L’idée était simple : réaliser un film choral dont le seul lien entre chaque personnages serait un labrador, vagabondant de scènes en scènes en quête de quelques caresses et d’une gamelle de croquettes qu’il finirait par obtenir seulement à la toute fin. Le film est, hélas, beaucoup plus compliqué car, durant le tournage, le labrador a foutu le camp, lassé d’être traité par-dessus la jambe et surtout de ne pas profiter d’un salaire au moins égal à celui de François Berléand. Martin Valente, jeune réalisateur français qui a lui-même reconnu lors d’une interview accordée à Paris Match qu’il était devenu metteur en scène uniquement parce qu’il espérait, un jour, avoir la chance de croiser Lorant Deutsch, a donc du revoir l’intégralité d’un scénario déjà peu brillant, en créant de nouveaux liens souvent grotesques entre chacun de ses personnages.
Ainsi, Jacques Gamblin voit son rôle de flic coriace devenir le père de Jean-Pierre Darroussin, pharmacien et célibataire endurci, pourtant d’une dizaine d’années son aîné. En pleine confusion, nous constatons plus tard avec horreur que la femme de Jacques Gamblin, incarnée timidement par Caroline Cellier, n’est autre que la fille de Jean-Pierre Daroussin. Un peu plus tard encore, on apprend avec stupéfaction que Caroline Cellier et François Berléand sont des jumeaux, Berléand étant pourtant depuis le début l’amant caché de Caroline Cellier et le fils adoptif de Marie Gillain, cette même Marie Gillain que Jacques Gamblin appelle « Tata » ! Nous sommes alors en présence de l’un des plus tristes cas de familles consanguines de l'histoire du 7ième Art ; même le nouveau spécialiste du genre Rob Schmidt n’avait pas fait mieux dans son film d’horreur Détour Mortel, de bien triste mémoire, où une famille d’attardés s’en prenait à des touristes allemands perdus en plein Kansas.
Mais les anomalies et autres étrangetés de Fragile(s) apportées par les retouches du scénario suite au départ imprévu du chien vedette ne s’arrêtent pas là. Au cours d’une scène surréaliste, le second rôle inutile interprété par Maureen Dor, nettement plus à l’aise sur les plateaux télé, se voit relier aux autres personnages d’une bien triste manière : se baladant pieds nus dans son jardin, elle enfile sans raison une chaussette qui traînait par-là, apportée par le vent, et surtout aidée par un François Berléand étendant son linge avec une désinvolture flagrante dans l’interminable scène précédente. En plus de nous imposer la vue des effroyables panards de Maureen Dor, deux infâmes bouts de chair rouge vif qu’on croirait sortis de la déchetterie d’un abattoir brésilien, ce passage démontre à nouveau les faiblesses de Fragile(s). L’astuce de la chaussette est ensuite réutilisée jusqu’à l’overdose par un Martin Valette en manque total d’inspiration : une fois jetée à la poubelle par Maureen Dor pour cause d’odeur insupportable, la chaussette maléfique est récupérée par Jacques Gamblin qui y voit-là l’une des preuves manquantes pour résoudre le crime d’un enfant unijambiste, c’est ensuite au tour de Darroussin de porter la fameuse chaussette à son pied après que son père lui ait ramené du travail une fois l’affaire résolue, et c’est seulement Marie Gillain qui mettra en terme à ce déplaisant tour de manège en éliminant la chaussette dans un brasier salvateur après que son fils adoptif grisonnant l’ait laissée traîner dans le salon, à côté de la cheminée.
Bref, c’est du grand n’importe quoi. Et dites-vous bien que si j’ai inventé toute cette histoire immonde, c’est bien dans le seul but de vous préserver de la véritable histoire du film, qui est quelque chose d’encore plus minable mais de tout aussi indigeste. Martin Valente est à enfermer.
Fragile(s) de Martin Valente avec Jean-Pierre Darroussin, François Berléand, Jacques Gamblin, Marie Gillain, Caroline Cellier et Maureen Dor (2007)