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24 décembre 2021

Lamb

Le premier plan du film, comme bien d'autres, est très chiadé. Une caméra subjective nous fait traverser, à la tombée du jour, la lande islandaise plongée dans une épaisse brume bleutée. Nous devinons au loin un troupeau d'animaux. Des chevaux. Ils prennent peur à l'approche de cette chose à la respiration lourde dont nous épousons alors la vue. Puis ce sont les brebis d'une bergerie que le cinéaste filme à hauteur de garrot. Nous pouvons lire l'inquiétude et la stupeur sur les regards des bêtes visitées, de nuit, par une entité qui demeure encore pour nous invisible. Cette introduction plante idéalement le décor, fait d'emblée naître le mystère et suscite notre curiosité sans forcer. Elle nous amène très simplement dans une atmosphère pesante et ténébreuse, teintée d'une légère angoisse, que nous ne quitterons plus. Le cinéaste nous montre ensuite le quotidien d'un couple d'éleveurs de moutons, portant un regard attentif sur leur travail, en plein agnelage. Un beau jour, ils vont aider l'une de leurs brebis à donner naissance à un agneau pas tout à fait comme les autres qu'ils vont aussitôt s'approprier...




Trois acteurs, un tracteur, du petit bétail, un très beau border collie, une ferme coincée dans les majestueux paysages d'Islande, des effets spéciaux sobres et réussis pour donner vie au personnage-clé du film – dont je tairais la nature, contrairement à l'affiche française minable qui s'aborde le dévoilement progressif de la mise en scène –, et c'est tout. Le scénario du premier film de Valdimar Jóhannsson, coécrit avec Sjón (artiste islandais également connu pour ses collaborations avec Björk), que d'aucuns présentent comme une fable antispéciste, est des plus minimalistes. Resserré sur 80 petites minutes, délesté de quelques longueurs et digressions peu utiles, Lamb fonctionnerait sans doute beaucoup mieux. Car bien longtemps son ambiance intrigue et captive, grâce à une beauté visuelle de chaque instant, un duo d'acteurs principaux à la hauteur, en particulier l'ambivalente Noomi Rapace, et la promesse d'une envolée fantastique... qui ne vient jamais. A mesure qu'il avance, le film patine et échoue à prendre l'envergure, même modeste, attendue.




Percent ça et là de discrètes touches d'une folk horror toujours en vogue, qui nous mènent vers une fausse piste ; débarque en plein milieu le frère de l'homme du couple, qui ne nous mène nulle part ou presque ; mais l'on suit tout de même, car le cinéaste, doué, sait ménager ses effets et que l'on veut savoir sur quoi cette intrigue si ténue va déboucher. Lamb se résume finalement à un petit conte folklorique découpé en trois chapitres qui remet l'homme à sa modeste place au sein d'une nature souveraine. Derrière le conte se dessine timidement un drame familial intimiste, traitant de deuil et d'infertilité, des sujets forts et actuels, dont le traitement peinent toutefois à nous emporter. Tout cela s'avère en fin de compte bien trop avare en émotions, en tensions et en explications pour convaincre totalement. L'ultime regard-caméra de Noomi Rapace n'y fait rien : son impact est minime, dérisoire. On aurait pourtant aimé s'emballer pour ce film fantastique singulier, qui révèle un cinéaste habile de ses mains et met en vedette une créature originale, mais on finit presque par comprendre ceux qui, avec amertume et exagération, pointent ici du doigt une parodie des films de genre distribués par la société indépendante A24. Dommage.
 
 
Lamb de Valdimar Jóhannsson avec Noomi Rapace, Björn Hlynur Haraldsson, Hilmir Snær Guðnason et Ingvar Eggert Sigurðsson (2021)

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