Hier soir, 3h du mat’. « Houla Rholala Gaga Lalala Houla Houlala Brouhaha Skunchacha». Les lyrics endiablées de la brillante Lady Gaga font vibrer mon portable qui me signale que j’ai tout simplement reçu un nouvel SMS. Le premier depuis 2011. « Bonne Anné ! ». Expéditeur : NDE. NDE, ça signifie « Near Death Experience ». C’est sous ce nom-là que j’ai enregistré Aron Ralston dans mon répertoire téléphonique et c’est comme ça que je le surnomme, les rares fois où l’on se croise. Oui, vous avez bien lu : Aron Ralston, le Aron Edgard Samassa Lou Ralston de ce film. Je le connais par l’intermédiaire du Tank, dont je vous ai déjà dit quelques mots, et qui est un bon pote à lui. Ils ont un peu la même philosophie de vie. Ils en ont vu des vertes et des pas mûres. Ils sont plusieurs fois rentrés dans le fameux tunnel, celui menant vers l’au-delà, pour mieux rebrousser chemin, et croquer à nouveau à pleine dents dans leurs chiennes de vie. Ces types-là, ce sont pour moi des exemples, des modèles, des héros. Des hommes qui méritent toutes les médailles du monde. Un monde qui les ignore et leur préfère les Bono et autres starlettes de pacotilles, singeant de semer la paix pour mieux récolter les dollars. Aron Ralston est un héros, un vrai, et son aimable texto m’a rappelé que l’une des anecdotes de son chemin de croix venait d’être mise en image par le dénommé Danny Boyle.
Cette histoire, je la connaissais par cœur, Aron me l’avait déjà racontée autour d’une canette de Fink-Brö et de quelques animaux morts, lors d’un road trip. Le road trip, littéralement : excursion sur route, c’est cette nouvelle pratique à quatre roues motrices tout droit venue d'outre-atlantique que l’on peut d’une certaine façon rapprocher d’une autre tradition initialement américaine : l'enterrement de vie de garçon. Sauf que dans le road trip, il est hélas moins fréquent qu'on retrouve des strip-teaseuses, et les hommes sont en général plus proche du divorce que du mariage. Le véritable road trip consiste à tester ses capacités à survivre en milieu hostile. Il s’agit tout simplement de se munir d'une bande de potes, de quelques boissons, d'un équipement de campeur, de quelques armes à feu, d'un bon 4x4 et de se diriger vers des endroits isolés, à la recherche de la tranquillité, d'un certain retour aux sources, tout en adressant un grand "NON" à toute sorte de féminité. Il s'agit souvent de resserrer les liens d'amitiés purement masculins, basés sur l'entraide, la complicité, la pêche, l'humour huileux, l'esprit de compétition et la loyauté. Les discussions sont alors souvent ponctuées par des remarques situées en dessous de la ceinture, par des avis plein de virilité et des conseils avisés, en vue de sauver des couples en perte de vitesse. Intrigué par ce nouveau phénomène de mode, j’avais donc déjà été convié par mes deux potes Tank et NDE (que je prononce Ned, car c’est quand même plus commode) à les suivre dans leur propre road trip, méticuleusement organisé par leurs soins, de la sortie du garage jusqu'au séquoia géant où on a fini notre parcours et qui gardera à jamais la trace du pare buffle de notre 4x4.
