Ne vous y méprenez pas : Pig n'est pas un énième film de vengeance 
bas de plafond où un homme qu'il ne fallait pas venir chatouiller se 
voit retirer son être le plus cher ou son bien le plus précieux (en 
l'occurrence, les deux : un cochon truffier), puis, animé d'une rage folle, se lance 
dans une croisade sanglante, seul contre tous, écrasant tout sur son passage, pour
 punir les imprudents malfaiteurs. 
Parfois mal vendu, comme s'il s'agissait encore d'un John Wick bis où Keanu 
Reeves serait remplacé par Nicolas Cage et le beagle du premier film par 
un cochon, Pig vaut en réalité beaucoup mieux que ça et pourra surprendre ceux qui espéraient voir l'acteur abonné aux séries b partir en roues libres et 
commettre un nouveau carnage. L'idée du film, le truc, la trouvaille de 
Michael Sarnoski, c'est de substituer la drogue par... la truffe. La 
truffe, oui, ce champignon délicieux particulièrement apprécié des plus 
fins gourmets que l'on trouve au fond des bois humides, avec chance 
ou avec l'aide d'un chien ou d'un cochon truffier. Et le film, drame 
intimiste déguisé en parodie de néo-noir, part seulement là-dessus, sur 
ce décalage amusant mais fragile, qu'il parvient toutefois à tenir 
jusqu'au bout car, heureusement, le réalisateur et scénariste ne se 
limite pas à cet effet comique intermittent et prend surtout soin de 
développer un personnage principal attachant et fouillé, dont on 
comprend progressivement les motivations en même temps que l'on découvre
 son lourd passé. C'est un vieux loup solitaire mutique, appelé à quitter sa cabane perdue dans l'Oregon pour les bas-fonds de Portland, auquel Nicolas Cage donne parfaitement vie. 
 
Certains se foutent de la gueule de Cage, mais combien d'acteurs américains de sa 
génération continuent de tourner dans des films intéressants ? Combien 
se mouillent à sa façon, produisent des jeunes cinéastes prometteurs ou 
s'en vont loin d'Hollywood jouer pour des auteurs à la personnalité bien
 trempée ? J'en vois pas trop... Alors certes, sa filmographie est une 
montagne où les pépites sont rares, mais elles existent, et le gars est 
toujours là, dans le coup, polissant son statut d'acteur culte avec une 
conscience de lui-même et une autodérision sans équivalent aujourd'hui. 
Pig ajoute une ligne de plus à sa légende. Nicolas Cage est parfait dans 
la peau tuméfiée de ce vieux sage qui a tout perdu, à peine animé par 
une philosophie de vie au relativisme désarmant, prêt à encaisser tous 
les coups qu'il faudra pour remettre la main sur l'une des rares choses 
auxquelles il tenait vraiment. On a la nette impression que l'acteur, 
autant que son réalisateur, se plait à déjouer les attentes et incarne, 
avec malice, ce rôle tout en retenue, loin des exubérances dont on le 
sait capable à tout moment, fascinant et attachant volcan éteint. Le 
pitch a sans doute tapé dans l’œil de la star et il y a fort à parier 
que Sarnoski a écrit le scénario en ayant en tête les rôles habituels de
 Cage. C'est malin, tout le monde en sort gagnant. Si le film, par trop 
solennel, manque quelques fois de légèreté et se complaît par moments 
dans une langueur qui pourra en laisser quelques-uns sur le carreau, il n'en
 reste pas moins le portrait d'un reclus assez touchant et original, qui
 réserve même quelques jolies scènes, où le talent du cinéaste et de son
 acteur vedette ne font aucun doute, et son petit lot de situations 
amusantes, où les codes du film noir sont astucieusement chamboulés. En 
bref, une belle curiosité.
Pig de Michael Sarnoski avec Nicolas Cage, Alex Wolff et Adam Arkin (2021)
 


 
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