31 août 2009

Le Temps qu'il reste

En 1948, l'armée d'Israël envahie Nazareth par la force et s'en empare. La ville devient Israélienne et demeure néanmoins peuplée de ces Palestiniens qui ne sont pas partis à l'arrivée de l'ennemi. Le futur père d'Elia Suleiman bricole des armes dans son garage, il veut lutter. Il sera battu et humilié comme beaucoup de ses compatriotes. En 1970, lui et sa femme ont un petit garçon, Elia. Ils vivent toujours à Nazareth, sous l'occupation Israélienne. La lutte continue, en sourdine. La propagande règne et la domination est largement assise. Le couvercle semble impossible à soulever. En 1980, Elia est un jeune homme qui voit son père mourir lentement, fatigué de vivre dans un pays occupé et tragiquement dénaturé. Aujourd'hui, Elia Souleiman retourne chez lui après un exil forcé à 18 ans vers les États-Unis. Il découvre un pays asphyxié et presque totalement résigné. A part quelques jets de pierre, rendus impossible par une domination militaire et psychologique absolues, les dernières infractions de la jeunesse Palestinienne américanisée tiennent dans le fait d'écouter de la musique trop fort, house-music qui se confond avec les injonctions des jeunes soldats Israéliens venus imposer le couvre-feu dans un amalgame absurde qui traduit l'incompréhension de ces "fils de".



Le film tient tout entier dans sa première séquence, sublime, plus forte que toutes les suivantes réunies (ce qui lui est peut-être tout de même préjudiciable) : la nuit, un taxi emmène un passager dont on ne devine que la silhouette immobile, tapie dans l'ombre à l'arrière du véhicule. Un énorme orage éclate, aussi assourdissant qu'aveuglant. Ne pouvant plus suivre la route, le chauffeur finit par arrêter son taxi sur le bas-coté puis dit dans un soupir, exténué par la puissance désemparante de l'orage : "Je ne reconnais plus la route. Où suis-je ?" Après cette introduction vient l'excellente première partie du film, l'invasion de Nazareth et les prémices vite étouffés d'une lutte impossible. C'est presque étonnant qu'on ait laissé Suleiman filmer ça. La torture, l'oppression, le meurtre arbitraire d'une civile par un cortège de soldats Israéliens (qui rappelle certaines scènes du Pianiste de Polanski). Bien sûr Suleiman ne filme qu'une mince partie de ce qui a pu se passer et de ce qui se passe lors de toute invasion, mais c'est déjà beaucoup pour un conflit aussi polémique et douloureux, et qui n'est pas fini.



Ensuite le film ralentit son rythme et devient plus absurde, parallèlement à l'absurdité grimpante de la situation qui gagne le pays. Suleiman filme la monotonie, le quotidien d'une vie entérinée où les plus petits gestes de lutte deviennent banals et insignifiants. Le caractère décousu du récit vient signifier l'incompréhensible de cette histoire. Si la première partie est assez brillamment ficelée, et si la seconde, transitionnelle, se veut significative du bégaiement de la vie empêchée, la troisième est une suite de sketchs saugrenus qui témoignent de la folie d'une ville transformée par la guerre et la colonisation, où les enfants devenus adultes ont perdu la force vitale de la lutte dans l'incompréhension d'une situation ubuesque. L'intelligence de Suleiman est de traiter toutes ces scènes sur le même ton, avec un certain minimalisme (la première partie y compris, qui n'est pas à proprement parler une grande scène de guerre) et un détachement assez opportun. Cette quête de simplicité à laquelle se mêle un humour pince sans rire, un peu burlesque (apparemment caractéristique du cinéaste) permet d'éviter les gros écueils des films de guerre historiques ou des films réalistico-politico-documentaire sur la dure épreuve de... Il y a une réelle originalité chez Elia Suleiman à ce niveau-là, qui parvient à être à la fois touchant et très politisé, drôle et très grave, anecdotique et "pédagogique".



Dans la dernière partie du film, le cinéaste, qui joue donc son propre rôle, fait penser à Buster Keaton (dont il prend un peu la démarche et l'air dégingandé) et à Chaplin, les plus illustres des grands clowns tristes. Le danger pointe en revanche quand il se rapproche dangereusement de Kusturica ou du Caïman de Nanni Moretti : ce cinéma politique où le goût du gag métaphorique n'est pas toujours, voire pas souvent, justifié par un talent inouï comme celui des deux génies pré-cités. Suleiman pèche parfois de ce côté-là, comme dans cette courte séquence (on pense à un sketch aux accents publicitaires intercalé dans le film) où le cinéaste saute à la perche par-dessus le mur qui sépare Israël de la Palestine ou de la Cisjordanie ; mais aussi dans cette autre séquence où le canon d'un tank israélien suit à la trace les moindres faits et gestes d'un Arabe sorti dans la rue pour passer un coup de fil anodin. Ces séquences d'un symbolisme littéral et un peu massif rompent l'abandon au récit, mais paradoxalement elles accouchent d'images frappantes et efficaces qui restent et qui nous hantent. Dans l'ensemble, Suleiman s'en sort donc plutôt très bien avec un sujet ô combien délicat. Néanmoins le cinéaste est meilleur dans la première partie de son film, plus tenue, plus cohérente et plus maîtrisée que la seconde (si on accepte que la partie centrale sert de transition entre la rage de la lutte et l'absurdité de la résignation). La seconde partie, où Suleiman fait son entrée en personne et emmène avec lui ce sens du burlesque, est nécessairement plus risquée, plus inégale et parfois plus maladroite. Mais Suleiman se sauve en se servant de cette réelle prise de risque cinématographique pour exprimer l'état improbable et insupportable de sa terre natale.



