Attention, film de dingue ! Film malade ou film de malades. Comme vous voulez. Une chose est sûre, on ne ressort pas tout à fait indemne de la vision de Wake in Fright, cet étrange film australien que l'on doit au canadien Ted Kotcheff (plus connu pour avoir réalisé le premier Rambo). Longtemps resté inédit en VHS et DVD, évidemment invisible sur petit écran, le film de Kotcheff a été redécouvert récemment, en 2009, à l'occasion de son édition en DVD et blu-ray dans une sublime version restaurée et remasterisée, et devrait même bientôt trouver distributeur en France. Il le méritait amplement ! Sa si enviable et sulfureuse réputation de chef d’œuvre obscur du cinéma australien peut désormais être mise à l'épreuve. Et, malgré le poids de celle-ci, force est de constater que nous ne sommes pas déçus, mais plutôt sonnés, abasourdis, et convaincus que ce statut de film culte n'est pour une fois pas du tout usurpé.
Wake in Fright est une oeuvre définitivement à part qui, immédiatement, parvient à nous plonger dans une ambiance poisseuse, étouffante et putride que l'on ne quittera jamais. Dès son plan d'ouverture, un lent et beau panoramique sur une immensité orange éclatante, seulement traversée par une voie de chemin de fer et écrasée par un soleil de plomb, on est scotché. Dès ses premières minutes, où l'on est introduit dans le silence complet d'une salle de classe assommée par la chaleur, attendant seulement la sonnerie libératrice qui annoncera les vacances, on est fasciné, car déjà transporté en un terrain méconnu, face à un film dont on se doute déjà qu'il sera différent, comparable à aucun autre. On y suit la lente et terrible descente aux enfers d'un jeune instituteur affecté à un bled paumé de l'outback australien qui désire profiter des vacances scolaires pour rejoindre sa petite amie à Sidney. Mais le voyage vers la grande ville n'est pas aussi simple que prévu et il ignore que ses congés seront pour lui une parenthèse cauchemardesque qui le marquera à jamais. Emporté par la douce folie barbare des individus qu'il rencontrera et noyé dans la décadence feutrée des bleds où il se paumera, le pauvre homme va progressivement sombrer, perdre tous ses repères et le moindre contact avec le monde civilisé.
On ne sait pas vraiment ce qui animait le réalisateur Ted Kotcheff quand il a tourné ce long métrage, mais en le regardant, on se dit que ça n'est pas vraiment étonnant qu'il ait été l'homme d'un seul film (même si le premier Rambo a ses ardents défenseurs et ne doit pas être associé à la bêtise et à la médiocrité de ses suites). Le cinéaste a l'air d'y avoir tout mis. Toute sa rage et tout son talent. Le film, bien qu'on ne sache jamais où il nous amène, paraît entièrement maîtrisé, du début à la fin. Les scènes s'allongent souvent anormalement, durent quelques minutes de trop, pour mieux finir par nous enivrer. Le rythme décontenance totalement. Le style sec et précis de Kotcheff semble déterminé par une motivation inhabituelle. On alterne les scènes de débauche démentes faites de rencontres insolites avec des moments plus calmes où la raison reprend temporairement le dessus, et avec elle un nouveau dynamisme, toujours très éphémère. Le film paraît coincé dans un surplace déconcertant, sans logique apparente. Nous sommes malmenés comme le personnage principal, qui passe du désespoir le plus complet à l'euphorie totale, et replonge dès qu'il semble remonter la pente. Le plus haut niveau de bizarrerie est atteint lors de cette scène hallucinante de chasse aux kangourous, où les pauvres bestioles se révoltent quand les chasseurs décident de s'en prendre à elles mano à mano pour honorer quelque pari ridicule. On regarde tout ça les yeux grands ouverts, terrassé. Après ça, vous ne regarderez plus jamais nos amis sautillants de la même façon, je vous le garantis...
Wake in Fright est un titre inclassable, que l'on peut peut-être situer quelque part entre Delivrance, Massacre à la tronçonneuse et Apocalypse Now, mais tout cela est bien vague et n'éclaire en rien. C'est un vrai trip à la puissance toujours intacte qui exige des nerfs solides et dont le réalisme sordide ne manquera pas de vous atteindre profondément. C'est une œuvre d'une rare fureur signée par un réalisateur alors touché par la grâce ou la folie et également portée par des acteurs habités, à commencer par le grand Donald Pleasance tout bonnement génial dans le rôle d'un personnage qui apparaît d'abord comme l'unique refuge civilisé au milieu de la sauvagerie ambiante mais qui se révèlera finalement être le plus cinglé de tous. Doublement salué au festival de Cannes, une première fois, en compétition, en 1971, où il reçut un accueil très favorable, et une deuxième fois sous l'impulsion de Martin Scorsese, fan absolu du film, dans le cadre de Cannes Classic à l'occasion de sa restauration, Wake in Fright est une œuvre unique en son genre qu'il est grand temps d'intégrer une bonne fois pour toutes au panthéon des films les plus fous et bizarres jamais produits.
