Ces gens nous veulent du bien. Le film se joue ainsi des codes habituels du thriller parano. Tu parles !
Bon, allez, faisons preuve de bonne volonté. Fermons les yeux un instant et admettons à coeur ouvert cette histoire de SF de derrière les fagots. Soyons fous ! Hélas, ce film est un tel tas d'inepties que même avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de ne pas être terrassé. Parce qu'il faudrait être drôlement doué pour tirer un bon film d’une histoire pareille, ce que George Nolfi n’est évidemment pas. Pas même une seconde. Selon moi, il faudrait surtout se limiter à l’essentiel pour que tout ça ait une petite chance de fonctionner. Il vaudrait mieux en dévoiler le moins possible sur un scénar qui apparaîtra de toute façon bidon quand on en dévoile trop. Il faudrait peut-être simplement garder cette idée plutôt rigolote de ces personnages condamnés à « ajuster » la vie des gens par ces petit gestes anodins mais qui changent tout, et faire un film quasi conceptuel, avec une vraie économie de moyens, mais une ambition au beau fixe. Malheureusement ici, on a bien entendu droit à tout l’inverse. Le film débute de telle façon et sur un rythme si soutenu que je pensais avoir téléchargé la bande-annonce ou un spot de campagne électorale. J’aurais dû sentir l’anguille en matant le nom du réalisateur derrière tout ça : George Nolfi. Si ça c’est pas un pseudo… Le type aurait dû aller au bout de son idée et signer sous le nom "Nolife". Le couple d'acteurs vedette se démène, mais c'est plus pathétique qu'autre chose. Emily Blunt, un genre d’Emmanuelle Devos
mainstream, fait tout pour mettre le spectateur dans sa poche en arborant des jupes ras-la-teuch et des décolbards indécents. Mais ça ne prend pas, rien n'y fait. Notre attention reste fixée sur le menton en galoche et le regard infiniment stupide et revêche de l'actrice. Seul Matt Damon voit rouge et l'embrasse fougueusement 30 secondes chrono après l'avoir rencontrée pour la première fois. Les mystères de l'amour. Un Matt Damon qui est plutôt crédible dans son rôle de jeune politicard survolté, constamment collé aux basques par un conseiller joué par Eric Woerth en personne, qui vient d'ajouter une bien sombre ligne à son CV...
Franco, je préfère Devos.
Hey Matt Damon, quand tu reçois un tel scénar, t’as pas mille questions à poser à celui qui l’a écrit ? Parce que moi, devant ton film, j’ai à nouveau 5 piges, je retourne à cet âge où on est un insupportable moulin à questions, je demande sans arrêt : « Et pourquoi ci et pourquoi ça ». Mais ça tombe bien, car mieux vaut que je retombe à cet âge-là, sinon je ne tiendrais pas une minute devant un si triste spectacle. Bon, Matt, quand tu lis une saloperie pareille, ça te chatouille pas un peu sur le sommet de ton crâne couvert de brins de paille filasse ? Tu te dis quoi exactement ? Comme j’aimerais être à tes côtés pendant ces moments-là ! En plus je t’aime bien, avec ta grosse tronche, ton front gigantesque et ton air gentil, tu me fais penser à mon frère aîné. Je t’adore Matt. T’es un peu de ma famille. Mais même si t’étais vraiment mon bro’, je ne me ferais certainement pas prier pour te dire que tu tournes dans de la merde. Réveille-toi mec, tu files un mauvais coton. Tu voulais sûrement jouer dans un divertissement sympa. Je te vois venir à 20 kilomètres. Entre deux films d’auteur ou deux films indés, tu te dis qu’il est bon pour ton image d’être en tête d’affiche d’un gros blockbuster hollywoodien de divertissement facile et méga bête. C’est le genre de choix qui peaufine et cultive ton image de star assez à l’aise pour jouer sur tous les tableaux. Tu espères ainsi que les amoureux de Gus Van Sant comme ceux de Doug Liman te porteront toujours dans leurs cœurs malgré ta filmographie à cors et à cris. Une carrière finalement très classique. Ils font à peu près tous ça, et c'est souvent des bons potes à toi. C’est pas original pour un sou, mais faut croire que ça marche. Mais t’es demeuré Matt, tu paumes ton temps. Tu n'es pas à ta place dans cette histoire sans queue ni tête tirée de Philip K. Dick, à l'origine de quelques bons films de SF mais aussi de belles saloperies. Une réussite pour mille saloperies, j’ai calculé. Souvenez-vous de
Paycheck. D'ailleurs, en tournant dans
L’Agence, Matt Damon a peut-être cherché à adresser une belle et grande preuve d’amitié à son pote Ben Affleck. En s’obligeant à traverser la même épreuve que son ami Affleck a jadis affrontée bien malgré lui : être le héros d’une adaptation terriblement bête de l’écrivain le plus connu d'Hollywood après Stephen King. C'est beau Matt, mais tu aurais pu t'en passer, et plutôt proposer à ton collègue de faire un truc ensemble, comme au bon vieux temps.