La séquence d'introduction, reprise à la fin du film, se situe aujourd'hui, et le passager à l'arrière du taxi est Suleiman lui-même, cet "absent-présent" présenté comme tel dans le sous-titre du film, qui revient dans son pays pour aller au chevet de sa mère mourante. C'est bien cette idée "d'absence-présense" que le cinéaste parvient le mieux à mettre en scène. Et cette impression passe aussi à travers son propre personnage, toujours en position d'observateur, ou par les attitudes des membres de sa famille obligés d'habiter leur propre pays comme autant des locataires indésirables, de purs fantômes. La seconde partie du film bénéficie en somme d'un potentiel beaucoup plus grand que la première qui est d'autant mieux réussie qu'elle est quelque part plus facile à maîtriser. C'est néanmoins bel et bien la seconde partie du film, avec sa part de risques et ses défauts, qui reste en mémoire.


Le Temps qu'il reste d'Elia Suleiman avec Saleh Bakri, Yasmine Haj et Elia Suleiman (2009)

25 août 2009

Inglourious Basterds

Le film s'annonçait plus ou moins comme un hommage à Sergio Leone... Quentin Tarantino croit emprunter à Leone l'art de faire monter la tension avant un duel ou avant une quelconque décharge brève et brutale de violence en les faisant précéder d'une longue attente calme en surface et tendue en profondeur. La tension est peut-être là dans d'interminables scènes, comme celle du dialogue dans le bar, mais elle est futile et éphémère, vaine en un mot, Tarantino n'en fait rien. Ce qui l'intéresse c'est l'aboutissement, les gerbes de sang, le gore gratuit et, partant, tout ce qui précède est un prétexte pour arriver à cette épiphanie sanglante, telle une laborieuse masturbation pour atteindre in fine le graal de l'éjaculation. Chez Leone le coup de feu a terriblement moins d'importance que l'attente qui le précède, la violence n'est qu'un prétexte pour les minutes qui nous y conduisent. Dans ces instants cruciaux qui précèdent les coups de feu, aux silences de Leone s'oppose un verbiage permanent et insipide, une hémorragie de mots sans but ni saveur, et à la mise en scène virtuose de Leone, à ses cadrages savants sur des regards échangés avec une fascinante science du montage comme autant de coups de feu, s'oppose une morne série de mauvais plans - insignifiants au mieux, laids sinon - en champ-contrechamp. Si l'omniprésent dialogue a pour but de prendre le contrepied du silence de Leone, autant dire que le contrepied est total puisque Tarantino perd tout de l'éloquence du cinéaste italien et de sa puissance d'expression en réduisant au minimum l'importance des corps (tout juste reste-t-il des regards, celui de Fassbender par exemple, mais la caméra n'en fait rien) et en substituant au pur langage cinématographique des conversations scénaristiques épuisantes qui nous rappellent à chaque seconde qu'il est loin le temps de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction. Tarantino ne pouvait rien avoir en commun avec Sergio Leone, il est volontairement pornographique ("jouissif" est le mot qui revient inlassablement pour parler de lui depuis le départ, et plus que jamais avec ce nouveau film), là où Leone était peut-être le plus grand des cinéastes érotiques. Rien de vraiment léonien à l'horizon donc, à part peut-être la fameuse vengeance finale, annoncée en titre de chapitre comme "la vengeance en gros plan", où il n'y a qu'un gros plan, celui de Mélanie Laurent projeté sur l'écran de cinéma, qui est peut-être (et l'actrice, ignoble à chaque apparition, participe au massacre) le gros plan le plus laid de l'Histoire du cinéma.



L'ouverture du film en dit long sur Quentin Tarantino, qui est devenu une sorte de DJ. Il fait tourner les citations au point de tourner lui-même en rond et pioche sans cesse dans tout ce qu'il aime, y compris dans ses propres films, et les auto-références sont légion, qu'il s'agisse du zoom avant sur le regard d'un basterd avec une musique répétitive et galopante annonçant un flashback où il revoit les tortures infligées par son vis-à-vis, à la manière de la mariée dans Kill Bill, ou du petit soldat allemand, dernier survivant de la fusillade dans le bar, qui accepte de dialoguer avec Brad Pitt et de déposer son arme comme le faisait la compagne de Tim Roth avec Samuel L. Jackson à la fin de Pulp Fiction. On savait que Tarantino s'adorait comme un fou mais quand il en vient à refaire systématiquement la même chose en moins bien, ça commence à faire de la peine. Tel un vieux DJ fatigué, il fait des mixages, des pots pourris, mais alors bien pourris. Certes il a toujours plus ou moins fait ça et même ses meilleurs films valent peut-être moins en DVD qu'en bande originale MP3. C'est avant tout un type qui fait des collages, des assemblages, qui réunit ce qu'il aime le plus, du très bon au très mauvais, et si possible un maximum de trucs nazes et oubliés pour susciter l'engouement de ceux qui ont les mêmes références que lui et pour charmer les autres avec un univers cinématographique de collectionneur publicitaire geek ultra cool. On dit souvent qu'un cinéaste est tout entier contenu dans son premier film. Alors disons que Tarantino était tout entier contenu dans l'ouverture de son second film. La première chose dite dans Pulp Fiction, c'était précisément la définition du titre : une mauvaise histoire imprimée sur du papier de mauvaise qualité, littéralement "littérature de gare". Ça passait plutôt bien au début, c'était même pas mal dans le genre, parce que Tarantino parvenait à inventer une forme singulière avec son héritage bigarré, mêlé d'autant de chefs-d’œuvre du cinéma que de purs navets bis admirés précisément pour leur médiocrité et leur mauvais goût, mais très vite ça s'essouffle ces choses-là, et depuis disons Kill Bill (qui n'était que son 4ème film, rappelons-le) le cinéaste est en bout de course. En fait Tarantino ressemble au personnage de Samuel Jackson dans Pulp Fiction, il a appris quelque chose par cœur, non pas un verset de la bible mais une quantité incomputable de films ingurgités en bon cinéphage, et il ressasse sans arrêt, sans forcément tout piger ni sans que ça n'ait d'intérêt particulier, mais parce que c'est la classe. Le film cite à tout rompre, il porte le titre d'un autre gros navet des 70s et il se rapproche vaguement des 12 Salopards de Robert Aldrich, entre (beaucoup d') autres choses, de Jacques Tourneur aux pires westerns spaghettis. Certains fans parlent aussi d'une influence "wooienne" dans le ralenti sur Mélanie Laurent quand elle se maquille, et on pourrait même penser à Matrix dans la pathétique séquence où les bâtards vont délivrer un nazi reconverti en tueur de nazis... Bref, on va pas faire la liste, d'abord parce qu'elle serait forcément incomplète, car nous ne possédons certainement pas l'immense culture de Tarantino, surtout en termes de navets de série B, ensuite parce que c'est sans intérêt. C'est de la citation qui tourne à vide. C'est comme quand Tarantino cite Leone (qui quant à lui était maître dans l'art de transformer le western classique) : ça n'a aucun sens. Tarantino a vu les films, il les a bien aimés, alors il les cite sans savoir pourquoi et sans en tirer quoi que ce soit. Je ne nie pas un certain potentiel au départ, mais il faut bien se rendre à l'évidence, plus aucun espoir n'est permis. Tarantino, depuis le départ ça puait l'esbroufe, mais maintenant c'est une horreur.



