C'est l'histoire d'un PC qui s'encule un MAC. On m'avait dit que la première demi heure était très audacieuse, presque muette. En réalité le film s'ouvre sur une chanson Walt Disney dégueulasse et poursuit avec une pluie de bruits et de chansons habituelles du genre. Ce soir j'ai eu l'impression d'être dépucelé, et que mon violeur a pris mon globe oculaire pour mon hymen. Avant ce film, j'ai vu
Shoah de Claude Lanzmann, qui dure 9 heures, et c'est passé en un battement de cil, surtout en regard du viol sans fin qu'a pu être
Wall-e en fin de soirée. Le film est à la fois très réaliste et complètement chimérique (je ne parle pas de
Shoah). Je m'explique, le film se veut sans concession dans sa façon de dépeindre son personnage féminin (Ève, prononcez Yves avec l'accent Audois), qui commence par vouloir cramer la gueule à son prétendant puis lui tourne largement le dos avant de finalement lui tomber dans les bras quand il lui offre une plante dans une godasse (le film est-il involontairement réaliste ou volontaire chimérique ?) ; et par opposition, l'animé se veut très nébuleux quant au comportement de son personnage masculin (wall-e, prononcez comme tous les autres connards français qui parlent du film), qui n'a qu'une idée en tête : attraper la poigne de sa dulcinée. Si les personnages étaient humains (suivons jusqu'au bout le processus anthropomorphiste du film), admettons donc qu'il ne reste qu'un seul homme sur terre et qu'une femme new age débarque à l'improviste, notre Dom Juan à la manque n'aurait donc pas perdu une minute (quitte à se faire incendier le crâne par le bras bionique de sa nouvelle égérie) pour lui sauter à la gorge et lui régler son compte (il s'agirait ici encore d'un viol donc)... De quoi méditer pour les gosses du monde entier.
Peut-être que cette vision manichéenne des rapports amoureux (sous forme de guerre des sexes, l'un belliqueux, l'autre le disque dur en surchauffe, et pas ceux que l'on croit), viendrait du fait que les êtres vêtus de baskets blanches et de casquettes à visières opaques à l'effigie de Tenacious D qui écrivent des scripts aussi cons pour Pixar sont des geeks en mal d'amour, et des obsédés du fion. Comme des condamnés de droit commun dessinent des vulves à la craie sur les murs de leur cellule, eux le font sur la toile du net. Ces gens-là sont gavés jours et nuits par des gros sketches pornos ricains bangbros à la mode du site Bigtitsatwork.com. Ils ont des imaginaires d'enfants de 5 ans qui auraient eu une puberté de malades mentaux. Ils voient l'homme avec des yeux d'enfant, et la femme avec des yeux de vieillard moribond sorti tout droit d'une guerre de Corée qui aurait duré 65 ans. À ce titre, ils ne se privent pas pour glisser dans l'image des représentations de bites en veux-tu en voilà, comme cette image sans trucage, qui survient sauvagement à la 33ème minute :
(Suis-je le seul à voir dans cette image au moins deux queues ?)
