film de maison hantée, Les Autres d'Alejandro Amenabar.
Fort du succès de Tesis, son premier long métrage, qui remporta sept Goyas, puis d'Ouvre les yeux, qui fut couronné de divers prix dans des festivals en tout genre, Alejandro Amenabar s'est tout naturellement vu kidnappé par Hollywood, où le couple Tom Cruise/Nicole Kidman, alors considéré comme au sommet du Monde et du glamour, voulait prendre les rennes de sa double carrière via l'appropriation d'un petit cinéma d'auteur, européen de surcroît, toujours appréciable quand il s'agit d'acquérir quelques lettres de noblesse. C'est ainsi que Tom Cruise racheta les droits d'Ouvre les yeux et en produisit le médiocre remake, Vanilla Sky, réalisé par Cameron Crowe. Il s'offrit bien entendu le premier rôle du film dans les bras de Pénélopé Cruz qui allait bientôt devenir sa nouvelle femme. Mais avant de découcher il plaça son épouse légitime, Nicole Kidman, dans le nouveau film d'Alejandro Amenabar, également produit par le playboy au sourire flashy : Les Autres. Malgré le parfum un peu chargé de puanteur marketing qui accompagnait la naissance du projet, force est de constater qu'Amenabar a négocié avec brio sa conversion américaine.
Amenabar nous plonge dans le quotidien d'une mère de famille autoritaire qui s'occupe seule de ses deux enfants dans un vieux manoir. Elle leur enseigne la rigueur et les valeurs chrétiennes, servie par trois domestiques lugubres et inquiétants, un grand homme trop tranquille pour être honnête, une vieille femme au regard perçant et une fille muette et apeurée, venus se présenter au domaine d'une étrange manière. Très vite, Amenabar plante subtilement un décor qui glace les sangs. Dans le manoir sinistre, éloigné de tout, nimbé d'un épais brouillard et se reflétant dans un lac sombre et placide, cohabitent les domestiques, qui affichent une complicité suspecte, la mère, une femme nerveuse, rigide et fébrile, qui transmet avec sévérité ses leçons sur les limbes et les enfers à sa progéniture en jouant sur les peurs ancestrales de la mort, et les enfants, qui évoquent la folie de leur mère tel un blasphème. Puis il y a l'idée centrale du film : les enfants sont allergiques à la lumière, il est donc strictement interdit de passer d'une pièce à l'autre sans avoir au préalable fermé la première porte à clé, et tous les rideaux doivent être systématiquement tirés pour qu'aucune lumière ne puisse pénétrer dans la maison. Les personnages errent ainsi dans un espace labyrinthique sombre, un non-lieu dont chaque pièce austère semble isolée des autres et s'avère susceptible de renfermer une mystérieuse menace. C'est dans ce huis-clos anxiogène que nous sont présentés les deux enfants au début du film dans une séquence d'une efficacité aussi simple que redoutable : la mère prévient longuement les domestiques que son fils Nicholas et sa fille Anne ne doivent jamais voir la lumière du jour sous peine d'en mourir d'en d'affreuses souffrances, elle entre alors dans une chambre pour les réveiller afin de les présenter aux nouveaux serviteurs, nous entendons leurs voix, la musique s'accélère et ils apparaissent enfin, tout à fait normaux mais néanmoins livides et d'une inquiétante étrangeté, terrifiants d'angélisme.