Et en prime, quand on essaie de faire l'honneur au réalisateur de ne pas juste regarder la forme de son film, ce qu'il appelle pourtant à faire en bon maniériste, et ce que tant de fans font en croyant lui rendre service, on a comme une envie de chialer. A la fin d'Inglourious Basterds Quentin fait une métaphore désastreuse pour résumer ce que fait son film : détruire l'Histoire par le cinéma (l'établissement de Mélanie Laurent, un cinéma de Paris, explose et le nazisme avec puisque Hitler himself et ses sbires sont enfermés à l'intérieur). Il y a de quoi rester pantois. De là à dire que Tarantino détruit le cinéma par le cinéma il n'y a qu'un pas. D'ailleurs la mise en scène dans ce film qu'est-ce que c'est, concrètement, sinon un doublon de J.P. Jeunet quand QT tente vainement d'installer ses lamentables personnages (interprétés par des acteurs pour la plupart d'une nullité sans point de comparaison, Mélanie Laurent en tête donc) avec foule de flashbacks d'une seconde résumant les personnages à trois caractéristiques ridicules et qui touchent au simple "toc". On croise d'ailleurs un autre moyen bien pratique et déjà utilisé mille fois, y compris par Tarantino lui-même, pour introduire les protagonistes : l'arrêt sur image avec colorisation du plan à la palette graphique et inscription sur la gueule du type de son blaze façon comic-book... A part ça ? Sur quoi s'extasier ? Une caméra tournant longuement autour de la table et inscrivant ses personnages dans un lieu clos ? Bravo. Certains fanatiques ont relevé avec passion des contre-plongées sur Brad Pitt et des plans s'attardant sur des pieds féminins... Toutes choses prodigieusement inédites et bouleversantes. Niveau mise en scène on a pratiquement fait le tour et autant dire que c'est indigent. Côté scénario, certaines critiques élogieuses (on ne s'attardera pas sur celles qui pointent des "dialogues délicieux", ce sont les mêmes, qui ont la mémoire bien courte et une exigence inexistante, qui s'extasiaient sur les répliques misérables de Death Proof) ont parlé du mérite qu'avait Tarantino de refaire l'Histoire grâce au cinéma. Quand il s'agit de refaire l'Histoire du nazisme, on évite normalement de suivre ses pulsions les plus connes et de faire absolument n'importe quoi pour déballer un "pur délire jouissif" abruti en public. Réécrire l'histoire n'est pas un problème, on est tous d'accord là-dessus. C'est juste une question de comment et de pourquoi. Puisqu'on parle partout de l'amour de Tarantino pour le cinéma et de son penchant pour la citation, il est évident qu'il cite entre autres To be or not to be de Lubitsch. Or Lubitsch détruisait le nazisme dans son film en faisant jouer la fameuse scène du Marchand de Venise : "Si vous nous tuez, ne mourrons-nous pas ?", à deux juifs, devant Hitler. C'était autrement plus beau, plus fort, plus intelligent, plus percutant, plus précis, plus raffiné, plus puissant, plus tout ce que vous voudrez que ce que fait Tarantino quand il réécrit à son tour l'Histoire pour tuer Hitler en le faisant recevoir 125 balles dans le visage et en le faisant brûler dans un cinéma avec une juive sur l'écran qui, dans un affreux gros plan, hurle : "C'est la vengeance juive !" en oubliant de préciser "C'est la vengeance juive un peu nazie sur les bords". Quand Tarantino filme tous ces nazis morts de rire devant un film de propagande dans lequel un soldat Allemand abat 300 soldats américains à la chaîne en grand héros du IIIème Reich, comme en réponse à L'Enfer des hommes avec Audie Murphy, ça rappelle Tarantino lui-même quand il s'esclaffe en bavant devant des navetons absolus ou devant ses propres films et notamment, bien sûr, devant les scènes les plus violentes. Se complaire dans le gore et la violence gratuite, ricaner avec entrain à la cruauté manipulatrice et machiavélique du méchant nazi (on pourra m'objecter que l'Allemand "chasseur de juif" du film est particulièrement classieux et plaisant, et on aura raison...), s'extasier devant la pornographie du meurtre, se réjouir de s'abaisser, même à travers la fiction et en bon démiurge, à l'inhumanité des bourreaux dont on se venge, tout cela est tellement crétin et surtout tellement laid...