C’est donc lors d’un des rares temps morts de ce road trip, pendant que nous dégustions un petit marsupial cuit au feu de camp et que le Tank dormait les yeux grands ouverts à quelques pas de nous, que NDE s’est approché de moi, a posé son seul bras valide autour de mon cou, et m’a raconté cette histoire, celle-là même qu’il a reproduit sur papier, dans son roman intitulé Between a Rock and a Hard Place, quelques années plus tard, pour financer ses excursions. Ce livre, où NDE a choisit de ne pas tout dire dans le simple but d’être accepté par une maison d’édition, c’est mon bouquin de chevet, et tout le monde ne peut pas se targuer d’avoir son livre préféré, de son auteur favori, dédicacé par le sang de ce dernier. Tout ça pour dire, vous l’aurez compris, que je connais cette histoire sur le bout des doigts. Et même si je ne l’avais pas lue et relue dans sa version « tout public », je la connaitrais tout aussi bien étant donné qu’on a tendance à se rappeler des choses qui nous sont chuchotées par la voix diabolique d’un homme au visage brûlé. Vous aurez donc deviné que c’est avec une certaine appréhension que j’ai lancé le dernier film de Danny Boyle sitôt après la lecture du SMS de celui que je considère comme mon co-mentor. Peut-être la même appréhension que celle que peut ressentir un nostalgique du 3ème Reich avant de regarder Das Untergang.
Le début du film m’a plutôt emballé, je dois l’avouer. Et pourtant, je ne suis pas le premier fan de Danny Boyle. Mais il y a quelque chose, dans le style si exubérant de ce cinéaste camé, qui me rappelait immédiatement mon si cher ami Aron. Ses écrans divisés en plusieurs bandes, ces images qui se succèdent à toute allure, cette BO entraînante lancée à plein volume, ce rythme effréné, bientôt coupé dans son élan, tous ces éléments faisaient que je m’y retrouvais complètement. J’étais « dedans » et très rassuré de voir que ce film était bien parti pour rendre adroitement hommage à NDE. Ce dernier est d’ailleurs incarné avec énergie par le jeune acteur James Franco, au physique plus quelconque que lui, mais peut-être plus au goût de la majorité. NDE se voit notamment débarrassé de son bec de lièvre et de son « troisième œil », celui qui est apparu sur son omoplate gauche pendant son escapade au Népal, où il a manqué plusieurs fois d’être gobé tout cru par un cougar le prenant en traître. Miracle de la nature, ce troisième œil, dit-il, a dû pousser là pour lui « rappeler de chécker » ce qui se trame dans son dos. A présent, il y est condamné : Aron a une vision circulaire, couvrant un angle incroyable, qu’on ne peut pas s’imaginer, tout comme on peut difficilement se mettre à la place de nos amis araignées. Les trois bandes d’images, procédé usé jusqu’à la corde par notre ami Danny Boyle, est d’ailleurs peut-être un clin d’œil discret mais malin adressé à son personnage principal, que lui seul et ses intimes reconnaîtront. Aron se voit également enrichi de la partie droite de son cuir chevelu, celle-là même qu’il avait pourtant perdue des années avant la date à laquelle est supposée se dérouler l’action du film, lors d’une soirée trop arrosée et tout simplement passée trop près d’une bougie. Bon, pour faire court, NDE est un véritable freak, à peine humain, qui prend ici les traits d’un éphèbe. Ô magie d’Hollywood, quand tu t’attaques à l’un des mes proches, je suis mal placé pour t’en vouloir !
Revenons sur le film, que j’ai entamé avec appétit. Ces effets de style insupportables, si chers à Danny Boyle, je les trouvais donc très à propos, bienvenus, convenant parfaitement à ce personnage hors norme dont il retrace la mésaventure. Le cinéaste britannique prend du plaisir à filmer les paysages magnifiques des gorges de l’Utah dans lesquels Aron avait choisi de se perdre, et ça se voit, il nous fait croquer. Il nous gratifie de quelques plans très graphiques, très agréables à l’œil, et sur lesquels la compagnie Microsoft ne cracherait pas pour en faire les fonds d’écran du prochain Windows. Auréolé de son oscar du meilleur réalisateur grâce à l’infâme Slumdog Millionnaire, Danny Boyle est clairement au sommet de son art. J’étais curieux de savoir comment il gèrerait ce qui devait être le cœur du film : les 127 heures annoncées par le titre. 127 heures passées au fond d’un canyon, coincé entre un rocher et une falaise, le bras d’Aron complètement écrasé, bloquant son corps, condamné à rester debout.
