J'ai vu ce film. J'ai pas fait exprès. Ce soir-là j'avais prévu d'aller voir un autre film au cinéma d'art et essai de mon quartier. Seulement ce cinéma-là avait un programme chaque jour différent, et je me suis gouré de jour. Je suis arrivé au guichet en demandant une place tarif étudiant, sans préciser le titre du film. C'était inutile puisqu'il n'y en avait pas d'autre, ce petit cinéma de quartier ne possédant qu'une seule salle. Je me suis vautré dans mon fauteuil très confiant. J'ai attendu que ça commence. L'affreux morceau de Bossa Nova supposé nous faire patienter s'interrompit, le silence se fit, les lumières s'éteignirent, et là l'horreur, c'est
Transamerica qui commençait devant mes yeux dilatés par la surprise et plissés par la douleur. A ce moment là on pense forcément à se tirer en douce. La loupiote verte "Sortie de secours" prend tout son sens, elle qui fait d'habitude toujours chier à se refléter dans les lunettes des plus pauvres d'entre nous qui n'ont pas pu se payer le luxe des verres anti-reflets. Elles me tendaient les bras ces foutues loupiotes, j'en voyais mille à cause de mes reflets. Mais j'ai payé quatre euros alors quitte à les avoir brûlés façon Gainsbourg autant voir le film pour lequel je viens de me foutre dans le rouge à la banque. Mon portable vibre en mode silencieux dans ma poche, les ondes bouillonnent dans mon slip et je viens sans doute de perdre mes derniers espoirs de fertilité. C'est à n'en pas douter mon banquier au bout du fil. Les vibrations cessent puis reprennent. Je vois le petit voyant lumineux bleu de mon mobile Sagem clignoter à travers la toile de mon pantalon en toile de jute qui me colle au cul, trempé de sueur. Mon banquier m'a envoyé un texto. Je sors discrètement mon portable de ma poche, je l'ouvre, sa lumière s'allume et derrière moi un homme entre deux âges secoue mon siège avant de me tirer les cheveux d'un coup sec. Je fais mine de rien avant de rapidement lire le sms de mon seul "contact". C'est bel et bien mon banquier et son message dit: "Petit merdeux". Je suis donc bel et bien dans la merde. Et je suis donc resté dans la salle pour savourer mon dernier petit plaisir coupable. Ma dernière séance de ciné légale de cette année. Oh j'y suis bien retourné dans les jours suivants, mais sans passer par le guichet. En longeant les murs, vêtu de noir, encagoulé, avec des mitaines aux mains et des semelles anti-dérapantes aux pieds pour me faire la malle au premier contrôle des tickets. Bref, j'ai vu
Transamerica. En entier. Et sur grand écran.
Je ne vais pas parler du film parce que personne n'en a rien à foutre, et moi le premier. Simplement soulever une question qui me chauffe depuis quelques temps. La question de l'amour propre des actrices. Où finit l'amour propre et où commence le mépris de soi ? Dans un entretien accordé par la chaîne TCM suite à la sortie de
Rois et reine, le réalisateur du film et son actrice, Arnaud Desplechin et Emmanuelle Devos, revenaient sur leur parcours commun. Ces deux-là sont éternellement liés puisqu'il n'y a pas un film de Desplechin sans un rôle pour Devos, souvent principal, parfois secondaire, au pire une simple apparition, mais d'importance, dans
Esther Kahn. Ainsi le réalisateur et sa comédienne "fétiche" évoquaient leurs souvenirs, la qualité de leurs liens, la grande chance qu'ils avaient de s'être trouvés, et la genèse de leur union artistique. A ce propos l'actrice raconte alors qu'elle a d'abord refusé de jouer dans le premier film de Desplechin (
La vie des morts), parce que dans une scène du film son personnage devait quitter une pièce et être résumée par un autre acteur en ces termes : "Elle est moche, elle pue et c'est une pute". Ayant fait part de sa gêne à l'idée d'être ainsi décrite dans un de ses premiers films, et inquiète à l'idée d'être choisie par le réalisateur pour incarner une telle merde humaine, Emmanuelle Devos s'est vue rassurée par Desplechin qui lui expliqua que son personnage était si grossièrement décrit par un autre uniquement parce qu'à cet instant du récit ce dernier ne la connaissait pas et l'insultait ainsi pour libérer une colère tout à fait étrangère à elle. Devos a donc fait fi de sa vexation première et a accepté le rôle pour devenir la star césarisée qu'on connaît tous aujourd'hui.
Dans ce cas-là très bien. Mais tout le monde n'est pas Desplechin, et tout le monde n'est pas Devos. Je pense par exemple au film
Bimboland, d'Ariel Zeitoun, sorti en 1998 et que je n'ai découvert que la semaine dernière sur Orange Cinéma Merdique, une des chaînes du bouquet Orange Cinéma que je capte par chance grâce à une astuce toute bête qui consiste à voler l'antenne de mon voisin d'en face pour la fixer sur mon toit et la brancher à ma petite télé perso. Ce film n'a visiblement pas eu le succès escompté, sans doute à cause de sa date de sortie en pleine coupe du monde, cette année-là où même les femmes préféraient Dugarry à DiCaprio. La principale et vaine ambition du réalisateur, Ariel Zeitoun, était certainement de faire entrer le mot "bimbo" dans toutes les bouches. Il a réussi son pari pendant un ou deux ans et depuis il a disparu.