Filmer une jeune juive qui incendie (gaze) sa propre salle de cinéma et à l'intérieur tout le gratin du grand parti Nazi avec Hitler en tête, en criant sur l'écran : "C'est la vengeance JUIVE !", avec un ricanement diabolique, tandis que ce même écran tombe en cendres, c'est assez abject. Filmer avec jouissance le massacre sans procès des nazis en tirant un trait sur Nuremberg pour se faire un petit plaisir perso, c'est profondément idiot. Ce que filme Tarantino (via ses "bâtards") et ce qu'il fait lui-même (dans la scène finale), revient à réclamer le droit de jouir à l'idée de massacrer atrocement et sans autre forme de procès des êtres marqués et assassinés pour ce qu'ils sont, pour ce qu'ils représentent, en se réduisant pour cela à leur animalité reprochée. Se laisser aller à des délires réducteurs, systématiques, arbitraires, meurtriers et jouissifs, c'est un peu écrire Mein Kampf à l'envers, en tout cas c'est pas loin d'être la même démarche. Je ne dis pas que Tarantino est un nazi et que son film est un manifeste politique, économique et xénophobe. Car contrairement à celui qu'on appelle joliment "QT", il me reste une once de discernement. Je dis que j'ai rarement vu un film plus moche et plus abruti que celui-ci. Jouir - car quand on voit Eli Roth (ami de Tarantino au visage respirant l'intelligence, et auteur des deux Hostel...) frapper sur un crane avec un sourire jusqu'aux oreilles attendant que ledit crane explose tout à fait, quand on le voit les yeux révulsés et la bave aux lèvres vidant trois chargeurs de mitraillette dans un visage, quand on voit la jeune juive rire à gorge déployée de son meutre "de masse", quand on voit Brad Pitt enfoncer son doigt dans le "trou de balle" de Kruger pendant qu'Eli Roth, au second plan, lui fourre le canon de son fusil dans le cul, il convient de parler de la jouissance d'un porno pourri plutôt que d'une anodine jubilation humoristique ou spirituelle - jouir donc de faire bêtement aux nazis ce qu'ils ont fait aux juifs, jouir de s'abaisser à leur cruauté et à leur ignominie, jouir médiocrement sur ce qui touche de près ou de loin au nazisme et à la shoah, c'est en général l'apanage des tristes sires...



Passée l'hypothèse interprétative de cette première et si mince idée qu'on peut déceler dans la scène finale et que Tarantino filme sans la moindre subtilité à grand renfort d'un symbolisme lourdaud qui confine à connerie, cette idée que le cinéma seul (les films utilisés comme une arme incendiaire) peut lutter contre le nazisme, on peut aussi penser que Tarantino a voulu faire brûler les nazis par les flammes des pellicules nitrate sur lesquelles sont imprimés des films de propagande comme celui qu'ils regardaient avant l'incendie : ainsi les nazis seraient vaincus par leurs propres armes. Et c'est là que le bât blesse, car cette interprétation-là ne se limite pas à cette séquence. Elle est aussi là quand un juif explose dans de grandes gerbes de sang le crane d'un nazi avec jouissance, à coups de batte de base-ball. Tarantino présuppose que les nazis ont joui en commettant leurs crimes (le personnage de Christoph Waltz est un jouisseur, ses babines écument quand il parle, quand il mange, etc., produisant souvent des bruits de succion bien gras) et il veut jouir à son tour en leur rendant la pareille. La jouissance est là en somme tout au long du film. Y compris au-delà de l'écran dans la séquence finale, quand Eli Roth tire pendant cinq minutes à bout portant sur le visage d'Hitler, Eli Roth qui, rappelons-le, déclarait après la sortie du film et dans un de ses éclats d'intelligence et de finesse avoir joui en massacrant ces nazis avec bestialité, nous rappelant par-delà la brillance de son propos la part cathartique qu'il y a dans l'art et qui, n'en déplaise à certains, lui suppose un impact et donc peut-être une forme sinon de responsabilité en tout cas de part morale. Jusque dans la mise en scène de Tarantino, on ne peut nier cette jouissance qu'il a à rendre la monnaie de leur pièce aux nazis par leurs propres armes : extrême violence, arbitraire, assassinat, humiliation, exultation du massacre, flammes et fumée. La vengeance en soi est ce qu'elle est, pas glorieuse, mais dans les films dont Tarantino revendique ou non l'influence comme Il était une fois dans l'ouest (la vengeance de l'Harmonica) ou La mariée était en noir de Truffaut (dont on croit entendre quelque vague écho dans Kill Bill bien que Tarantino affirme qu'il n'a pas vu le film et Dieu sait que c'est con pour lui...), elle est un plat qui se mange froid et que l'on exécute proprement, avec la noblesse qu'il manquait aux bourreaux dont on se venge, et en leur accordant le dernier soupçon de dignité qu'ils avaient retiré à leur victime. La mise en scène elle-même de ces revanches était empreinte de cette noblesse et de cette sobriété qui les caractérisait et par lesquelles les vengeurs s’élevaient au-dessus de la condition de leurs bourreaux. Dans un contexte nécessairement moins fictif puisque éminemment Historique, quoi qu'on en dise (l'étendard dressé en ouverture, "Il était une fois...", ne suffisant pas à faire de ce contexte marqué, et très pesant de surcroît, une pure fable dégagée de toute réalité connotée), faire présider la jouissance meurtrière et cruelle dans un nivellement par le bas qui consiste à rejoindre le niveau animal de son bourreau est décidément pathétique. C'est une idée si basse que celle de vouloir faire périr l'autre par son propre mal... On tuerait la propagande par la propagande ? On tue les nazis en les enfermant à la place des juifs dans les chambres à gaz (ce que fait littéralement la séquence finale). Avouez que c'est confondant. Et Tarantino filme ce fantasme de la vengeance soi-disant juive, cette jouissance de la loi du Talion, avec une bêtise sans bornes. Il filme cette jouissance avec jouissance. C'est profondément minable. Mais le plus détestable c'est de prendre en otage le spectateur pour le forcer à partager cette jouissance du pauvre d'esprit.