"Je te jure c'est écrit dans le script ! - Mais dis pas nawak !"
Bon, reparlons plus précisément du film. J'aimerais revenir sur deux choses qui me tiennent à cœur, deux détails qui ne provoqueront sans doute pas la même réaction chez le spectateur lambda, mais qui personnellement me révoltent !
L’Agence véhicule une très affreuse idée, que l’on croise hélas dans un trop grand nombre de films. Je vous situe le contexte : pendant pratiquement tout le film, Matt Damon se démène comme un diable pour retrouver Emily Blunt, celle qui lui a tapé dans l’œil dès la première scène du film et qu'il ne parvient plus à oublier. Quand Matt Damon réussit enfin à mettre le grappin sur l'élue de son cœur, c'est pour rester avec elle une petite paire d’heures à peine, tout juste le temps de niquer rapidos, d’échanger quelques politesses et de fumer une clope la tête basse, avant d’être à nouveau séparés par le bureau d'ajustement. Avant la très laborieuse dernière partie du film, Matt Damon retrouve Blunt pour de bon, après une séparation longue de 3 ans durant laquelle celle-ci s’est rabibochée avec son ex et s’apprête même à se marier ! Mais quand Damon et son gros menton débarquent, ni une ni deux, Blunt oublie le contrat de mariage qu’elle s’apprêtait littéralement à signer. De cette façon,
L'Agence entre dans cette vaste catégorie de films miteux où seule l'histoire d'amour vécue par le héros a de la valeur, les autres comptant forcément pour du beurre. Et c'est lamentable, car ça n'aide certainement pas à rendre la romance de nos héros plus poignante, bien au contraire. Le film le plus connu dans cette catégorie est l'inévitable
Titanic. Petit rappel des faits : dans
Titanic, Kate Winslet passe à peine une paire de jours en compagnie de Leo DiCaprio, le véritable amour de sa vie. Ok il est beau gosse, il dessine bien, c'est un artiste. Mais ils passent seulement deux jours ensemble. Et moi on me répond que je suis ridicule quand je raconte ma relation passionnelle de trois ans avec ma chatte siamoise nommée Marguerite, qui a tragiquement trouvé la mort suite à une opération de stérilisation administrée par un boucher. Bref. Si l’on suit bien le film
Titanic, on comprend facilement que le personnage incarné par Kate Winslet a malgré tout connu un autre homme après avoir survécu au naufrage qui fut fatal à DiCaprio. Un homme avec lequel elle a passé toute sa vie et fondé une famille, dont est issue la jeune femme blonde que l’on voit au début du film. Une belle histoire donc. De bien jolies noces j'imagine. Mais quand la vieillarde crève à la fin du film, après avoir si bêtement jeté à la flotte un caillou d’une valeur inestimable dans un geste ponctué d’un « oups » abominable, hé bien c’est Leo DiCaprio qu’on la voit rejoindre dans ce qui semble être le paradis qu’elle s’imagine. Leo DiCaprio ! Ce con d'arriviste qui a forcément été parfait puisqu'il a seulement passer 48 heures et des brouettes avec elle. Pas le temps de péter ni de roter, pas le temps de se laisser-aller dans ces petits écarts qui tuent l'amour au quotidien. Mais hé ! Et le type qui s’est fait chier à lui faire des gosses et à gaspiller sa vie avec elle, à crever d'une crise cardiaque en lui creusant une piscine, alors, il compte pour du beurre ? C'est ça ? C’est l’évènementiel, le pur accident, qui prime ici sur la durée tangible, solide et vraie. C’est l’éphémère effet du coup de foudre qui balaie 40 ans de mariage. C’est le romantisme le plus crétin qui dégomme le plus vieux des couples. En filmant ça, James Cameron est indéfendable. Il pousse toutes les femmes à l’infidélité, les confortant dans le romantisme le plus idiot, et il pousse tous les maris au plus grand désarroi possible. Une idée qui m’agace tout particulièrement, car vous l'aurez compris, moi je m'imagine plutôt dans le rôle du tocard qui se fait avoir. Bon, je dis ça, mais j’adore
Titanic. A l’époque où Winslet pesait 90 kg, c’était une tuerie. Et avec
Speed, c'est un de mes films favoris des nineties.
"- T'es timbré, mec - Je sais. On me la sort à chaque fois."
