James Gray s'améliore de film en film. Little Odessa était prometteur mais un peu chiant, The Yards aussi, y'avait un sacré quelque chose dans We own the night, et maintenant Two lovers, qui se révèle plus que convainquant, carrément bouleversant. L'hideuse affiche annonce un triangle amoureux et si c'est bien ce dont il s'agit, nous voilà à des lieues de bien d'autres films eux aussi bâtis sur ce schéma éculé, citons par exemple le dernier Woody Allen, Vicky Cristina Barcelona, dont le titre dresse la liste des prénoms des protagonistes du trio sentimental. Allen a beau défendre sa gamelle assez logiquement, son film n'est pas pour autant digne de lui, il n'est pas digne de nous. James Gray quant à lui tire largement son épingle du jeu de Mikado qu'est le cinéma hollywoodien actuel. Son film est sombre, mais il ne l'est pas grâce à des personnages de comic books et des cervelles éclatées comme chez Cronenberg (A History of Violence), pas grâce à des personnages de comic books et un suspense à la noix comme chez les frères Coen (No Country for Old Men), pas grâce à un personnage de comic books et une vision écologiste et pontifiante comme chez Sean Penn (Into the Wild), pas grâce à des personnages de comic books et un zeste de conscience politique biaisée et puante à souhait comme chez Christopher Nolan (The Dark Knight). Son film est sombre parce qu'il parle d'un vrai personnage, d'un homme en proie aux affres des sentiments les plus authentiques et les plus puissants.
Et qui mieux que Joaquin Phoenix pour interpréter ce personnage? L'acteur atteint très probablement ses sommets dans ce film. Ses comparses n'étant pas de reste (Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw, actrice d'une beauté éclatante, sans oublier Isabella Rossellini). Mais véritablement Phoenix montre des choses dans ce rôle qui donnent à penser que si nous avons récemment perdu le plus grand des jeunes acteurs français en la personne de Guillaume Depardieu, nous venons peut-être bien de perdre (si sa parole est d'or, puisqu'il prétend arrêter sa carrière, mais on peut largement douter de cette affirmation) le plus grand des jeunes acteurs américains. Espérons que Joaquin reviendra sur sa décision, ou que ce n'est qu'un canular, car c'est un très grand acteur et ce film est certainement son Pic de Dante.
C'est aussi le film de James Gray (à ce jour) qui ne s'encombre plus d'histoires policières un peu pâteuses, prétextes à des portraits efficaces mais distants. Dans ce film il fait place et entièrement place à la comédie humaine, et si ça n'est pas gai gai, c'est au moins Gray Gray, c'est en tout cas ultra poignant, et il en ressort quelque chose d'aussi précis que solide. James Gray ne s'embête pas avec les poncifs à la mode, tous plus désolants les uns que les autres. Dans son film, il y aurait mille occasions de faussement surprendre le spectateur, de faire mentir les personnages en leur créant des secrets de polichinelle et des cachoteries surfaites, il y aurait mille aubaines de créer du suspense superflu ou de laisser s'immiscer des intrigues secondaires tortueuses et saugrenues pour ne pas perdre l'attention du spectateur demeuré bercé à la série télé racoleuse et rentable. Mais James Gray s'épargne ces foutaises pour se concentrer sur ses personnages, sur son histoire, et sur sa mise en scène. Dans un film par ailleurs brutalement émouvant il se permet des choses somme toute assez banales (quid du regard caméra) mais qui sont devenues si rares aujourd'hui, employées avec conviction et talent, qu'elles offrent un bol d'air d'audace et d'idées.
Two Lovers de James Gray avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw et Isabella Rossellini (2008)
C'est aussi le film de James Gray (à ce jour) qui ne s'encombre plus d'histoires policières un peu pâteuses, prétextes à des portraits efficaces mais distants. Dans ce film il fait place et entièrement place à la comédie humaine, et si ça n'est pas gai gai, c'est au moins Gray Gray, c'est en tout cas ultra poignant, et il en ressort quelque chose d'aussi précis que solide. James Gray ne s'embête pas avec les poncifs à la mode, tous plus désolants les uns que les autres. Dans son film, il y aurait mille occasions de faussement surprendre le spectateur, de faire mentir les personnages en leur créant des secrets de polichinelle et des cachoteries surfaites, il y aurait mille aubaines de créer du suspense superflu ou de laisser s'immiscer des intrigues secondaires tortueuses et saugrenues pour ne pas perdre l'attention du spectateur demeuré bercé à la série télé racoleuse et rentable. Mais James Gray s'épargne ces foutaises pour se concentrer sur ses personnages, sur son histoire, et sur sa mise en scène. Dans un film par ailleurs brutalement émouvant il se permet des choses somme toute assez banales (quid du regard caméra) mais qui sont devenues si rares aujourd'hui, employées avec conviction et talent, qu'elles offrent un bol d'air d'audace et d'idées.
Two Lovers de James Gray avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow, Vinessa Shaw et Isabella Rossellini (2008)