Tarantino a fait un film minable - cet homme, qui présentait des capacités au départ, un certain sens du cinéma, est manifestement et de plus en plus mégalomane et débile - dans lequel il tend à se rendre aussi détestable que ceux contre qui il pousse son cri trépané de jouisseur pornographique primaire. Évidemment c'est difficile de parler d'autre chose que du rejet qu'inspire le film. Pour ne pas faire long disons qu'avant d'être méprisable il est surtout très nul, car ce n'est pas la mise en scène de QT qui saurait le sauver de ses abîmes de débilité. Et pour lâcher un peu de trivia, sachez que Brad Pitt s'appelait en réalité Pat Bridd, Patrick Bridd. Il a inter-changé les voyelles de son nom et sa carrière était lancée dans Thelma et Louise, souvent rediffusé par les Thelma d'Arte. A la fin du film, Brad Pitt regarde la caméra et dit avec ironie : "Je crois bien que c'est mon chef-d'œuvre", en gravant une croix gammée sur le front du méchant nazi. Espérons que Tarantino, dans sa grande mégalo, croie vraiment avoir réalisé le sien, aussi simpliste et hideux en effet qu'une croix gammée, et qu'il pense ainsi être allé au bout de lui-même, puis qu'il décide en conséquence d'arrêter sa carrière au sommet de sa forme...


Inglourious Basterds de Quentin Tarantino avec Brad Pitt, Christoph Waltz, Diane Kruger, Eli Roth, Michael Fassbender et Mélanie Laurent (2009)

24 août 2009

James Bond, une titrologie d'outre-tombe



James Bond, avant d'être une série de films tous plus cons les uns que les autres, c'est une titrologie foisonnante et fascinante. On passera sur les titres volontairement laids, comme Goldfinger, Octopussy, Moonraker ou Goldeneye. Ces titres-là sont nuls mais on sent bien que Ian Fleming s'en acquitte, qu'il assume leur manque sidérant d'inspiration, pas très concerné qu'il était par leur affreuse participation à l'élaboration d'un mythe mort avant que d'être. Ne sachant pas trop comment nommer les énièmes aventures d'un personnage de merde, il a trouvé des mots un peu au hasard qui puissent servir de titres sans éveiller les soupçons quant à leur manque absolu de sens. On voit bien que par deux fois l'idée tourne autour d'un membre que notre héros a d'or, tantôt un doigt, tantôt un œil. Mais James Bond n'a semble-t-il rien d'autre de valeur, alors il s'agit de dénicher d'autre titres à placarder sur autant de suites et de remakes tous plus indigents que les précédents. Je crois que Moonraker est une allusion peu finaude au sexe de Bond, qui ne voit le jour que la nuit, et qu'Octopussy fait référence à une de ses ennemies qui possède pas moins de huit vagins.


Epatés ? Et encore dites-vous qu'il n'y a que quintopussies là-dessus.


Non, là où ça devient intriguant c'est en 1967, quand sort sur grand écran le 5ème film de la série, j'ai nommé On ne vit que deux fois. Hein ? Ça veut dire quoi ? On ne vit que deux fois... Perso j'ai prévu de vivre qu'une fois et si Ian Flemming était au jus d'une combine je l'aurais su gré de nous informer qu'on a deux vies, autrement qu'en l'écrivant à la fin d'un livre d'espions chiant comme la mort. Franco si on vit deux fois j'aimerais bien le savoir, croyez-moi j'éviterais d'aller à la fac ou de manger bio, je saloperais mon corps sans attendre avec une carrière dans le porno à la clé pour tout remettre sur le tapis dans ma seconde chienne de vie. J'ai justement un rendez-vous à la CAF dans dix minutes, si on vit vraiment deux fois je veux bien ne pas y aller, ou alors y aller sans chier avant histoire de le faire là-bas. Putain qu'on me tienne au courant... Si on vit vraiment deux fois ça me fout drôlement dans la merde. Si c'est ça j'arrête tout de suite de me bourrer de vitamine C et de bouffer des sacs de graines de café Jacques Vabre matin midi et soir. Ça fait bientôt cinq ans que je ne ferme pas l'œil pour profiter du peu de temps qu'il me reste avant de passer l'arme à gauche. Je manque salement de sommeil, je suis probablement très malade, mais je profite de chaque jour comme un con qui tangue entre la vie et la mort. Si on vit deux fois j'arrête ça et je pionce d'une traite les cinq prochaines années, comme un cadavre de loir. Et puis si on vit deux fois, pourquoi pas sept, comme les chats. Ils foutent quoi les chats à part se lécher les couilles quand on les leur laisse accrochées et s'enculer de père en fils ? Moi aussi je peux essayer de me lécher le trou de balle et de fricoter avec mon frère si on me refile sept vies, à la dernière je songerai à me lâcher un peu les couilles et à laisser mes gosses gambader histoire de penser à... je sais pas moi, payer un loyer, acheter un froc... des trucs utiles et normaux. C'est peut-être ça le véritable sens de ce titre, c'est un doigt d'honneur contre les chats. On vit moins que les chats, d'accord... C'est la seule façon possible d'expliquer ce "que deux fois". Parce que putain si on vivait vraiment deux fois y'aurait pas de quoi se plaindre, et le titre devrait être : "On vit deux putains de fois ma parole ! Profiiiiiiite, putain...". J'imagine que Ian Flemming n'aimait pas les chats et autres "canidés" comme on les appelle de leur nom scientifique.


