11 février 2010

Public Enemies

Vous aurez certainement lu dans les journaux que le nombre de gardes à vue a explosé ces dernières années sous les auspices de la politique du chiffre lancée par notre ami Nikos Sarkozy. Qui dit garde à vue dit possible incarcération, et dit surtout incarcération d'office quand le prévenu est un peu "sauvageon". Le commissariat de mon quartier m'a directement catalogué dans cette dernière catégorie.

Laissez-moi vous conter cette histoire, qui a coûté 5 mois de lourd silence à ce blog. J'étais tout simplement emprisonné. En d'autres termes j'étais prisonnier. Je garde sur ma nuque le souvenir éternel de ces 5 mois d'enfer, sous la forme d'un code-barre humiliant. Mais commençons par le début. J'étais tranquillement chez moi, les quatre fers en l'air sur mon canapé Fly. Nez à nez avec mon bol de soupe de poule aux vermicelles = un bouillon cube bio trempé dans un verre 55cl d'eau tiède, où se battent en duel trois vermicelles à savourer lentement. Face à moi, le dvd-rip de Public Enemies. J'étais pris dans le récit sans concession de ce film de gangstas, sur-boosté par mon complexe home-cinema 5.1 décapant, qui a coûté la vie à ma collection de perruches étouffées par les décibels, et qui m'a mis dans la situation financière qui pousse un homme gourmand à se contenter de pain dur chaque soir et de pain paumé les jours de fête. Venons-en au fait, après avoir bouffé mes propres ongles en guise de dessert, j'attaquais le dernier tiers du film, celui dit "de la grosse fusillade". Il faut savoir qu'une des recettes miracles de Michael Mann pour garantir le réalisme jusqu'au-boutiste de ses films, c'est d'utiliser les vraies armes de l'époque, quitte à abîmer certains acteurs.



Et autant vous dire que les pétards enrayés des années 30, passés au filtre de mes enceintes subwoofers, ça vous pousserait à la dépression plus d'une maîtresse d'école tatillonne sur le silence en classe. Les mousquets du XIIIème siècle utilisés par Micky Mann dans son film, une fois digérés et recrachés par un outillage de professionnel réglé par le dernier des amateurs, ça sonne comme un appel du pied de la grande faucheuse aux oreilles rodées du forestier qui a abattu 300 séquoias par jour dans sa vie de chien. C'était certainement pas du goût de ma vieille voisine, aux portes de la mort. Mais ce qui a conduit la police à ma porte, c'est moins les innombrables appels téléphoniques plaintifs de mes colocataires que mon propre coup de fil passé au commissariat du quartier. J'ai moi-même été tellement surpris et terrorisé par le tremblement de terre causé par mes caissons de basse que j'ai aussitôt contacté la gendarmerie pour signaler des coups de feu et un meurtre probable dans le voisinage. Ils ont rappliqué aussi sec, et ils n'ont pu que constater mon délit. A ce niveau-là, c'est plus du tapage nocturne, c'est carrément enculer la nuit. Ils m'ont emmené les menottes aux poignets. J'ai fait une matinée de garde à vue, qui a duré la bagatelle de 48 heures. Et comme j'étais devenu sourd la nuit du crime, j'étais aussi à peu près muet, ce qui fut pris pour un refus d'obtempérer, ainsi que pour un mépris à agents. Mon arrestation s'est donc étendue à 5 mois de prison ferme. J'en sors tout juste. Je n'ai pas recouvré 100% de mon ouïe et j'ai quand même un gros bracelet noir autour du pied qui m'interdit de retirer mon vieux jean délavé.

Une veine qu'ils n'aient pas pensé à mettre mon clic-clac en position assise. Y'avait là-dessous de quoi me coffrer à perpétuité. Dans la caisse de mon BZ y'a l'équivalent de toute une saison de NCIS portés disparus.


Public Enemies de Michael Mann avec Johnny Depp, Christian Bale et Marion Cotillard (2009)