Dans
Bimboland, Judith Godrèche joue le rôle d'une scientifique à lunettes mal habillée et forcément malaimée. Elle est éprise d'un Gérard Depardieu prêtant ses traits à un éminent ethnologue. Le film est d'ailleurs une aubaine pour constater qu'en dix ans Gérard Depardieu en a pris trente, rien qu'en bouffant des plats caffis de gras matin midi et soir, en se vautrant partout avec sa moto et en survivant à quelques attaques cérébrales, lui qu'on surnomme à Paris "L'Outremangeur". A l'époque il avait encore forme humaine et pouvait interpréter un séducteur, un gendre idéal, ou même un intellectuel.
Bimboland lui permit de réunir ces trois facettes plutôt flatteuses dans un seul et même personnage, et on sent bien que l'acteur préféré des français a accepté le rôle uniquement pour ça. Pour profiter de ses dernières années dans un corps goodlooking, et éventuellement pour humer Judith Godrèche au détour d'un champ-contrechamp. On le voit littéralement rôder dans les plans, se glissant dans l'image tel Charles "l'Harmonica" Bronson dans
Il était une fois dans l'ouest avec un verre de scotch, un cigare au bec et la braguette ouverte. Un tel rôdeur a de quoi mettre en émoi la frêle Judith Godrèche, déjà complètement à côté de ses pompes il y a dix piges. Son personnage d'ethnologue en survet', bigleuse et empotée, n'avait aucune chance de séduire un Depardieu si charismatique et gouailleur. Mais la rencontre avec une "bimbo" épileptique correspondant idéalement à la définition d'une "cagole" et interprétée sans efforts par Aure Atika allait très rapidement mettre Godrèche sur la voie de la séduction et de la prostitution, l'éloignant de ses amies d'antan, elles aussi bigleuses et mal fagotées, interprétées par Armelle et Sophie Forte, ces deux-là ne pouvant quant à elles fonder aucun espoir sur un astucieux changement de look pour devenir ne serait-ce qu'à peu près tirables. Inévitablement et à jamais hideuses. C'est en tout cas ce que sous-entend Zeitoun.
Vous ne vous rappelez pas forcément d'Armelle et encore moins de Sophie Forte. Armelle c'est cette comique insupportable qui faisait des sketchs déprimants sur le plateau de Fogiel il n'y a pas bien longtemps et qui avait décroché bec et ongles le tout petit rôle de la meilleure amie d'Amélie Poulain, dans le rôle de la seule hôtesse de l'air atroce de l'Histoire du cinéma. Quant à Sophie Forte c'était une comique très petite des années 90, qui avait une coupe de cheveux malhonnête, des lunettes à quadruple foyers, un tout petit visage perdu au milieu d'une énorme tête surmontée d'une tignasse pas possible. Je crois qu'elle officiait surtout à la téloche, dans une des mille émissions de Ruquier... Mais ce qui est sûr c'est qu'elle a tout à fait disparu aujourd'hui.
La façon dont je viens de décrire ces deux femmes est un peu limite, un peu dégueulasse. C'est du pur et simple délit de sale tronche. Et j'en suis conscient. Mais je me le permets d'abord parce que je fais ce que je veux, ensuite parce qu'il me semble que les deux femmes dont il est question m'approuveraient sans sourciller, ou en rajouteraient même une couche... Et c'est là toute la question. Car ces deux femmes ont évidemment basé leurs carrières de comiques professionnelles sur une certaine laideur semble-t-il assumée et mise en valeur. C'est un peu la même chose pour les hommes. Très souvent les comiques mâles sont des petits hommes chétifs et mal agencés ou autres grands dadets mal fagotés. Comme Louis de Funès, Bourvil, Danny Boon (qui joue d'ailleurs dans
Bimboland), Pat Timsit, Danny de Vitto, Elie Semoun, Arthur, et beaucoup, beaucoup d'autres. Mais enfin de tous temps l'humain s'est montré moins exigeant vis-à-vis de la beauté des hommes que des femmes. Plusieurs raisons à cela. La longue domination machiste et patriarcale des hommes sur les femmes, la plus grande beauté intrinsèque du corps et des traits féminins, le vieillissement avantageux pour les hommes et souvent ingrat pour ces dames, et j'en passe.