Wake in Fright est une oeuvre définitivement à part qui, immédiatement, parvient à nous plonger dans une ambiance poisseuse, étouffante et putride que l'on ne quittera jamais. Dès son plan d'ouverture, un lent et beau panoramique sur une immensité orange éclatante, seulement traversée par une voie de chemin de fer et écrasée par un soleil de plomb, on est scotché. Dès ses premières minutes, où l'on est introduit dans le silence complet d'une salle de classe assommée par la chaleur, attendant seulement la sonnerie libératrice qui annoncera les vacances, on est fasciné, car déjà transporté en un terrain méconnu, face à un film dont on se doute déjà qu'il sera différent, comparable à aucun autre. On y suit la lente et terrible descente aux enfers d'un jeune instituteur affecté à un bled paumé de l'outback australien qui désire profiter des vacances scolaires pour rejoindre sa petite amie à Sidney. Mais le voyage vers la grande ville n'est pas aussi simple que prévu et il ignore que ses congés seront pour lui une parenthèse cauchemardesque qui le marquera à jamais. Emporté par la douce folie barbare des individus qu'il rencontrera et noyé dans la décadence feutrée des bleds où il se paumera, le pauvre homme va progressivement sombrer, perdre tous ses repères et le moindre contact avec le monde civilisé.
On ne sait pas vraiment ce qui animait le réalisateur Ted Kotcheff quand il a tourné ce long métrage, mais en le regardant, on se dit que ça n'est pas vraiment étonnant qu'il ait été l'homme d'un seul film (même si le premier Rambo a ses ardents défenseurs et ne doit pas être associé à la bêtise et à la médiocrité de ses suites). Le cinéaste a l'air d'y avoir tout mis. Toute sa rage et tout son talent. Le film, bien qu'on ne sache jamais où il nous amène, paraît entièrement maîtrisé, du début à la fin. Les scènes s'allongent souvent anormalement, durent quelques minutes de trop, pour mieux finir par nous enivrer. Le rythme décontenance totalement. Le style sec et précis de Kotcheff semble déterminé par une motivation inhabituelle. On alterne les scènes de débauche démentes faites de rencontres insolites avec des moments plus calmes où la raison reprend temporairement le dessus, et avec elle un nouveau dynamisme, toujours très éphémère. Le film paraît coincé dans un surplace déconcertant, sans logique apparente. Nous sommes malmenés comme le personnage principal, qui passe du désespoir le plus complet à l'euphorie totale, et replonge dès qu'il semble remonter la pente. Le plus haut niveau de bizarrerie est atteint lors de cette scène hallucinante de chasse aux kangourous, où les pauvres bestioles se révoltent quand les chasseurs décident de s'en prendre à elles mano à mano pour honorer quelque pari ridicule. On regarde tout ça les yeux grands ouverts, terrassé. Après ça, vous ne regarderez plus jamais nos amis sautillants de la même façon, je vous le garantis...
Wake in Fright est un titre inclassable, que l'on peut peut-être situer quelque part entre Delivrance, Massacre à la tronçonneuse et Apocalypse Now, mais tout cela est bien vague et n'éclaire en rien. C'est un vrai trip à la puissance toujours intacte qui exige des nerfs solides et dont le réalisme sordide ne manquera pas de vous atteindre profondément. C'est une œuvre d'une rare fureur signée par un réalisateur alors touché par la grâce ou la folie et également portée par des acteurs habités, à commencer par le grand Donald Pleasance tout bonnement génial dans le rôle d'un personnage qui apparaît d'abord comme l'unique refuge civilisé au milieu de la sauvagerie ambiante mais qui se révèlera finalement être le plus cinglé de tous. Doublement salué au festival de Cannes, une première fois, en compétition, en 1971, où il reçut un accueil très favorable, et une deuxième fois sous l'impulsion de Martin Scorsese, fan absolu du film, dans le cadre de Cannes Classic à l'occasion de sa restauration, Wake in Fright est une œuvre unique en son genre qu'il est grand temps d'intégrer une bonne fois pour toutes au panthéon des films les plus fous et bizarres jamais produits.
Réveil dans la terreur (Wake in Fright) de Ted Kotcheff avec Gary Bond, Donald Pleasance, Chips Rafferty, Sylvia Kay et Jack Thompson (1971)
Ca donne bigrement envie !
RépondreSupprimerGrave !
SupprimerCa donne enviement grave !
RépondreSupprimerBigre !
Supprimerha ben vous voyez, quand vous cherchez un peu, vous pouvez nous redonner envie de voir des films graves.
RépondreSupprimerJ'ai découvert ce film hier soir et j'ai pris une sacrée claque.... J'écouterai plus souvent tes conseils Félix!!
RépondreSupprimergod this film, lurid and sweltering and dark. horror films where human nature is the horror = best always...
RépondreSupprimerWake in Fright est un très, très, très grand film.
RépondreSupprimerLe livre de Kenneth Cook dont est très fidèlement tiré le film est publié en français sous le titre "Cinq matins de trop". Classique
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