Encore un bien beau film à mettre à l'actif de Hirokazu Kore-Eda qui traite avec toute la délicatesse qu'on lui connaît cette histoire de gamins échangés à la naissance entre deux familles que presque tout oppose. Bien que l'on ait très souvent loué la tendresse et la justesse de son regard sur les enfants qu'il met en scène, c'est cette fois-ci sur un personnage d'adulte que le cinéaste nippon choisit de se concentrer essentiellement : un père un peu paumé, remettant progressivement en question ses nombreuses certitudes, à commencer par sa conception de son rôle paternel, quand il apprend que son seul fils ne partage pas son sang.
A partir d'un tel point de départ, le traitement de Kore-Eda pourra en surprendre et peut-être en décevoir quelques-uns. Tel père, tel fils est moins directement émouvant que son précédent film, I Wish, et ne contient pas les mêmes fulgurances poétiques. Il est peut-être davantage à rapprocher du sublime Still Walking, avec lequel il partage plus de similitudes et de réflexions communes sur la famille et ces rapports, riches en non-dits, entre les parents et leurs enfants. Mais ces comparaisons sont de toutes façons bien vaines tant rien ne ressemble plus à un film de Kore-Eda qu'un autre film de Kore-Eda ! La patte du cinéaste est en effet reconnaissable entre mille. Nul autre que lui ne saurait raconter d'une si douce manière cette belle éclosion d'un père, en faisant preuve d'un regard plein de tact et de finesse pour un homme (brillamment interprété par le beau Masaharu Fukuyama) que l'on pourrait aisément trouver antipathique ailleurs, et tout en parvenant, dans le même temps, à ne délaisser aucun autre personnage, à tous les faire joliment exister, dans leurs joies, leurs tristesses, leurs réflexions et leurs doutes respectifs.
Cependant, on pourrait presque considérer que les enfants sont cette fois-ci relégués au second plan, après avoir été les protagonistes de Nobody Knows et I Wish. Mais ce serait faire erreur, car l'une des plus grandes réussites de Kore-Eda réside ici dans sa façon discrète et magnifique de filmer le regard que posent les enfants sur les adultes, sur leurs parents. Ce n'est pas, il me semble, quelque chose que l'on voit très souvent au cinéma et il ne doit pas être évident de parvenir à saisir cela avec une telle acuité, mais le cinéaste y parvient et cela donne lieu aux plus belles scènes de son nouveau film, à des moments parfois très fugaces où Kore-Eda réussit à capter l'indicible. Le talent des acteurs, tous irréprochables, n'y est évidemment pas pour rien non plus.
Si ses choix pourront donc décontenancer, il faut aussi souligner que Kore-Eda ne tombe jamais dans la facilité. Il pourrait nous montrer, de façon alternée, par vignettes ludiques successives, la vie des deux petits garçons une fois arrivés dans leurs nouvelles familles, en insistant avec humour sur les différences de celles-ci. Car les deux familles ont bien sûr quelque chose d'archétypale, mais jamais le réalisateur ne baigne dans cette caricature qui serait bien commode pour susciter le rire. On peut évidemment rire et sourire quelques fois devant Tel père, tel fils, mais cet humour, toujours léger, né des réactions naturelles de personnages réellement touchants et de petites choses qui sonnent tout à fait juste. Kore-Eda pourrait aussi s'épancher avec emphase sur le vécu intérieur des enfants ou de leur parents, plongés au cœur de ce qu'ils vivraient alors comme un véritable drame, en y allant franco sur le pathos afin de provoquer les larmes. Mais nous sommes bien loin de tout ça, car Kore-Eda a l'intelligence de ne jamais perdre le cap qu'il s'est fixé, celui, subtil et inattendu, qui finalement lui ressemble tant. A travers cette histoire d'apparence très simple, Tel père, tel fils apparaît en fin de compte d'une grande richesse et parvient ainsi facilement à dépasser son sujet et à l'universaliser sans effort.
Contrairement à ce qu'ont pu me faire redouter certaines réactions cannoises, Tel père, tel fils est donc un film où l'on retrouve tout ce que l'on aime chez Kore-Eda, et surtout cette infinie humilité et cette rare douceur à laquelle il nous a habitués. Il n'est pas étonnant que ce film, couronné du Prix du Jury au dernier festival de Cannes, ait tapé dans l’œil du président d'alors, Steven Spielberg. Ce dernier en aurait même acheté les droits en vue d'un remake hollywoodien. Et là, par contre, il y a tout à craindre tant sont rares les cinéastes aussi sensibles et délicats que le précieux Hirokazu Kore-Eda.