Bon je vais couper court. De toute façon si quelqu'un a tenu jusque là c'est déjà un miracle. Tout ça pour dire que dans
Bimboland, les deux "comédiennes" citées plus haut, Armelle et Sophie Forte, sont qualifiées à plusieurs reprises, et par tous les acteurs chacun son tour, de gros thons lamentables, de femmes abominablement laides et de petites merdes humaines. Si ce ne sont pas, à la lettre, ces termes, c'est en tout cas ce que les leurs, pas plus gratifiants, disent en substance. Et ça n'est jamais démenti. C'est présenté comme une vérité absolue et immuable. Et les actrices interprètent avec entrain ces rôles unanimement et gaiement qualifiés de chiures féminines, de crevardes, de "freaks". Elles ont lu le script, signé un contrat sans doute peu juteux, et interprété ces rôles de femmes si oecuméniquement laides que tout le reste du casting les roule dans la boue en paroles, séquence après séquence, profitant de la comparaison pour se mettre en valeur. Et alors je me pose la question de l'amour propre. Qui sont ces femmes qui acceptent tout ça ? Cet accablement consenti et enjoué me choque. Et ça n'est pas un cas isolé. Dans bien des films, bien des femmes acceptent de jouer le rôle de la fille hideuse et détestée pour ça, sans se plaindre, sans monter sur un escabeau pour se pendre au beau milieu du plateau avec un testament épinglé à la cravate disant : "Connards !". C'est un mystère pour moi. Vous allez me dire : "quand on s'appelle Armelle ou Sophie Forte, et qu'on a besoin de fric pour manger et de rôles pour exister, on accepte ce qui traîne par terre". Bon bon, fort bien. Mais quid de Felicity Huffman ?
Et là je reviens au film en question dans cet article, Transamerica. Ce film raconte l'histoire d'un homme qui va tout faire pour devenir une femme. C'est l'histoire d'un trans. Et le rôle est interprété par Felicity Huffman, que vous connaitrez sans doute pour son interprétation en ce moment sur vos écrans d'un des quatre ou cinq rôles principaux de la série Desperate Housewives. L'actrice s'était déjà fait un nom depuis deux ans grâce à cette série de merde mondialement adulée avant d'accepter le rôle titre du tout petit film de Duncan Tucker (prononcez "Ducon Tucker" ou bien "Duncan Tocard"), qui n'est sorti que dans trois salles à travers le monde et que personne n'a vu sauf moi. Et dans ce film, Felicity Huffman joue le rôle d'un homme, qui veut devenir une femme. Ils auraient pu choisir un homme pour jouer le rôle, ça se serait même avéré assez logique. Mais ils ont choisi de prendre une femme. Sans doute pour signifier qu'un transsexuel qui se vit comme une femme est davantage une femme qu'un homme. C'est pas si bête dans le fond. Mais ça devient à priori compliqué quand il s'agit de choisir une actrice pour jouer un hermaphrodite et de lui expliquer qu'on l'a castée parce qu'elle ressemble à un mec tant elle est physiquement pas au point. Ok un acteur ou une actrice peuvent et doivent pouvoir tout jouer. Ok il faut mettre son orgueil de côté pour tout donner. Mais quand même, l'amour propre ça existe... Comment Felicity Huffman ne s'est-elle pas dit : "Je suis si mal foutue et si naturellement inesthétique qu'on me propose de jouer un mâle, une fausse femme, une meuf avec la gueule au carré et du poil aux couilles. Je suis si peu gracieuse que je vais jouer le rôle d'un être humain totalement à l'opposé de ce que je suis, je vais jouer mon contraire. Je suis si peu féminine que je vais jouer un type, un malabar".
Peut-être bien qu'elle s'est dit tout ça mais qu'elle a tiré un gros trait sur sa fierté pour obtenir un Golden Globe. C'est de toute évidence un rôle à Golden Globe. J'ai vu le film, et je peux vous assurer que Felicity Huffman n'y joue pas particulièrement bien la comédie. Son travail est même, à l'image du film, relativement nul, ou tout au plus insignifiant. Mais jouer un travelo c'est comme prendre trente kilos, se raser le crane, se vieillir avec du maquillage ou apprendre à faire de la boxe, c'est forcément le gage d'un extraordinaire talent d'acteur et ça mérite Oscars et tapis rouges, c'est bien connu. Huffman peut donc se féliciter puisqu'elle a obtenu son Golden Globe, qu'on peut traduire par "boules en or". Ce fût donc un bon moyen pour l'actrice de se faire des couilles en or en acceptant de se laisser greffer des grosses burnes entre les jambes le temps d'un tournage. Personnellement je soupçonne Felicity Huffman de n'être réellement pas une femme. Je crois que Felicity Huffman n'est autre que Philip Seymour Hoffman, qui a une double identité bien cachée lui permettant de jouer aussi bien Truman Capote (prononcez Capoti) que Lynette Cavo, une femme au foyer désespérée à force d'être monstrueusement conne. D'où ce rôle de "shemale" qui lui permet d'assumer au cinéma sa passion pour le "transgenre" et le travestissement sous toutes ses formes. Cet article c'est du gros gaspillage, ça va que j'écris pas sur du parchemin sinon j'aurais Domino's Voynet au cul !
Transamerica de Duncan Tucker avec Felicity Huffman (2006)