Ça n'a l'air de rien dit comme ça mais à l'écran ça fonctionne parfaitement grâce à une mise en scène précise et efficace. On a beaucoup parlé d'économie de moyens à propos de ce film, et il faut avouer qu'Amenabar propose un travail d’orfèvre. Il ne s'agit pas pour autant d'un simple "petit film bien fait et sans prétention", comme on le dit parfois de ces films d'horreur réussis, modestes et sans le sou qui s'appliquent à faire peur avec les moyens du bord. The Others est d'une autre trempe, c'est un grand film admirablement maîtrisé et épatant dans son application à subtilement doser tous les effets les plus infimes des films d'horreur et rien qu'eux, laissant avec bonheur de côté les gros effets de surprises des mauvais films sans inspiration. Le réalisateur fait preuve d'ingéniosité en jouant avec les clairs-obscurs et surtout avec une bande-son presque bruitiste qui fait entendre tout au long du film et de façon quasi indistincte des grincements de portes, des pas sur le plancher, des murmures sourds ou des pleurs lointains, autant d'éléments presque anodins qui nous ont tous un jour foutu une frousse irraisonnée et qui, communs dans les films d'horreur, sont ici utilisés intensivement mais très subtilement pour mieux user les nerfs du spectateur comme ceux des personnages. Car progressivement, des présences s'affirment bel et bien de plus en plus nettement dans la maison. La petite fille est le premier témoin de ces manifestations, sans que l'on sache vraiment si ces menus événements sont le fruit de son imagination (peut-être maléfique) ou de véritables esprits - puisque rien ne nous est montré. L'histoire est en effet écrite au cordeau, le scénario joue précisément des soupçons, des doutes, des suppositions du spectateur qui accompagne les personnages dans leur incertitude, en égrainant des indices qui accusent tour à tour les trois domestiques, la mère, les enfants ou évidemment ces présences énigmatiques que l'on devine et dont la provenance surnaturelle s'impose peu à peu.
Il y a bien un ou deux moments où le cinéaste joue ostensiblement, massivement, avec nos nerfs, comme par exemple lorsque Anne, la petite fille, se trouve littéralement habitée par le corps affreux d'une vielle femme, ou plus encore lorsqu'elle dit voir les fantômes de toute une famille qui parcourent la maison et réclament qu'on les y laisse en paix. Une nuit, la fillette affirme à son petit frère terrorisé qu'un petit garçon, Victor, est avec eux dans la chambre. Comme Nicholas refuse de regarder, Anne s'adresse au fantôme et lui demande pourquoi il a ouvert les rideaux de la chambre pendant qu'ils dormaient, puis elle sort du lit, tire les rideaux à nouveau quand de lourds bruits de pas en cavalcades se font entendre et les rideaux se rouvrent alors brutalement sans que l'on sache si c'est une manigance de la sœur ou si un fantôme est réellement dans la pièce, la caméra d'Amenabar restant sur l'enfant couché dans son lit les yeux fermés, et ne dévoilant qu'au second plan et dans le flou une ombre courant devant la fenêtre. Nicholas reste prostré, le dos tourné à l'événement et les yeux fermés. Sa sœur demande à l'esprit de le toucher pour lui prouver son existence. La terreur grimpe, le cadre est serré sur le visage du gamin, et quand une main (à qui appartient-elle vraiment ?) entre rapidement dans le champ et se pose sur son bras il hurle à la mort en jaillissant du lit, libérant toute la tension du spectateur en même temps que la sienne. Ces rares séquences plus ou moins explicites, loin d'être des facilités gratuites, jouent comme des points d'orgue et font pleinement sens. Car tout le film repose sur un rythme soutenu modulant des moments de stase où le quotidien sombre et mystérieux de la famille se laisse peu à peu déborder par une peur sourde (des pleurs ou des gammes de piano résonnent dans la maison, les portes se ferment toutes seules, des pas sourds font vibrer le plafond, etc.), les instants de calme mettent ainsi le spectateur en alerte et aboutissent sur des climax où la terreur intervient brutalement, portée par la nervosité de la mère - entendant des plaintes ou des bruits inexpliqués, elle se met en hurler et à traverser les pièces en courant à la recherche de ses enfants, accélérant soudainement le rythme du film et nous faisant craindre le pire (à noter une Nicole Kidman à l'apogée de sa beauté froide et fragile, ici parfaitement adéquate et bien exploitée). Mais lorsqu'elle arrive sur les lieux il n'y a rien, et c'est bien cette absence qui se fait terrifiante ; la menace est fuyante, informulée, on ne verra rien, aucune violence, aucune action véritable, juste des sous-entendus, des allusions, des ombres...