James Bande, grosse vanne ! que Ian Flemming n'a pas casée une seule fois dans ses 40 000 bouquins !


En 1973, trois (oct)opus plus tard, on a droit à Vivre et laisser mourir. Peut-être que ce titre-là est à rapprocher du précédent : j'essaie de piger. Forcément si on a deux vies il est opportun de profiter de la première et de se laisser crever sans faire la grimace histoire de foutre immédiatement les pieds dans la seconde pour la pourrir encore plus. Peut-être alors que les choses se précisent. C'est cette injonction, vivre et laisser pisser, que nous révèle James Bond dans un grand élan épicurien qui trouve son aboutissement dans le célèbre Carpe Diem. Il faut cueillir le jour sans penser au lendemain. Il faut vivre et se laisser crever sans crainte, dans l'unique but ultime des plaisirs légers de cette courte vie qu'est la nôtre. L'histoire c'est qu'on voit mal James Bond s'adonner à quelque philosophie que ce soit, ni à quelque plaisir de ce monde en dehors du fait de reluquer des connes sur la plage. Ce type n'a jamais eu la moindre idée, ça crève l'écran. C'est quand même le seul héros qui se soit fait appeler l'homme au doigt d'or (GoldFinger) après s'être gratter le derche (inutile d'expliquer le titre L'homme au pistolet d'or, une chance que Preminger avait déjà utilisé le titre L'Homme au bras d'or), avant de se frotter les mirettes (Goldeneye) pour finalement s'étonner d'avoir les yeux qui sentent le cul. Sa philosophie à lui c'est plutôt de vivre et de laisser crever les gens autour. Il est du genre à laisser brûler une ville derrière lui s'il s'en échappe avec la pire meuf du coin sous le bras. C'est TPMG James Bond, Tout Pour Ma Gueule.


En 87, sept films plus loin, on nous assène que Tuer n'est pas jouer. Ça veut dire quoi au juste ? Tuer c'est pas du jeu ? C'est pas cool ? Je pige pas. On en revient au premier titre, celui qui nous affirmait qu'on avait deux vies, la vraie, et celle d'après la mort ? En fait c'est un gros catho de mes deux Ian Flemming. Il profitait de ses romans de gare à la manque, bourrés de meurtres, de manichéisme et de putes pour nous refourguer les tables de la loi de Moses. Tu ne tueras point. Sans déconner Ian ? Dans Fifa ils nous le disent pourtant dès le départ : If it's in the game, it's in the game. Tuer, c'est jouer. Encore une belle connerie de titre donc. Deux ans plus tard sortira le 16ème épisode des aventures de merde de James Bond, qui viendra corriger cette erreur : Permis de tuer, avec pour sous-titre "Autant pour oim !".


En 1997, on en est déjà au 18ème film et plus rien ne semble pouvoir arrêter cette immonde série de s'étendre encore et toujours, comme une pandémie horrible. Celui-là s'intitule Demain ne meurt jamais. Alors là je baisse les bras. Ce titre a de quoi décourager même les plus forts. De quoi faire plier le platane et rompre le roseau. Il a de quoi foutre à sac des générations de cinéphiles. De quoi vous faire vieillir... J'ignore si demain ne meurt jamais mais moi je crèverai un jour et à la lecture de ce titre ma fin se rapproche. J'ai perdu plusieurs jours, plusieurs semaines ? J'ai perdu plusieurs semaines de vie en lisant ce titre. Y'aura sûrement toujours un lendemain mais je ne serai bientôt plus là pour en profiter. On a pas idée d'écrire ça sur une affiche... Demain ne meurt jamais. Un titre pareil c'était la porte ouverte à tout. Et les deux titres suivants s'en ressentent mochement...


Quand la star féminine de ton film c'est Teri Hatcher, normalement le film ne se fait pas.


Le titre suivant c'est le lâché de ballons : Le Monde ne suffit pas. Mais ça veut dire quoi ! Le monde ne suffit pas... Je refuse de chercher. A part si c'est un film sur la conquête de la Lune en 69, comprends pas... Ou alors c'est encore un petit billet glissé là par ce chrétien facho de Ian Flemmard, qui pioche encore une fois dans sa messe hebdomadaire de quoi titrer ses saloperies d'histoires d'espions venus du froid à la mords-moi-le-nœud. Dans tous les cas ça ne veut rien dire. Et puis ça va bien deux minutes de donner des titres bibliques aux histoires d'un débile qui ne pense qu'à s'emboîter des poupées russes. Ou plutôt françaises, aka Sophie Marceau, et ricaines, aka la poupée gonflable Denise Richards.


Quand la star féminine de ton film c'est Sophie Marceau, normalement le film ne se fait pas, y'a tellement mieux à faire...


Et enfin Meurs un autre jour. T'es bien gentil, t'es même ultra sympa, mais ça se décide pas comme ça... On meurt quand on peut. On peut bien différer la date de la pendaison de crémaillère, mais c'est plus facile en amont qu'en aval. Écourter sa conne de vie ça se fait, ou du moins ça se tente. Mais la rallonger je vois mal. On meurt un peu quand on doit clamser. Le jour où la Grande Faucheuse a décidé de s'arrêter à notre chevet c'est pas facile facile de lui demander un délai et de repousser la fin du bail, en général on fait son paquetage en route pour la castagne, sans escale. Ça ne fait bêtement pas sens. Ça ne veut dire que dalle "Meurs un autre jour". Vraiment rien. Et c'est très laid comme assemblage de mots, qui plus est.

