Pages

28 octobre 2021

Pig

Ne vous y méprenez pas : Pig n'est pas un énième film de vengeance bas de plafond où un homme qu'il ne fallait pas venir chatouiller se voit retirer son être le plus cher ou son bien le plus précieux (en l'occurrence, les deux : un cochon truffier), puis, animé d'une rage folle, se lance dans une croisade sanglante, seul contre tous, écrasant tout sur son passage, pour punir les imprudents malfaiteurs. Parfois mal vendu, comme s'il s'agissait encore d'un John Wick bis où Keanu Reeves serait remplacé par Nicolas Cage et le beagle du premier film par un cochon, Pig vaut en réalité beaucoup mieux que ça et pourra surprendre ceux qui espéraient voir l'acteur abonné aux séries b partir en roues libres et commettre un nouveau carnage. L'idée du film, le truc, la trouvaille de Michael Sarnoski, c'est de substituer la drogue par... la truffe. La truffe, oui, ce champignon délicieux particulièrement apprécié des plus fins gourmets que l'on trouve au fond des bois humides, avec chance ou avec l'aide d'un chien ou d'un cochon truffier. Et le film, drame intimiste déguisé en parodie de néo-noir, part seulement là-dessus, sur ce décalage amusant mais fragile, qu'il parvient toutefois à tenir jusqu'au bout car, heureusement, le réalisateur et scénariste ne se limite pas à cet effet comique intermittent et prend surtout soin de développer un personnage principal attachant et fouillé, dont on comprend progressivement les motivations en même temps que l'on découvre son lourd passé. C'est un vieux loup solitaire mutique, appelé à quitter sa cabane perdue dans l'Oregon pour les bas-fonds de Portland, auquel Nicolas Cage donne parfaitement vie.


 
 
Certains se foutent de la gueule de Cage, mais combien d'acteurs américains de sa génération continuent de tourner dans des films intéressants ? Combien se mouillent à sa façon, produisent des jeunes cinéastes prometteurs ou s'en vont loin d'Hollywood jouer pour des auteurs à la personnalité bien trempée ? J'en vois pas trop... Alors certes, sa filmographie est une montagne où les pépites sont rares, mais elles existent, et le gars est toujours là, dans le coup, polissant son statut d'acteur culte avec une conscience de lui-même et une autodérision sans équivalent aujourd'hui. Pig ajoute une ligne de plus à sa légende. Nicolas Cage est parfait dans la peau tuméfiée de ce vieux sage qui a tout perdu, à peine animé par une philosophie de vie au relativisme désarmant, prêt à encaisser tous les coups qu'il faudra pour remettre la main sur l'une des rares choses auxquelles il tenait vraiment. On a la nette impression que l'acteur, autant que son réalisateur, se plait à déjouer les attentes et incarne, avec malice, ce rôle tout en retenue, loin des exubérances dont on le sait capable à tout moment, fascinant et attachant volcan éteint. Le pitch a sans doute tapé dans l’œil de la star et il y a fort à parier que Sarnoski a écrit le scénario en ayant en tête les rôles habituels de Cage. C'est malin, tout le monde en sort gagnant. Si le film, par trop solennel, manque quelques fois de légèreté et se complaît par moments dans une langueur qui pourra en laisser quelques-uns sur le carreau, il n'en reste pas moins le portrait d'un reclus assez touchant et original, qui réserve même quelques jolies scènes, où le talent du cinéaste et de son acteur vedette ne font aucun doute, et son petit lot de situations amusantes, où les codes du film noir sont astucieusement chamboulés. En bref, une belle curiosité.


Pig de Michael Sarnoski avec Nicolas Cage, Alex Wolff et Adam Arkin (2021)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire