Le premier plan du film, comme bien d'autres, est très chiadé.
 Une caméra subjective nous fait traverser, à la tombée du jour, la 
lande islandaise plongée dans une épaisse brume bleutée. Nous devinons 
au loin un troupeau d'animaux. Des chevaux. Ils prennent peur à 
l'approche de cette chose à la respiration lourde dont nous épousons 
alors la vue. Puis ce sont les brebis d'une bergerie que le cinéaste 
filme à hauteur de garrot. Nous pouvons lire l'inquiétude et la stupeur 
sur les regards des bêtes visitées, de nuit, par une entité qui demeure 
encore pour nous invisible. Cette introduction plante idéalement le 
décor, fait d'emblée naître le mystère et suscite notre curiosité sans 
forcer. Elle nous amène très simplement dans une atmosphère pesante et 
ténébreuse, teintée d'une légère angoisse, que nous ne quitterons plus. 
Le cinéaste nous montre ensuite le quotidien d'un couple d'éleveurs de 
moutons, portant un regard attentif sur leur travail, en plein agnelage.
 Un beau jour, ils vont aider l'une de leurs brebis à donner naissance à
 un agneau pas tout à fait comme les autres qu'ils vont aussitôt 
s'approprier...
Trois acteurs, un tracteur, du petit bétail, un 
très beau border collie, une ferme coincée dans les majestueux paysages 
d'Islande, des effets spéciaux sobres et réussis pour donner vie au 
personnage-clé du film – dont je tairais la nature, contrairement à l'affiche française minable qui s'aborde le dévoilement progressif de la mise en scène –, et c'est tout. 
Le scénario du premier film de 
Valdimar 
Jóhannsson, coécrit avec Sjón (artiste islandais également 
connu pour ses collaborations avec Björk), que d'aucuns présentent comme
 une fable antispéciste, est des plus minimalistes. Resserré sur 80 
petites minutes, délesté de quelques longueurs et digressions peu 
utiles, Lamb
 fonctionnerait sans doute beaucoup mieux. Car bien longtemps son 
ambiance 
intrigue et captive, grâce à une beauté visuelle de chaque instant, un
duo d'acteurs principaux à la hauteur, en particulier l'ambivalente 
Noomi Rapace, et la promesse d'une envolée fantastique... qui ne vient 
jamais. A mesure qu'il avance, le film patine et échoue à prendre 
l'envergure, même modeste, attendue. 
Percent
 ça et là de discrètes touches d'une folk horror toujours en vogue, qui 
nous mènent vers une fausse piste ; débarque en plein milieu le frère de 
l'homme du couple, qui ne nous mène nulle part ou presque ; mais l'on 
suit tout de même, car le cinéaste, doué, sait ménager ses effets et que l'on 
veut savoir sur quoi cette intrigue si ténue va déboucher.
 Lamb se résume finalement à un petit conte folklorique découpé en 
trois chapitres qui remet l'homme à sa modeste place au sein d'une 
nature souveraine. Derrière le conte se dessine timidement un drame 
familial intimiste, traitant de deuil et d'infertilité, des sujets forts
 et actuels, dont le traitement peinent toutefois à nous emporter. Tout 
cela s'avère en fin de compte bien trop avare en émotions, en tensions 
et 
en explications pour convaincre totalement. L'ultime regard-caméra de 
Noomi Rapace n'y fait rien : son impact est minime, dérisoire. On aurait
 pourtant 
aimé s'emballer pour ce film fantastique singulier, qui révèle un 
cinéaste habile de 
ses mains et met en vedette une créature originale, mais on finit 
presque par comprendre ceux qui, avec amertume et exagération, pointent 
ici du doigt une parodie des 
films de genre distribués par la société indépendante A24. Dommage.
Lamb de Valdimar 
Jóhannsson avec Noomi Rapace, Björn Hlynur Haraldsson, Hilmir Snær Guðnason et Ingvar Eggert Sigurðsson (2021)
 
 
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