Ian Flemming est mort après avoir écrit le 12ème volet. Et il refusait jusqu'à sa mort que quelqu'un d'autre reprenne le flambeau. Il est temps de lui foutre la paix. Voila dix films qu'il est raide et qu'on adapte encore des livres qu'il n'a pas écrits, et c'est forcément encore plus pourri que quand il écrivait ! Ces titres ont vraiment de quoi rendre taré. Ils ne veulent rien dire. Ils sont hideux. Ça n'a aucun sens, à l'image des films et de la série toute entière, qui me laisse pantois. Question titres au fond du gouffre, on a atteint un autre genre de profondeurs avec Quantum of Solace. Il semble que le prochain James Bond, qui sera le 23ème de la série, s'intitulera "James Bond N°23", c'est en tout cas le working title, et s'il demeure inchangé ce sera peut-être le premier titre sensé d'une longue série d'intitulés morbide et puante.


James Bond de tout un tas de cons avec tout un tas d'autres cons (de 1962 à 2008)

15 août 2009

Le Crime est notre affaire

Je n'ai pas compris de quoi parlait ce film. Je crois que c'est une resucée des histoires "façon" Agatha Christie et autres Mystère de la jambe jaune, un film plus ou moins sur la gangrène ou le choléra adapté récemment par Bruno Podalydès au cinéma. Dédé Ducolbac et Catherine-Alain Frot sont un couple bourgeois qui chie dans la soie en se disant "vous" et qui écrit à quatre moignons des polars de gare minables, comme précisément celui qu'on est en train de zieuter, nous spectateurs, pour une mise en abîme qui fout froid dans le dos. Leur vieille tante, Annie Cordy, assiste à un meurtre dans un train qui croise le sien, et elle s'empresse de le raconter à ses neveux affamés. Lui, Dussoliard, s'en fout. Elle, Frot, décide d'élucider ce mystère pour enfin mettre dans sa vie le piquant qu'elle ne sait plus mettre dans ses livres et surtout dans son lit. Alors elle va profiter du départ de son fumeux de mari vers l’Écosse, où il s'en va participer à une drôle de manifestation dont j'ai rigoureusement oublié chaque détail, pour s'en aller quant à elle vers un drôle de manoir où tout lui indique qu'elle mettra la patte sur la clé de l'énigme qui l'obsède. Là-bas, elle croisera tout un tas de gueules brisées du cinéma Français, mais aussi quelques visages sympathiques attirés là par un chèque juteux et la réjouissante perspective de passer quelques mois de tournage en Auvergne aux frais de la princesse, princesse qui n'est autre qu'un réalisateur adulescent et un poil réac sur les bords, Pascal Thomas, le gros rat qui se cache derrière tout ça.



Mais vraiment, rien à foutre. Non ce qui compte c'est cette scène, au tiers du film, quand Dudule Dissolvant part en kilt à son colloque Ecossais, lâché à la gare par une épouse pressée de l'y laisser pour compenser le néant de sa vie érotique en cherchant du côté des cadavres - c'est bien la seule raison plausible pour que quelqu'un s'intéresse avec euphorie à des morts, et ça, Pascal Thomas, qui a le nom de scène le plus pourri du monde (quid de son prénom, quid de son nom de famille ?), l'a bien compris.



A ce moment là, Andy Duchovny, notre plus grand acteur Français, peut-être le plus grand de tous les Français, coince son pépin dans une bouche d'égout qui se transforme en bouche d'aération métropolitaine pour les besoins de la scène et au mépris d'un goof évident. Son kilt est alors soulevé par l'aération et on est à deux doigts d'apercevoir les grosses couilles d'André D. Deerhunter qui s'efforce de rabaisser les volants de sa jupe sous le regard malicieux des passantes, une poignée de vieillardes ahuries, dans un hommage suffoquant et chargé en testostérone aux Sept ans de réflexion de Marilyn Monroe. Cette scène dure au bas mot, sans mentir, et sans exagérer, quelques six minutes. Au bout de trois minutes Andrzej du Cellier se dégage, mais il se refout les pattes dans le tapis aussi sec et on en reprend pour trois plombes. C'est officiellement et scientifiquement la scène la plus longue de l'histoire du cinéma. C'est un jalon essentiel pour tout fan de Dada Düsseldorf, à voir !


Le Crime est Notre Affaire de Pascal Thomas avec André Dussolier, Catherine Frot, Chiara Mastroianni, Claude Rich, Melvil Poupaud et Hyppolite Girardot (2008)

5 août 2009

La Raison du plus faible

Y'a des types comme ça dont on a l'intime conviction qu'ils sont bons. C'est d'abord une impression diffuse, puis ça s'impose et parfois ça se confirme ensuite, preuve à l'appui. J'ai eu confirmation par un ami qui travaille avec lui de l'immense capital sympathie de Lucas Belvaux et de son implication constante et absolue dans son travail. Mais j'en avais déjà le sentiment. En voyant son dernier film en date, La raison du plus faible, ça m'était apparu comme une évidence. Lucas Belvaux réalise son film et y joue un des rôles principaux. Dans chaque séquence où il apparaît, on sent émaner de lui un absolu plaisir, un abandon total, une abnégation de chaque instant. Il se consacre tout entier à son film, il y est dévoué avec une délectation pure et simple. Son jeu est toujours un peu décalé, sur le point de décrocher, en équilibre sur le fil ténu qui sépare la fiction de sa mise en scène. Tout en interprétant assez justement un personnage puissant, on sent l'homme partagé entre l'acteur et le réalisateur. Dans sa voix et ses gestes tiennent les dialogues et les actes de son personnage autant que les indications aux autres comédiens, dirigés par le jeu même du metteur en scène. Dans les yeux de Belvaux se lit sa passion, son désir et sa jouissance de mettre en scène. Dans son regard se reflète celui de sa caméra, face à lui. Il observe ses partenaires à l'écran mais il a l'objectif de sa caméra dans le champ de vision et il semble voir par elle. Cela rappelle vaguement Truffaut dans La Chambre verte. L'artiste se dédouble dans un très savoureux abysse de création.