Tout le film évolue ainsi, avec nombre de scènes ou d'effets mémorables et angoissants (la découverte d'une anthologie de photos de cadavres, l'errance de la mère dans le brouillard-frontière du parc devant la maison, les tournoiements de caméra autour des meubles ou des personnages, etc.), ouvrant peu à peu de nouvelles pistes quant aux entités surnaturelles qui hantent les personnages jusqu'au final magistralement orchestré où tout s'accélère et se condense. Les éléments-clés du film d'horreur s'accumulent, des pierres tombales au trio de domestiques qui menacent la famille en prenant l'allure de zombis, puis vient la résolution qui, une fois n'est pas coutume, s'opère par un twist brillant. Si vous n'avez jamais vu le film, regardez-le avant de lire la suite. Les autres ne sont pas ceux qu'on croit : les véritables fantômes qui hantent la maison sont les trois membres de la famille ainsi que leurs domestiques, et les étranges présences qu'ils redoutaient ne sont autres que les nouveaux habitants de la demeure, quant à eux bien vivants, qui tentaient d'entrer en contact avec les fantômes. La mère et les deux enfants prennent soudain conscience de leur sort et l'héroïne voit vaciller toutes ses croyances. Le plus ingénieux dans ce renversement de situation c'est la manière dont il nous interroge sur une éventuelle existence post-mortem avec laquelle nous cohabiterions sans en avoir conscience, les deux mondes - celui des vivants et celui des morts - interférant étrangement et sporadiquement au grand dam de leurs habitants respectifs. Le twist est judicieux en cela qu'il ne remet pas véritablement en question tout ce qui a précédé, qui reste valable et terrifiant (le film fait réellement peur !), il nous donne simplement à voir tout le récit sous un autre angle qui le rend encore plus fascinant. En faisant preuve d'une telle maîtrise et en proposant une aussi pertinente réflexion sur la mort, le film dépasse largement le genre dans lequel il s'inscrit pour devenir une œuvre cinématographique de haute volée.
Fort du succès de Tesis, son premier long métrage, qui remporta sept Goyas, puis d'Ouvre les yeux, qui fut couronné de divers prix dans des festivals en tout genre, Alejandro Amenabar s'est tout naturellement vu kidnappé par Hollywood, où le couple Tom Cruise/Nicole Kidman, alors considéré comme au sommet du Monde et du glamour, voulait prendre les rennes de sa double carrière via l'appropriation d'un petit cinéma d'auteur, européen de surcroît, toujours appréciable quand il s'agit d'acquérir quelques lettres de noblesse. C'est ainsi que Tom Cruise racheta les droits d'Ouvre les yeux et en produisit le médiocre remake, Vanilla Sky, réalisé par Cameron Crowe. Il s'offrit bien entendu le premier rôle du film dans les bras de Pénélopé Cruz qui allait bientôt devenir sa nouvelle femme. Mais avant de découcher il plaça son épouse légitime, Nicole Kidman, dans le nouveau film d'Alejandro Amenabar, également produit par le playboy au sourire flashy : Les Autres. Malgré le parfum un peu chargé de puanteur marketing qui accompagnait la naissance du projet, force est de constater qu'Amenabar a négocié avec brio sa conversion américaine.
Amenabar nous plonge dans le quotidien d'une mère de famille autoritaire qui s'occupe seule de ses deux enfants dans un vieux manoir. Elle leur enseigne la rigueur et les valeurs chrétiennes, servie par trois domestiques lugubres et inquiétants, un grand homme trop tranquille pour être honnête, une vieille femme au regard perçant et une fille muette et apeurée, venus se présenter au domaine d'une étrange manière. Très vite, Amenabar plante subtilement un décor qui glace les sangs. Dans le manoir sinistre, éloigné de tout, nimbé d'un épais brouillard et se reflétant dans un lac sombre et placide, cohabitent les domestiques, qui affichent une complicité suspecte, la mère, une femme nerveuse, rigide et fébrile, qui transmet avec sévérité ses leçons sur les limbes et les enfers à sa progéniture en jouant sur les peurs ancestrales de la mort, et les enfants, qui évoquent la folie de leur mère tel un blasphème. Puis il y a l'idée centrale du film : les enfants sont allergiques à la lumière, il est donc strictement interdit de passer d'une pièce à l'autre sans avoir au préalable fermé la première porte à clé, et tous les rideaux doivent être systématiquement tirés pour qu'aucune lumière ne puisse pénétrer dans la maison. Les personnages errent ainsi dans un espace labyrinthique sombre, un non-lieu dont chaque pièce austère semble isolée des autres et s'avère susceptible de renfermer une mystérieuse menace. C'est dans ce huis-clos anxiogène que nous sont présentés les deux enfants au début du film dans une séquence d'une efficacité aussi simple que redoutable : la mère prévient longuement les domestiques que son fils Nicholas et sa fille Anne ne doivent jamais voir la lumière du jour sous peine d'en mourir d'en d'affreuses souffrances, elle entre alors dans une chambre pour les réveiller afin de les présenter aux nouveaux serviteurs, nous entendons leurs voix, la musique s'accélère et ils apparaissent enfin, tout à fait normaux mais néanmoins livides et d'une inquiétante étrangeté, terrifiants d'angélisme.
Ça n'a l'air de rien dit comme ça mais à l'écran ça fonctionne parfaitement grâce à une mise en scène précise et efficace. On a beaucoup parlé d'économie de moyens à propos de ce film, et il faut avouer qu'Amenabar propose un travail d’orfèvre. Il ne s'agit pas pour autant d'un simple "petit film bien fait et sans prétention", comme on le dit parfois de ces films d'horreur réussis, modestes et sans le sou qui s'appliquent à faire peur avec les moyens du bord. The Others est d'une autre trempe, c'est un grand film admirablement maîtrisé et épatant dans son application à subtilement doser tous les effets les plus infimes des films d'horreur et rien qu'eux, laissant avec bonheur de côté les gros effets de surprises des mauvais films sans inspiration. Le réalisateur fait preuve d'ingéniosité en jouant avec les clairs-obscurs et surtout avec une bande-son presque bruitiste qui fait entendre tout au long du film et de façon quasi indistincte des grincements de portes, des pas sur le plancher, des murmures sourds ou des pleurs lointains, autant d'éléments presque anodins qui nous ont tous un jour foutu une frousse irraisonnée et qui, communs dans les films d'horreur, sont ici utilisés intensivement mais très subtilement pour mieux user les nerfs du spectateur comme ceux des personnages. Car progressivement, des présences s'affirment bel et bien de plus en plus nettement dans la maison. La petite fille est le premier témoin de ces manifestations, sans que l'on sache vraiment si ces menus événements sont le fruit de son imagination (peut-être maléfique) ou de véritables esprits - puisque rien ne nous est montré. L'histoire est en effet écrite au cordeau, le scénario joue précisément des soupçons, des doutes, des suppositions du spectateur qui accompagne les personnages dans leur incertitude, en égrainant des indices qui accusent tour à tour les trois domestiques, la mère, les enfants ou évidemment ces présences énigmatiques que l'on devine et dont la provenance surnaturelle s'impose peu à peu.
