
Où est Charlie ?
Tout un tas d'enfants sont donc réunis dans la grande Maison Bouddha et vont suivre une initiation au bouddhisme, ce qui est bien évidemment l'occasion pour Bernardo Bouddhalucci de nous tenir tout un discours pompant sur les différences entre les cultures, à base de un gros vaut mieux que deux maigres, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, l'argent ne fait pas le boner, et compagnie. On a droit à mille poncifs sur les valeurs bouddhistes, servis dans une tambouille qu'on nous a déjà servie cent fois. Rappelons que le film a été réalisé dans une période un peu bouddha sur les bords, et surtout très grunge, où les occidentaux n'avaient que le mot "nirvana" à la bouche, d'où la tentation d'aller fricoter du côté des indiens et du bouddhisme pour choper le marbre à tout jamais.
Entre-temps nous est racontée l'histoire du grand Bouddha, ou plutôt du prince Siddârtha, avant qu'il n'atteigne l'éveil et devienne ainsi Das Gros Bouddha pur et parfait. A l'époque Richard Gere était au top de sa forme, il pétait les flammes, ce rôle était fait pour lui, malheureusement il n'est pas dans le film. C'est Keanu Reeves qui incarne Siddârtha. Pourtant l'acteur eurasien le plus nul de sa génération ne ressemble pas franchement à un sumo, mais un Gros Bouddha souriant et obèse aux grandes oreilles qui traînent par terre n'ameute pas les foules, tandis qu'un playboy aux yeux légèrement bridés et au teint halé, oui. Donc Siddhârta est beau gosse, svelte, émacié, épilé et bronzé. C'est un surfer gay. On apprend dans ce film que si Bouddha avait souvent les jambes croisées, ce n'était pas pour prier mais pour se détendre les valises. Car Keanu Reeves tire tout ce qui bouge à l'écran, et il se fait littéralement liposucer dans ce film, d'où le nom de la position dite du "tailleur". La sexualité n'est pas que suggérée puisque le scénario nous apprend que la mère de Siddârtha a été fécondée par un grand éléphant blanc à six trompes. Malheureusement la scène n'apparaît pas dans ce softcore flick.
On peut quand même émettre quelques doutes sur un casting où Reeves est rejoint par le chanteur à minettes Chris Isaak dans le rôle du papa du futur petit bouddha. Le crooner à belle gueule joue cependant mieux la comédie que l'élu, qui après avoir déjà craché entre les pieds du mot "interprétation" dans le Dracula de Coppola l'année précédente, massacre le mot "comédie" dans chaque scène de ce film, et pourtant il y a des scènes extra dans Little Buddha : celle où Reeves est abrité de la pluie par un serpent cobra en latex qui élargit sa crête façon parapluie, celle où l'acteur galope sur des nénuphars, et tant d'autres. Quand on le découvre à 13 ans, le film a de quoi séduire en nous présentant une religion basée sur un mysticisme transcendantal loin de nos monothéismes répressifs et punitifs, mais Little Bouddha, comme la plupart des films de Bertolucci, consiste néanmoins en un clip indigeste pseudo-séduisant de touriste définitivement occidental aux inspirations esthétiques en berne. Little Bouddha, le supo qui fond dans le cul, pas dans les doigts, est un film Télé 7 Jours du dimanche soir encore inédit à la télévision.
Little buddha de Bernardo Bertolucci avec Keanu Reeves et Chris Isaak (1993)

Little buddha de Bernardo Bertolucci avec Keanu Reeves et Chris Isaak (1993)