Revenons à
L’Agence. Ce film véhicule une autre idée, peut-être encore plus détestable que la première. Tenez-vous bien. Je sais que mon texte est indigeste, et si vous avez tenu jusque-là, c'est un miracle ; mais j’en suis désolé, c’est ce film qui m’a mis dans un état d’ébullition incroyable. Le personnage de Matt Damon est un sénateur promis à un brillant avenir politique. Pour faire plus simple : il est le futur Président des États-Unis, carrément. Et c’est un poste qui, dans ce film, est évidemment le plus important du monde, celui qui permet d’éviter à l’humanité de sombrer, tout bonnement. Soit, ne nous attardons pas davantage sur cette considération de bas étage. Mais le destin de Matt Damon vers la présidence est tout tracé si, ET SEULEMENT SI ce con-là ne tombe pas dans les griffes d’Emily Blunt, cette jeune femme qui le fait littéralement disjoncter dans son slip et oublier son ambition politique dès qu’il la croise ! C’est dire si l’homme est une bestiole politique ! Tu parles d’un guignol. François Hollande a fait une croix sur Ségolène pour s’ouvrir les portes de l’Elysée, ou du moins espérer (moi j'y crois ! je suis hollandais !), et on peut pas dire que ça soit le roi des scrutins. Et Royal, elle envoie plus que Blunt, avis perso. Mais là encore, passons ! Tout cela, on le sait donc parce que ce sont les agents du bureau du titre qui racontent tout à Matt Damon pour le persuader de ne pas se détourner de son si brillant chemin. Bien évidemment, les agents ne se demandent pas un seul instant si le fait de tenir informé Matt Damon de son futur ne changera justement pas ses agissements ! Ce serait trop compliqué. De son côté, Emily Blunt a également un destin radieux qui s’offre à elle : elle va devenir « la danseuse et la chorégraphe la plus connue du monde », rien que ça ! C’est le pauvre Terence Stamp qui nous l’annonce, vieil acteur classieux tristement embarqué dans cette galère qui campe ici le rôle d’un agent très haut placé. Il prévient donc aussi Matt Damon que si Emily Blunt se met en couple avec lui, elle finira par "enseigner la danse à des gosses de 6 ans (sic !)". Quelle tragédie ! Je m’attendais à ce qu’on annonce à Damon qu’elle allait se casser une patte, finir en chaise roulante, ou un truc comme ça, mais non, elle va juste devenir prof, et c'est franchement dégueulasse, faut bien le reconnaître. Pour faire simple, le message de ce film est donc le suivant : l’amour détruit nos carrières professionnelles, tenons-nous en éloigné ! Amoureux, et donc heureux, on en oublie nos objectifs professionnels, forcément les plus importants, c’est bien connu. Ça me troue le cul. C’est abominable comme message, mais tristement d’actualité. Dans son happy-end ignoble, le film retourne sa veste et démontre que l’amour finit par l’emporter. Mais quel amour ? Pourquoi l’un, celui du héros, vaut-il mieux que l’autre, celui du pauv’ type qui se fait voler sa femme au moment de lui mettre la bague au doigt sur les marches de la mairie ? Et à quel prix ? A quel prix ?! Surtout, rappelons qu’avant cela, c’est-à-dire pendant tout le film, c’est God himself qui a essayé par tous les moyens de détourner Matt Damon d’Emily Blunt, attirés l’un par l’autre comme deux chiens en période de chaleur. Ça ne change donc pas grand-chose à l’affaire.
Le film ne dit pas si c'est l'Agence qui a provoqué l'élection d'Obama, mais on peut aisément le penser.
Blague à part : pour ma part, je vais bientôt déménager dans la Creuse parce que ma copine a trouvé un super poste là-bas (en gros, elle est médium spécialisée dans les vieillards aux portes de la mort). Je vais vivre là-bas avec elle, je la suis par amour, et je n’hésite pas une seconde à le faire. Une fois que j’aurai atterri dans ce coin paumé, terre promise de la Grande Faucheuse, j’essaierai de trouver un job de merde ou bien je serai carrément chômeur. Plongé dans le désarroi le plus total, je finirai même par abandonner le blog. C’est écrit. Alors qu’en restant là où je vis actuellement, l’avenir me réserve sûrement autre chose, c’est certain. Le message du film est donc vrai, me concernant. Et ça me fout d’autant plus les boules. Franco ce film voit juste. Chapeau bas. C’est balèze. J’ai les boules je vous dis. Je suis intenable.
A droite Eric Woerth, à nouveau dans de beaux draps après avoir été trainé dans la boue suite à l'enlèvement d'Ingrid Bétancourt. Notez que sans lunettes, il a déjà moins l'air con !
Pour finir, sachez que j’aurais préféré un film sur des gars réellement chargés d’ajuster des trucs, dans le sens le plus terre-à-terre du terme. Des gars qui s’invitent chez les gens pour replacer un meuble d’un centimètre vers la droite pour qu’il soit parfaitement aligné avec le rebord de la fenêtre. Des gars sympas capables de remettre le téléphone bien en place quand on l’a posé de travers et que sa batterie se vide progressivement en douce. Des gars qui nous coupent le gaz avant le départ pour les vacances histoire d’éviter de retrouver Mamie grillée à notre retour. J’aurais préféré. Franchement, j’aurais adoré. Vous pensez que je peux envoyer le scénar à Matt Damon ?
L'Agence de George Nolfi avec Matt Damon, Emily Blunt, Terence Stamp et Eric Woerth (2011)