Cette critique c'est David contre Goliath, et je suis dans le rôle de celui qui se fait marrave par la bête. A part le jeu de mot pourri qui consiste à dire au début de la séance: "T'as bien pris ton billet ? Parce qu'on voit
Partir", le film ne permet jamais de sourire. C'est une descente aux enfers en un seul acte et trois personnages, dont une femme, qui est le départ de feu de l'histoire. Cette femme c'est Kristin Scott Thomas. Autrement dit le fantôme anglophone le plus célèbre du cinéma Français. On sait tous qu'elle est actrice mais de là à citer sa filmographie... Elle a bien explosé en vol avec
Le Patient anglais (traduction douteuse de "The English Patient" en VO), film pourtant célèbre dont on peut dire que les deux auteurs de ce blog sont "passés à travers". Même depuis la mort d'Anthony Minghella, pas moyen qu'on s'y intéresse. Et pourtant son décès a été autant médiatisé que celui de Thierry Gilardi, les deux hommes ayant eu le même pouvoir d'incursion dans le petit cocon familial français. Christine Scott Toujours c'est les yeux cernés de bleu les plus connus du cinéma.
Dans ce film elle est ballotée entre la froideur d'un Lillois mesquin aux yeux dans les mains (comme dans
Le Labyrinthe de Pan) sous les traits ingrats d'Yvan Attal, et la chaleur d'un Sergi Lopez en grande forme, fort de 100 kilos de testostérone enfouis sous le couvercle d'une carrosserie d'acier à peine voilée par un t-shirt Quetchua trop grand pour lui. On n'a pas suffisamment dit à quel point cet acteur Franco-Espagnol est l'éternel espoir du cinéma tantôt ibérique tantôt franchouillard. Entre parenthèses, Sergi Lopez annonçait récemment dans une interview accordée à
Télérama qu'il met un point d'honneur à accomplir la moitié de sa carrière de chaque côté des Pyrénées dans un affreux grand écart qui nous laisse imaginer son churro chatouillé par le plus haut sommet de ce massif montagneux, à savoir le Pic d'Aneto. Que dire de plus sur Attal qui n'ait jamais été dit... Cet homme-anguille, capable de se faufiler dans n'importe quelle production française à jamais marquée de son sceau. Si, la question qui se pose, et qui occupe actuellement plusieurs laboratoires scientifiques en France, détrônant le mystère de la théorie du Big Bang, c'est la suivante : Quel film a bien pu faire "exploser" Yvan Attal ? En tout cas dans ce film, il est out standing.
Ce film, pour en revenir au film, m'a fait un effet rare. Voir ce film fut pour moi l'équivalent d'une journée passée aux urgences, au Pôle Emploi, en hôpital psychiatrique, en prison, en maison de retraite, ou devant un match de l'équipe de France de Domenech, soit dans les endroits les plus déprimants du monde. Ça m'a foutu un cafard de tous les diables. J'ai pensé à toutes les choses qui pourraient aller mal dans ma vie. J'ai eu le sentiment que mon existence était sans issue. J'allais méga bien avant d'entrer dans la salle de cinéma, en sortant j'avais un bourdon gros comme ça. On imagine que Catherine Corsini a vécu cette histoire ou presque et qu'elle a eu envie de nous faire ressentir le mal qu'elle a pu traverser. Sauf que cette souffrance est condensée sur une heure et demi de film, soit l'équivalent d'une liqueur forte à avaler tout rond. Je me demande encore pourquoi la réalisatrice a jugé bon d'insérer dans son récit morbide un gag Chaplinesque voué à précipiter l'idylle adultérine du film, quand Sergi Lopez essaie d'arrêter une bagnole lancée en pente du plat des pieds.
Ce film nous apprendra aussi qu'on passe à l'acte (de tuer) plus facilement qu'on ne le croit : un ronflement de trop et le coup est parti. Il nous apprend encore que certains ménages français possèdent un fusil d'assaut logiquement rangé dans la penderie. Il nous apprend tant de choses, et à la fois si peu quand il nous serine que sans fric on ne fait rien. Selon Corsini, si l'argent ne fait pas le bonheur, il nous tient quand même par les couilles. Peut-être... Comment croire à cette romance utopique où les deux amants ne partagent rien d'autre que du sexe, du sexe, rien que du cul ? Tout est à l'écran. Comment croire à ce chirurgien - joué donc par le phénomène Attal - qui n'aura pas pensé à s'exercer sur sa propre tronche incendiée par le temps et des forceps un peu maladroits à la sortie du vagin de Serge Gainsbourg (je confonds tout mais je m'en fous), et qui n'a d'autre idée quand sa femme veut le quitter que de la séquestrer chez lui ?
Que dire de la mise en scène de Catherine Corsini, dite "sobre et élégante" par de nombreux critiques. Si l'adjectif "sobre" s'applique à tous les films tournés en pilote automatique mode "drunk & stunted", alors
Partir rentre pile poil dans cette catégorie. Si élégant veut dire filmer des grues et des parkings souterrains en plan fixe, alors ouais mention bien à Corsini. Le seul moment du film, lors de la stonsba entre Attal et Scott Thomas, où il se passe semble-t-il un truc, qu'on qualifiera de faux-raccords sans avoir l'air d'y toucher, ça reste une pauvre idée qui consiste à faire un parallélisme, rien moins que ça, entre le fond et la forme...
Bref ce film m'a foutu un giga bourdon, un capharnaüm insensé. Dans ce film, la femme doit tuer le mari impuissant pour s'épanouir sexuellement. Mais c'est oublier que le fric compte un peu, car un gros zgeg dans une cabane en bois, passé un certain âge, ça ne suffit pas. Et dans ce scénario diabolique, Corsini place le contexte de la crise via une chiée d'allusions plus ou moins finaudes à Sarkozy, ça va d'un banquier qui lui ressemble étrangement à un gros autocollant "Sarko" sur un bulldozer planté au milieu du décor. En gros ce film c'est le mythe de Méduse revu et corrigé par Corsini.
Partir de Catherine Corsini avec Yvan Attal, Kristin Scott Thomas et Sergi Lopez (2009)