Mais qui sont ces créateurs qui se régalent de dépeindre le futur cataclysmique de l'humanité, où tous les Hommes sont réduits à des gros lards vautrés dans des fauteuils, incapables de bouger, la tête enfoncée dans leurs écrans d'ordinateurs. Ils nous font un
spot manger-bouger tout en dépeignant comme repoussoir leur propre existence diabolique. Au fait, le message écolo signé Gore Al ne passe pas. Pire, il se contredit. D'abord, le film nous fait la promesse (rappelons qu'il s'adresse d'abord aux enfants avant de devenir l’œuvre phare de 2008 de tout un tas d'adultes inquiétants), qu'une fois la planète transformée en gros conteneur à ordures et autres détritus, l'Homme ira faire un tour de l'autre côté du soleil, dans un vaisseau-planète maxi-modèle, en atteignant un niveau intellectuel inespéré (vitesse de la lumière apprivoisée, chaleur du soleil domptée, apesanteur masterisée, robotique pulvérisée, absence d'atmosphère vaincue, ingénierie banalisée, informatique sodomisée, etc.) où il se la coulera douce, vautré dans un fauteuil, comme décrit précédemment, dans un monde où le confort est roi, le travail n'est plus, les conflits n'existent plus. Au prix certes d'un manque total de communication, abrogé précisément par une hyper-présence de moyens de communications, critique ici en demi-teinte d'un phénomène de société actuel et primordial qu'un enfant balaye du bout du coude en réclamant un autre soda. En sus on constatera l'absence (totale ?) de gens de couleur dans ce vaisseau peuplé uniquement d'américains dont on peut penser que leur niveau de vie leur a pas permis d'être sauvés (sélectionnés pour constituer une colonie de repopulation de la planète) au moment du cataclysme. Le plan final, équivalent visuel et sonore d'un gros dégueulis sous forme de zoom arrière, nous rappelle d'ailleurs que Wall-e vit au départ sur le sol des États-Unis, le reste du monde semblant avoir disparu sous un épais nuage vert-de-gris (il est bien connu que les ricains, eux, ceux de la Silicon Valley, ne polluent pas notre monde de merde). Le détenteur d'œil avisé placé au bout d'un canal rétinien guidé par un cerveau non-totalement liquéfié peut certes jeter des objets sur son écran, mais un enfant de CE2, encore une fois, n'a cure de ces éventuelles pistes scénaristiques à demi ébauchées par une bande de bras cassés. Dans le même genre ruez-vous plutôt sur le dernier Shyamalan qui, bien que véritablement pourrave, véhicule le même message avec un poil plus d'habileté. Pour qu'on en vienne à conseiller ça...
Au-delà du réel de ces considérations que certains jugeront inopportunes, le film est en plongée sous-marine, se noie dans les goofs, se prend les pieds dans d'innombrables traquenards et nous immerge dans un ennui de chaque instant. Cette fameuse ouverture de 30 minutes, soi disant muette ou tout au moins audacieuse, la survivance de l'esprit de Buster Keaton dans le cinéma contemporain à en croire la critique, est un clip lamentable. Montrez-là à vos gosses, et s'ils tiennent le crachoir à l'écran de votre télévision sans toucher à la télécommande pour passer sur le
clasico OM-VA du soir, préférant attendre fiévreusement la suite de ce navet pixelisé la bave aux lèvres et les mains dans le dos, alors dites-vous bien qu'ils sont prêts à endurer l'intégrale Tarkovski, et si tel est le cas, vos enfants sont des putains de prodiges ! Des freaks de première ! Remerciez le Seigneur. Où sont les débuts réellement accrocheurs des films de notre enfance ? Où sont les scènes d'ouverture telles celle de
Qui veut la peau de Roger Rabbit, mise en abîme frauduleuse et riche de sens pour les moutards que nous fûmes. C'est grâce à cela que nous sommes devenus ce que nous sommes, bon sang ! En voilà des manières de commencer à bander, d'apprendre à triquer. Comment voulez-vous qu'un gosse chope le marbre devant Ève et sa copine Wall-e ? Tout ce que ces films inculqueront aux gosses d'aujourd'hui c'est le début d'une conscience politique misérable, l'envie de voter Dominique Voynet et un goût douteux pour le spectacle le plus nerveux et abrutissant possible.
Blague à part, ce film m'a sapé le moral. Il m'a ramené à un des plus tristes épisodes de mon enfance passée derrière les wagons, à repeindre les trains. J'avais un chat à l'époque, nommé Matou. Je m'étais fait de sa personne mon plus fidèle ami. Un matin, en nettoyant les chiottes d'un TEOZ, j'ai trébuché dans mon chat qui avait pris une allure fort cubique. Il avait dû se coincer quelque part, ou se faire compresser Dieu sait où. Le mystère est intact. Comment s'est-il retrouvé compacté en cube parfait et solide, avec une boîte de conserve à jamais unie à son petit corps, et une capsule de bouteille de bière plantée entre les deux yeux à la mode hindoue ? Je n'ai jamais percé le secret de cette mort sans pareille, mais j'ai chialé tous mes morts en matant
Wall-e, lui et sa manie de merde de faire des cubes compacts d'ordures et de déchets. Matou était tout sauf un détritus.
WALL-E de Andrew Stanton (2008)