Il y a bien un ou deux moments où le cinéaste joue ostensiblement, massivement, avec nos nerfs, comme par exemple lorsque Anne, la petite fille, se trouve littéralement habitée par le corps affreux d'une vielle femme, ou plus encore lorsqu'elle dit voir les fantômes de toute une famille qui parcourent la maison et réclament qu'on les y laisse en paix. Une nuit, la fillette affirme à son petit frère terrorisé qu'un petit garçon, Victor, est avec eux dans la chambre. Comme Nicholas refuse de regarder, Anne s'adresse au fantôme et lui demande pourquoi il a ouvert les rideaux de la chambre pendant qu'ils dormaient, puis elle sort du lit, tire les rideaux à nouveau quand de lourds bruits de pas en cavalcades se font entendre et les rideaux se rouvrent alors brutalement sans que l'on sache si c'est une manigance de la sœur ou si un fantôme est réellement dans la pièce, la caméra d'Amenabar restant sur l'enfant couché dans son lit les yeux fermés, et ne dévoilant qu'au second plan et dans le flou une ombre courant devant la fenêtre. Nicholas reste prostré, le dos tourné à l'événement et les yeux fermés. Sa sœur demande à l'esprit de le toucher pour lui prouver son existence. La terreur grimpe, le cadre est serré sur le visage du gamin, et quand une main (à qui appartient-elle vraiment ?) entre rapidement dans le champ et se pose sur son bras il hurle à la mort en jaillissant du lit, libérant toute la tension du spectateur en même temps que la sienne. Ces rares séquences plus ou moins explicites, loin d'être des facilités gratuites, jouent comme des points d'orgue et font pleinement sens. Car tout le film repose sur un rythme soutenu modulant des moments de stase où le quotidien sombre et mystérieux de la famille se laisse peu à peu déborder par une peur sourde (des pleurs ou des gammes de piano résonnent dans la maison, les portes se ferment toutes seules, des pas sourds font vibrer le plafond, etc.), les instants de calme mettent ainsi le spectateur en alerte et aboutissent sur des climax où la terreur intervient brutalement, portée par la nervosité de la mère - entendant des plaintes ou des bruits inexpliqués, elle se met en hurler et à traverser les pièces en courant à la recherche de ses enfants, accélérant soudainement le rythme du film et nous faisant craindre le pire (à noter une Nicole Kidman à l'apogée de sa beauté froide et fragile, ici parfaitement adéquate et bien exploitée). Mais lorsqu'elle arrive sur les lieux il n'y a rien, et c'est bien cette absence qui se fait terrifiante ; la menace est fuyante, informulée, on ne verra rien, aucune violence, aucune action véritable, juste des sous-entendus, des allusions, des ombres...
Tout le film évolue ainsi, avec nombre de scènes ou d'effets mémorables et angoissants (la découverte d'une anthologie de photos de cadavres, l'errance de la mère dans le brouillard-frontière du parc devant la maison, les tournoiements de caméra autour des meubles ou des personnages, etc.), ouvrant peu à peu de nouvelles pistes quant aux entités surnaturelles qui hantent les personnages jusqu'au final magistralement orchestré où tout s'accélère et se condense. Les éléments-clés du film d'horreur s'accumulent, des pierres tombales au trio de domestiques qui menacent la famille en prenant l'allure de zombis, puis vient la résolution qui, une fois n'est pas coutume, s'opère par un twist brillant. Si vous n'avez jamais vu le film, regardez-le avant de lire la suite. Les autres ne sont pas ceux qu'on croit : les véritables fantômes qui hantent la maison sont les trois membres de la famille ainsi que leurs domestiques, et les étranges présences qu'ils redoutaient ne sont autres que les nouveaux habitants de la demeure, quant à eux bien vivants, qui tentaient d'entrer en contact avec les fantômes. La mère et les deux enfants prennent soudain conscience de leur sort et l'héroïne voit vaciller toutes ses croyances. Le plus ingénieux dans ce renversement de situation c'est la manière dont il nous interroge sur une éventuelle existence post-mortem avec laquelle nous cohabiterions sans en avoir conscience, les deux mondes - celui des vivants et celui des morts - interférant étrangement et sporadiquement au grand dam de leurs habitants respectifs. Le twist est judicieux en cela qu'il ne remet pas véritablement en question tout ce qui a précédé, qui reste valable et terrifiant (le film fait réellement peur !), il nous donne simplement à voir tout le récit sous un autre angle qui le rend encore plus fascinant. En faisant preuve d'une telle maîtrise et en proposant une aussi pertinente réflexion sur la mort, le film dépasse largement le genre dans lequel il s'inscrit pour devenir une œuvre cinématographique de haute volée.
Les Autres d'Alejandro Amenabar avec Nicole Kidman et les autres (2001)