En 1970, George C. Scott est au zénith de sa carrière. Fraîchement 
auréolé d'un Oscar pour son incarnation mémorable du général Patton – Oscar qu'il se permit de refuser arguant, à raison, de l'absurdité de 
telles récompenses – l'acteur pense enfin avoir trouvé le rôle à la 
Bogart dont il a toujours rêvé dans ce scénario signé Alan Sharp 
intitulé The Last Run. C'est d'abord John Huston qui doit s'atteler à la
 réalisation mais suite à une rixe avec l'acteur-star liée à des 
différends artistiques inconciliables, le cinéaste passe la main et 
c'est l'homme-à-tout-faire et stakhanoviste Richard Fleischer qui 
reprend le travail. Entre lui et George C. Scott, le courant passe 
beaucoup mieux, mais ça coince encore entre notre légendaire terreur des
 plateaux et l'actrice initialement choisie par la production, Tina 
Aumont. Ni une ni deux, Aumont éjecte, remplacée au pied levé par une 
débutante, Trish Van Devere, que Scott prend illico sous son aile. Ils 
tombent amoureux pendant le tournage, malgré la présence de celle qui 
est encore la femme de Scott, Colleen Dewhurst, dans un rôle pour le 
moins ingrat à l'écran comme en dehors. Van Devere et Scott se 
marieront quelques mois plus tard...
Autant
 connu pour sa gestation mouvementée que pour ses modestes qualités 
intrinsèques, The Last Run, 
devenu dans sa version française Les Complices de la dernière chance, 
figurait depuis un sacré bail dans ma watchlist, moi qui suis 
particulièrement friand des prestations bigger than life de George C. 
Scott et connais aussi les talents de l'humble Dick Fleisher. Il s'agit 
de la première collaboration entre les deux hommes, ils remettront le 
couvert dans la foulée pour un autre polar, autrement plus mémorable et 
inspiré, Les Flics ne dorment pas la nuit, que l'on vous conseille en 
priorité. 
 Nous suivons ici un ancien pilote pour braqueurs (George C. Scott) qui 
vit, reclus, dans une petite ville portugaise après avoir perdu, il y a 
des années, femme et enfant. Il décide de reprendre du service en 
acceptant un contrat a priori tranquille qui consiste à conduire 
jusqu'en France un tueur fraîchement évadé et sa jeune fiancée.  
C'est dans 
une ambiance désenchantée et nostalgique, entretenue par les mélodies 
lancinantes de Jerry Goldsmith, que se déroule ce drôle de polar 
mollasson, bien loin du road movie trépidant que son pitch pourrait 
laisser supposer. Et au-delà des quelques coups de sang chers à George 
C. Scott et d'une paire de répliques bien senties, c'est cette espèce de
 voile funèbre omniprésent qui donne à ce film mineur son petit charme 
singulier. Dès les premières minutes, on sent qu'un sombre désespoir 
pèse sur cet homme solitaire et éteint, qui semble ne plus avoir aucun 
but dans la vie, au point de retourner machinalement du mauvais côté de 
la loi, comme s'il n'y avait plus que ça qui pourrait lui procurer un 
dernier frisson. Lors de sa mission, il retrouvera toutefois des 
couleurs face à la compagne du tueur : elle lui laissera entrevoir un 
avenir différent qu'il ne croyait plus possible, mais nous le savons 
tout de même condamné et la fin tragique tombera comme une évidence. 
Le
 scénario, retravaillé maintes fois lors du tournage, s'articule donc 
progressivement autour d'un double enjeu très simple et facile à 
identifier. Cela pourrait permettre à ce polar de rapidement tourner à
 plein régime. Hélas, par manque d'énergie et d'action, The Last Run 
peine à nous emballer comme on l'espèrerait. Notre trio en cavale 
parviendra-t-il à échapper aux autorités et à gagner sa liberté ?
 La jeune femme choisira-t-elle une vie plus posée auprès du vieux loup 
solitaire bientôt définitivement rangé des bagnoles ? Le film de 
Flesicher n'est pas déplaisant à suivre, loin de là, mais il nous maintient dans un 
état de torpeur proche de son héros blasé. Côté action, le bilan est 
mitigé, on a connu Fleischer plus adroit. Nous sommes proches de la 
carsploitation étant donné la place démesurée accordée au véhicule 
conduit par George C. Scott, une BMW 507 cabriolet de 1957 que l'acteur 
répare et pouponne avec soin pendant le générique d'ouverture puis qu'il
 s'en va 
tester sur les routes de la côte portugaise en faisant rugir son moteur – des premières minutes un brin déconcertantes, presque reposantes, qui 
ont pour mérite 
d'annoncer le rythme peinard du film à venir. Les deux trois scènes de 
poursuites en bagnoles qui émaillent ce polar sont étonnamment longues, 
mais pas toujours dingues... On a vu 
tellement mieux ! Et le suspense opère rarement, à l'exception d'une 
scène sympathique où notre héros imperturbable gruge facilement deux 
policiers espagnols en usant du charme de sa passagère et de la naïveté 
d'un autostoppeur croisé en chemin. 
Côté sentimental, nous sommes assez peu 
concernés par le triangle amoureux plutôt original qui se forment 
progressivement sous nos yeux distraits, ceci en raison de la faiblesse 
de l'un des personnages qui le constitue, celui du malfrat relou incarné
 par le trop pâle Tony Musante, comédien italo-américain croisé ces mêmes années chez Dario Argento et Sergio Corbucci dont James Gray se souviendra bien plus tard du visage ténébreux puisqu'il lui offrira des rôles dans les excellents The Yards et We Own the Night. Musante peine ici à exister face à George C. 
Scott et l'un des meilleurs moments du film est sans doute celui où il 
se fait remettre sévèrement en place par la star, avec clé de bras 
doublé d'un étouffement sévère, lors d'une scène délectable qui ne 
paraît guère simulée et laisse s'exprimer la furie qui anime Scott. 
Heureusement, il se passe un truc entre le gros George et sa jolie 
partenaire, 
Trish Van Devere : leur idylle contrariée, à laquelle on aimerait croire 
mais que l'on sait condamnée d'avance, est plutôt touchante. Elle l’est 
d’autant plus quand on sait qu’en réalité, Trish, après être devenue sa 
quatrième épouse, est parvenue à supporter notre cher George jusqu’à la 
fin de ses jours...
Les Complices de la dernière chance de Richard Fleischer avec George C. Scott, Trish Van Devere et Tony Musante (1971)
 






 
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