J'ai finalement vu le 100 Dollars pour un shérif d'Henry Hathaway. Et à mon goût il s'avère largement meilleur que True grit, son successeur réalisé par les frères Coen, que j'ai précédemment critiqué sur ces pages (je vous recommande la lecture de l'article en question avant de vous lancer dans celui-ci, car ils sont directement liés). Je n'ai toujours pas lu le roman de Charles Portis doublement adapté en 1970 et en 2011, donc j'ignore si les deux films se veulent de scrupuleuses adaptations à la lettre du texte d'origine, toujours est-il que celui des Coen reprend pratiquement exactement le déroulement narratif d'Hathaway, scène par scène, ainsi que ses dialogues, à la virgule près (hormis pour deux séquences concernant le personnage du Texas Ranger et pour quelques gags secondaires). On peut donc très légitimement parler de remake, n'en déplaise à nos grincheux compères. Cependant les deux films demeurent bien différents. Ils partagent quelques défauts, comme certaines longueurs (notamment une extrême lenteur pour lancer l'action proprement dite du film), et un appesantissement certain par le biais de trop longs bavardages. En revanche ces deux œuvres ne partagent pas vraiment les mêmes qualités.
En effet j'ai trouvé l'original d'Hathaway beaucoup plus beau que son remake, que cette beauté en passe par la mise en scène, dans la séquence de pendaison par exemple, ou plus simplement par ce qui se voit directement à l'écran, à savoir les grands espaces de l'Ouest américain, sublimes, que les frères Coen ne filment jamais. A ce titre l'original nous arrive comme une bouffée d'air frais si on le découvre après son morne remake. Le film d'Hathaway est plus beau mais encore beaucoup plus complet, plus intéressant, plus intelligent aussi. Les personnages sont certes moins directement savoureux (encore faut-il apprécier les gros traits dessinés à la truelle de ceux des frères Coen), mais ils sont aussi largement plus riches et plus denses. C'est vrai pour l'héroïne, Mattie Ross, interprétée par Kim Darby dans le film de 1970, qui bien qu'intrépide et farouche n'en est pas moins juvénile, fragile et innocente. Elle s'avère beaucoup plus convaincante et touchante que l'insupportable Haille Steinfeld avec sa tête à claque de première de la classe qui traverse le film des Coen en récitant des dialogues qu'elle articule au maximum pour mieux les déshumaniser, le tout en forçant un accent qui devient vite épuisant. C'est vrai aussi des seconds rôles, comme l'homme qui se fait trancher les doigts puis abattre dans la cabane, interprété dans le film d'Hathaway par un très jeune Dennis Hopper qui donne du corps à cet éphémère personnage - à noter que le rôle de Ned Pepper repris par Barry Pepper était au départ incarné par un fringuant Robert Duvall, autre acteur en herbe et future figure emblématique du cinéma des années 70. Pour en revenir à cette scène dans la cabane, je dois avouer que j'avais pris cette brève débauche de violence pour une signature des Coen, il n'en est rien, même si au lieu de prendre une balle dans le dos le second truand se fait exploser la joue dans la version de 2011.
Mais je cesse toute digression et je raccroche ici les wagons de ma modeste démonstration : la suprématie des caractères d'Hathaway est surtout vraie pour le personnage de Cogburn, beaucoup moins cabotin sous les traits de l'infatigable John Wayne, plus ambigu aussi, comme dans cette scène où il compare les malfrats à de simples rats qu'il faudrait exterminer. Une scène franchement drôle d'ailleurs, qui ne figure pas dans le remake des Coen, comme la plupart des gags et des bonnes répliques du film original, le plus souvent pris en charge par John Wayne. Les Coen ont cru bon d'effacer l'humour déjà présent pour le remplacer par le leur, et malheureusement l'issue du match est sans appel, le film d'Hathaway gagne à plate couture. Il n'est certes qu'un sobre western un peu trop long et d'un classicisme assez plan-plan, mais il n'en est pas moins un très bon film dont le remake fait pâle figure, qui n'a pas su en gommer les défauts et lui en a insufflé de nouveaux, bien plus dommageables.
Mais je cesse toute digression et je raccroche ici les wagons de ma modeste démonstration : la suprématie des caractères d'Hathaway est surtout vraie pour le personnage de Cogburn, beaucoup moins cabotin sous les traits de l'infatigable John Wayne, plus ambigu aussi, comme dans cette scène où il compare les malfrats à de simples rats qu'il faudrait exterminer. Une scène franchement drôle d'ailleurs, qui ne figure pas dans le remake des Coen, comme la plupart des gags et des bonnes répliques du film original, le plus souvent pris en charge par John Wayne. Les Coen ont cru bon d'effacer l'humour déjà présent pour le remplacer par le leur, et malheureusement l'issue du match est sans appel, le film d'Hathaway gagne à plate couture. Il n'est certes qu'un sobre western un peu trop long et d'un classicisme assez plan-plan, mais il n'en est pas moins un très bon film dont le remake fait pâle figure, qui n'a pas su en gommer les défauts et lui en a insufflé de nouveaux, bien plus dommageables.
100 Dollars pour un shérif d'Henry Hathaway avec John Wayne, Kim Darby, Dennis Hopper et Robert Duvall (1970)