11 février 2008

Cloverfield

Vous avez dû en entendre parler ou croiser cette affiche dans la rue : voici donc Cloverfield, le film qui a connu un gros buzz sur internet longtemps avant sa sortie tout simplement parce que la campagne publicitaire consistait plus ou moins à ne rien dire de l'intrigue, voire même à fournir de fausses pistes pour aguicher le futur spectateur, tout en dévoilant peu à peu des teasers et trailers équivoques. Il a été question à un moment donné (et je crois même que c'est toujours le cas !) que l'intrigue soit intimement liée à celle de Lost, vu que le film est produit par le même J-J Abrams et écrit par un scénariste de la série. Donc là encore, je conseille aux fans de Lost de voir le film pour piger le dénouement de votre feuilleton préféré. Ça serait dommage de ne plus rien comprendre après avoir raté un épisode charnière qui passait pourtant sur grand écran à deux pas de chez vous. Je dis ça, je dis rien, mais je vous préviens. Il se peut également que les gens chargés de faire la publicité du film aient eu l'idée de le relier à la série pour ameuter ses spectateurs (déjà nombreux) en salles, ce serait une méthode assez espiègle mais plutôt brillante pour empocher le plus de pognon possible. Bref.



Jean-Jacques Abrahams a finalement concédé, au cours d'une interview marathon qui dura plus de 72 heures accordée à un journaliste réputé pour ses pratiques brutales, que derrière le titre énigmatique de "Cloverfield" (littéralement "champ de trèfles") se cachait tout simplement l'histoire d'un gros monstre attaquant New-York. Ce journaliste, de réputation redoutable, est désormais prisonnier car il a immédiatement sauté à la gorge poilue d'Abrams après avoir entendu ça. Il espérait sans doute mieux. On le comprend. Il prépare son évasion et espère tout de même sortir à temps pour aller voir le film sur grand écran. Histoire de continuer à entourer le projet d'un voile mystérieux malgré des fuites de plus en plus régulières, l'aspect du monstre fut gardé secret ; alors les hypothèses s'accumulaient et apparaissaient même de nombreux fakes disponibles à droite à gauche sur la toile. Il a également été question durant la campagne menée sur le web que la bestiole du film soit le fameux Cthulhu, fort bien connu par les lecteurs de Lovecraft. Grand heureusement ça n'a rien à voir avec Lovecraft, mais alors rien du tout. Ouf.




L'histoire est donc celle, toute simple, d'une bestiole qui attaque New-York ; la seule originalité du film réside dans le fait que toute l'action est filmée du point de vue d'une bande de jeunes auxquels les 20 premières minutes tentent de nous attacher. Sans grand succès, les personnages étant assez stéréotypés et leurs histoires de cœur nous intéressant finalement fort peu. L'un des jeunes, le plus bête d'entre eux mais celui qui s'avèrera le plus agile à la caméra, s'obligera donc à filmer toute l'aventure dans le seul souci de laisser un témoignage vidéo (ce qu'il prend le temps d'expliquer rapidement en pleine émeute, pour donner une justification valable au spectateur). Curieusement, il fait ça avec un sérieux à toute épreuve et un réel savoir-faire ; il mettra même souvent sa vie en danger dans le simple but de continuer à filmer. Chapeau Hud. Hud c'est son prénom ; diminutif de Hudson, en référence au fleuve dans lequel s'est noyée sa mère en le mettant au monde. On ne choisit pas sa famille.




Ce parti pris d'avoir filmé tout ça en vue subjective est le principal et le plus grand atout du film. C'est ce qui permet de s'immerger dans l'histoire et de "participer" à l'expérience qu'est la vision de ce long métrage. Quand on joue un peu le jeu, il est en effet difficile de ne pas avoir l'impression d'être vraiment avec eux pendant l'attaque, en pleine panique. Et quand on est dans une salle sombre dotée d'une sonorité idéale, entouré d'individus qui semblent totalement captivés, il ne faut pas faire beaucoup d'effort pour rentrer dans le film. Celui-ci met un peu de temps à débuter, on a droit à 15-20 minutes d'une fête entre jeunes new-yorkais. C'est peut-être assez laborieux mais ça ne m'a personnellement pas trop ennuyé (le temps a semblé bien plus long pour Rémi). Peut-être est-ce fait pour endormir un peu le spectateur et mieux le surprendre lors du grand badaboum qui marque l'arrivée de la créature ? On en saura très peu sur celle-ci, et c'est une autre qualité du film (je préfère ça à des explications ridicules). Elle est juste hideuse, haute comme un immeuble et a l'air autant paniqué que les pauvres gens qui circulent entre ses pattes et au milieu des dégâts qu'elle cause.




J'ai trouvé le début de l'attaque très réussi, on est tout de suite captivé. Hélas le film a ensuite le défaut de se dérouler un peu comme une sorte de jeu vidéo : il donne la triste impression que ses personnages franchissent des étapes successives, à la poursuite d'un unique but qui plus est très idiot. Ainsi on les retrouve sur le pont lors de sa destruction, puis dans le sous-sol du métro attaqués par d'autres petits monstres (tout à fait inutiles et pas mal ratés ceux-la) que la grosse bête trimballait sur son dos, puis on les suit jusqu'à l'escalade d'un immeuble à l'allure encore moins rassurante que la Tour de Pise, tentant de se frayer un chemin pour accomplir leur objectif égoïste : sauver la bien-aimée du personnage principal. Difficile de croire à tous ces personnages qui adoptent un comportement si illogique dans une situation où l'on penserait plutôt à sauver sa propre peau...




Malgré cela Cloverfield reste un film de monstre / film catastrophe très correct et je pense qu'il décevra rarement les spectateurs venus là pour ça. Le voir s'apparente un peu à une sorte d'attraction dans une fête foraine, un tour de manège et puis s'en va. C'est un peu creux et c'est un exercice bien vain ; mais certains en raffolent... tandis que d'autres ne pensent même pas à tenter le coup. C'est dommage car il aurait sans doute été possible de faire beaucoup mieux avec cette même idée de vue subjective appliquée à un film catastrophe. Cloverfield s'égare trop souvent dans des histoires attachées à des personnages dont on se fout pas mal, souffre de trop d'incohérences et d'un déroulement finalement assez commun malgré la façon dont il est filmé. Il paraît qu'après le générique de fin le film continue brièvement avec une courte vidéo qui laisse à penser que le monstre est toujours en pleine forme malgré la centaine d'obus qu'il a pris dans la tronche. Le film ayant coûté "seulement" 25 millions de dollars et ayant déjà rapporté trois fois la mise, on peut s'imaginer qu'on croisera à nouveau une grosse bestiole sur nos écrans d'ici très peu de temps et qu'on comprendra peut-être d'où elle vient et pourquoi elle ne craint pas les balles, si d'ici là ça nous intéresse encore...


Cloverfield de Matt Reeves avec Lizzy Kaplan et Michael Stahl-David (2008)