A partir d'un tel point de départ, le traitement de Kore-Eda pourra en surprendre et peut-être en décevoir quelques-uns. Tel père, tel fils est moins directement émouvant que son précédent film, I Wish, et ne contient pas les mêmes fulgurances poétiques. Il est peut-être davantage à rapprocher du sublime Still Walking, avec lequel il partage plus de similitudes et de réflexions communes sur la famille et ces rapports, riches en non-dits, entre les parents et leurs enfants. Mais ces comparaisons sont de toutes façons bien vaines tant rien ne ressemble plus à un film de Kore-Eda qu'un autre film de Kore-Eda ! La patte du cinéaste est en effet reconnaissable entre mille. Nul autre que lui ne saurait raconter d'une si douce manière cette belle éclosion d'un père, en faisant preuve d'un regard plein de tact et de finesse pour un homme (brillamment interprété par le beau Masaharu Fukuyama) que l'on pourrait aisément trouver antipathique ailleurs, et tout en parvenant, dans le même temps, à ne délaisser aucun autre personnage, à tous les faire joliment exister, dans leurs joies, leurs tristesses, leurs réflexions et leurs doutes respectifs.
Cependant, on pourrait presque considérer que les enfants sont cette fois-ci relégués au second plan, après avoir été les protagonistes de Nobody Knows et I Wish. Mais ce serait faire erreur, car l'une des plus grandes réussites de Kore-Eda réside ici dans sa façon discrète et magnifique de filmer le regard que posent les enfants sur les adultes, sur leurs parents. Ce n'est pas, il me semble, quelque chose que l'on voit très souvent au cinéma et il ne doit pas être évident de parvenir à saisir cela avec une telle acuité, mais le cinéaste y parvient et cela donne lieu aux plus belles scènes de son nouveau film, à des moments parfois très fugaces où Kore-Eda réussit à capter l'indicible. Le talent des acteurs, tous irréprochables, n'y est évidemment pas pour rien non plus.
Si ses choix pourront donc décontenancer, il faut aussi souligner que Kore-Eda ne tombe jamais dans la facilité. Il pourrait nous montrer, de façon alternée, par vignettes ludiques successives, la vie des deux petits garçons une fois arrivés dans leurs nouvelles familles, en insistant avec humour sur les différences de celles-ci. Car les deux familles ont bien sûr quelque chose d'archétypale, mais jamais le réalisateur ne baigne dans cette caricature qui serait bien commode pour susciter le rire. On peut évidemment rire et sourire quelques fois devant Tel père, tel fils, mais cet humour, toujours léger, né des réactions naturelles de personnages réellement touchants et de petites choses qui sonnent tout à fait juste. Kore-Eda pourrait aussi s'épancher avec emphase sur le vécu intérieur des enfants ou de leur parents, plongés au cœur de ce qu'ils vivraient alors comme un véritable drame, en y allant franco sur le pathos afin de provoquer les larmes. Mais nous sommes bien loin de tout ça, car Kore-Eda a l'intelligence de ne jamais perdre le cap qu'il s'est fixé, celui, subtil et inattendu, qui finalement lui ressemble tant. A travers cette histoire d'apparence très simple, Tel père, tel fils apparaît en fin de compte d'une grande richesse et parvient ainsi facilement à dépasser son sujet et à l'universaliser sans effort.
Contrairement à ce qu'ont pu me faire redouter certaines réactions cannoises, Tel père, tel fils est donc un film où l'on retrouve tout ce que l'on aime chez Kore-Eda, et surtout cette infinie humilité et cette rare douceur à laquelle il nous a habitués. Il n'est pas étonnant que ce film, couronné du Prix du Jury au dernier festival de Cannes, ait tapé dans l’œil du président d'alors, Steven Spielberg. Ce dernier en aurait même acheté les droits en vue d'un remake hollywoodien. Et là, par contre, il y a tout à craindre tant sont rares les cinéastes aussi sensibles et délicats que le précieux Hirokazu Kore-Eda.
Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-Eda avec Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Lily Franky et Yoko Maki (2013)
Bordel ! C'est ce film que je voulais voir au ciné et j'ai du le remplacer par 'Le loup de Wall Street' (ciné familial en période de Noël). J'en étais sûr ! Je suis content que vous en fassiez une bonne critique car j'ai tellement aimé Still Walking.
RépondreSupprimerUn bien baeu film en effet, et merci d'en parler! J'avais adoré Still Walking et je suis allé voir celui ci les yeux fermés, et je recommande à tous ce film les yeux fermés!
RépondreSupprimerJe ne rejoins pas votre enthousiasme sur ce film, il m'a laissé de marbre. Il faut dire que des facteurs extérieurs ont peut-être influencé mon jugement puisque je suis allé voir le film en VF (sachez que le petit garçon est doublé par la voix de chandler Bing!) et que je me suis retrouvé avec un bouffeur de pop-corn qui avait pris de quoi tenir une semaine uniquement à base de ce met issu du maïs. Vers le milieu du film, cet individu mà demandé si c'était bien le film avec Lanvin et Jugnot...
RépondreSupprimerConcernant la dernière photo de l'article, existe-t-il dans le film un contrechamp providentiel où on découvre que le type a sorti sa teub de sa braguette ? Ca expliquerait le regard du gamin. Désolé de demander ça sur un probable joli film comme celui-là (pas encore vu), mais ça me hante à chaque fois que je croise la tof.
RépondreSupprimerAhah, affreux ! :D
SupprimerNon, si vous voulez voir des teubs subrepticement, il faut aller voir le Scorsese.
On voit le micropénis de Di Caprio il paraît
SupprimerUn très beau film, pudique et touchant, malgré un rythme moins soutenu que I Wish.
RépondreSupprimerOn est loin de la comédie braillarde française de Chatiliez.
Très joli film - bien que long, mais ça c'est mon problème, et je rejoins en tout point l'analyse de Félix, que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam et qui me semble pourtant être un bon gars!
RépondreSupprimerLe film ne tombe jamais dans le cliché à outrance (hey, la différence sociale existe vraiment, la montrer ne veut pas dire "surligner le trait"), il reste très posé et réfléchi sans prendre parti pour l'une ou l'autre famille, les laissant toutes les deux avec leurs qualités et leurs défauts!
Je suis d'accord avec le gars Vincent même s'il ait l'air sacrément con (mais je le connais pas !).
RépondreSupprimerUne nouvelle fois, la douceur et la délicatesse faite film, sur un sujet farci de gros pièges que Kore-Eda évite tous brillamment (la caricature, le parti-pris, le pathos, et bien d'autres).
La fin est ouverte avec ce "la mission est finie" de Ryota, et dans son interview des Cahiers, Kore-Eda donne une piste à laquelle je n'avais pas pensé mais qui me plaît beaucoup (ATTENTION SPOILER POUR CEUX QUI N'ONT PAS VU LE FILM) :
Les parents vont peut-être décider de devenir voisins pour élever les enfants "à quatre". C'est ce qu'ont choisi de faire deux familles japonaises dans les années 70, quand dans tous les autres cas similaires, les parents décidaient de récupérer leur enfant naturel et d'abandonner celui qu'ils avaint élevé jusque-là.
C'est une bien belle piste !
SupprimerMerci pour le spoiler bande de salauds!
SupprimerN'importe quoi, non mais n'importe quoi. Le mec a peut-être un peu changé sa vision sur la paternité, mais certainement pas sur son job d'architecte, et sur sa pure baraque! Faut être JTARBÉ pour penser ça. Le mec est daron alors ca y est il s'invente des nouvelles familles composées. Gros gros taré ce mec. Bannissez le des commz !
SupprimerUn film magnifique......
RépondreSupprimerFélicitations pour votre blog.
Vu hier et contrairement à toi Félix, il m'a plus ému et touché que I Wish que j'ai vu il y a quelques jours. Je trouve que le rythme du film est mieux maîtrisé que dans le précédent qui souffrait (à mon sens) de quelques longueurs, lors de la première heure surtout. J'ai beaucoup apprécié, comme tu le soulignes, le regard bienveillant de Kore-Eda...Il me reste à découvrir Still Walking et Nobody knows désormais ! Celui-ci sera haut dans mon top en tout cas !
RépondreSupprimerTrès content que tu aies aimé ! :)
SupprimerJe pense que Still Walking et Nobody Knows te plairont beaucoup aussi.