On songe au titre du recueil de textes de Truffaut : Le Plaisir des yeux. Car certes La Raison du plus faible a quelques défauts en sa qualité de film social de gauche, avec ce que ça comporte parfois de surlignage idéologique, mais il demeure avant tout un film humaniste, et rarement aurons-nous vu un cinéaste habiter à ce point son œuvre et la réaliser de l'intérieur. Comme ces peintres qui se sont peints face au miroir dans ledit miroir, dressant leur propre portrait se peignant. C'est la grâce de l'artiste au travail dans son propre travail travaillant le travail qu'il a fini de travailler. Le temps du geste de création est capté et figé à jamais. Il y a tout ça dans le regard de Lucas Belvaux, le plaisir de la création, le plaisir des yeux.


La Raison du plus faible de Lucas Belvaux avec Eric Caravaca, Lucas Belvaux et Natacha Régnier (2006)

Paris, je t'aime

Je vous l'annonce tout net : on a pas vu Paris je t'aime du début à la fin. Ni du début à la moitié. A vrai dire, on a dû le voir du début du début à la moitié du début du début. C'est pas faute d'avoir essayé. Avec Rémi on y a mis du nôtre ! On se disait : "Allez, c'est un film à sketchs, c'est trop marrant de critiquer les films à sketchs, ça donne l'occasion de dire plein de saloperies pour chacun des sketchs". Ouaip, sans doute. Mais l'article, on voulait pas l'écrire. Et le film, on a jamais pu l'encaisser en entier. C'est triste pour Greta Garbo d'être mêlée à ça. Le chant des supporters marseillais qui consiste à simplement répéter : "Paris, Paris, on t'encule !", je suis sûr que c'est juste une réponse au titre de ce film, et que ça ne s'adresse pas du tout à l'équipe rivale du Paris St Germain.


Paris, je t'aime de 18 réalisateurs différents dont Gus Van Sant, Olivier Assayas, Alfonso Cuaron, Wes Craven, Alexander Payne et Nobuhiro Suwa avec Steve Buscemi, Natalie Portman, Juliette Binoche, Willem Dafoe et plein d'autres (2006)

4 août 2009

Mesrine : L'Instinct de Mort

Le premier Mesrine, à part m'apprendre qu'il fallait prononcer Mérine et non Mèssrine grâce à une promo chiante comme la Mort et menée tambours battants sur toutes les chaines de télé française ; je l'ai trouvé tout bonnement insupportable. Ça donne seulement envie de maudire ce cinéma-là. Et, je sais pas vous, mais après avoir vu le film, je me suis seulement mis à penser que Mesrine devait être un immense connard, ultra débile et extrêmement violent, un personnage tout sauf intéressant, une merde humaine. C'est ce que me donne à penser le brillant portrait qu'en fait Ferrerro Richet en tout cas. Jolie performance de sa part donc, car j'imagine qu'il avait d'autres projets. Triste bonhomme...J'ai jamais pigé pourquoi tant de bonnes choses ont été dites à propos de la saga Mesrine. Pour moi c'est tellement nullissime... J'aimerais qu'on m'explique.



Quelques mots sur le titre. "L'instinct de mort", vous ne trouvez pas ça excessivement laid comme titre ? Et ça veut dire quoi ? On m'explique ? SVP ? Je sais que j'ai du mal à prononcer les "un", "in", "ain", "1", etc ; mais même au-delà de ce petit problème personnel, c'est un titre vraiment laid, non ? A mes oreilles ça sonne de façon particulièrement ignoble, j'ai l'impression que c'est la réunion maléfique des 3 syllabes qui, mises à la suite, forment l'ensemble phonétique le plus laid de notre belle langue. Et puis faut piger quoi ? L'INSTINCT DE MORT. Wow ! Apparemment c'était, à l'origine, le titre du bouquin de Mesrine. Mais il était taré ce type, fallait pas s'en servir encore. Il a du le griffonner en taule pendant qu'il se faisait sodomiser. L'instinct du chien ou du renard, ouais, l'instinct de survie ça me dit un truc aussi, ok, mais "de mort", je comprends pas. Et si tout un film existait sur l'instinct du clébard, j'irais le voir en courrant en amenant neveux et nièces ! "L'instinct de mort" ça veut rien dire, et quand on l'a, on est forcément plus là pour le raconter puisqu'on vient de clamser. C'est ptêtre moi qui suis con, je sais pas, après tout, ça n'a pas empêché le film de faire 2 millions d'entrées en 3 jours (faut dire qu'on pouvait pas ignorer qu'il sortait ce film à la con...) et si tous ces gens pigeaient le sens du titre, je veux qu'on m'explique. Je suis pas plus bête que les autres garçons, ma maman le dit. Je veux une titrologie de ce merdier !

Et puis cette affiche et cette façon débile d'écrire les noms de famille les uns par dessus les autres : Cassel, Mesrine, Richet. On dirait la fiche d'appel d'une classe de 5ième faite exclusivement de teignes et dont il ne resterait que les 3 plus gros tarés. On se croirait de retour au bahut. Ça me colle des frissons sur les avant-bras !



J'ai vu qu'un film de ce gros empaffé de Ricochet et ça m'a suffit, ça me suffira à tout jamais. C'est un énorme débile, un zonard total, un abruti profond, un pourri fini. C'est une insulte à son valeureux cousin Teddy Richet. Je n'ai vu que Mesrine 1 et ça me suffit largement pour établir cet état des lieux concernant J.F. "cherche appartement" Rue Riquet, c'est largement suffisant pour dresser ce pedigree ultra puant de Jean-François Roquet.


Mesrine : L'Instinct de Mort, de Jean-François Richet avec Vincent Cassel et Gérard Depardieu (2008)