Au départ, Boyle s’en tire bien. Ou plutôt devrais-je dire : James Franco s’en tire bien, car l’acteur y est pour beaucoup, c’est un véritable festival. Seul à l’écran, il parvient à capter l’attention, et j’ai même un instant cru voir cette lumière si particulière qui anime en permanence le regard de mon véritable Aron. Ce léger scintillement irrégulier, qui doit en réalité être présent dans tous les yeux des personnes qui ont déjà trop longtemps maté la grande Faucheuse en face. J’ai été bluffé. Je ne sais pas si c’est encore un secret de l’Actor’s Studio, ni quel régime s’est imposé James Franco pour le rôle, mais c’est très fort et je dis un grand « bravo ».
Le film continue donc à se regarder avec un certain plaisir. Les détails les moins craspecs de l’aventure d’Aron nous sont montrés. Les autres pas, et je préfère les garder pour moi, par respect pour cet ami qui m’est si cher. Nous avons donc droit à Aron buvant sa pisse, s’inventant des rêves érotiques bon enfant pour passer le temps, profitant de son quart d’heure de soleil quotidien, se confessant devant son caméscope, rêvant du jerricane de Coca-Cola laissé dans son 4x4, se remémorant sa famille avec émotion, etc. Tout ça, Aron me l’avait mieux raconté, avec son vocabulaire très pauvre et son parlé si riche, mais je reconnais qu’il ne m’a pas été désagréable de le voir à l’écran, même si ça n’était pas tout à fait à la hauteur.
Dans un premier temps très bien amenées, ces séquences de flash-back sont ensuite dynamitées par la grande lubie de Danny Boyle qui consiste, comme évoqué précédemment, à diviser son écran en autant d’images et à nous faire encore subir ces effets lourdingues qui finissent forcément par énerver. Nous avons ainsi droit à un quart d’heure assez abominable, survenant au deux tiers du film, qui vient abîmer un long-métrage qui jusque-là se tenait bien. Il faut croire que Danny Boyle a mal choisi son titre, car si à travers lui il met en avant le fait que notre héros a été capable de survivre six jours et cinq nuits au fond d’un canyon, il ne rend qu’encore plus frappant le fait qu’il est lui-même infoutu de convenablement remplir 1h30 de bobine avec une histoire pareille. Triste constat.
La fin du film, après qu’on ait assisté au découpage de bras d’Aron (celui-ci est rendu plus douloureux à voir qu’à entendre, à cause encore une fois de l’insistance de notre britannique excité), est largement édulcorée. Le happy end à l’américaine a remplacé la dure réalité. Car sachez bien que lorsque mon pote Aron est sorti de son trou, tout ensanglanté, un moignon à la place de son avant-bras droit et une mine de mort-vivant, les promeneurs ne l’ont pas accueilli à bras ouverts. Non, loin de là. Ces cons-là lui ont surtout jeté des cailloux, pensant avoir affaire au célèbre Big Foot ou à un sous-homme qu’il fallait éliminer en vitesse. J’espère seulement qu’Aron ne verra jamais cette fin, il risque de mal l’encaisser… Malgré cela, et pour dire plus rapidement ce que j’ai pensé de 127 Heures, je conclurai en affirmant qu’il s’agit tout de même du meilleur film de Danny Boyle (je déteste tous les autres). Et si ce dernier n’était pas retombé dans ses travers, ce film aurait pu être encore plus réussi.
Je n’ai aucune nouvelle de Aron depuis son texto, auquel j’avais assez simplement répondu « Bonne Année à toi ! Quoi de neuf ? » (nos rapports sont simples, simples mais profonds). En envoyant cela, je savais bien que je n’aurai peut-être jamais de réponse. Peut-être suivrai-je bientôt une de ces aventures sur grand écran ? Le Tank m’a confié qu’il préparait un nouveau livre, sobrement intitulé A Surviving Story. Pour la nouvelle année, le Tank aussi a eu de ses nouvelles. Il a reçu une carte postale de Somalie, où il y avait seulement noté en lettres majuscules, d’une écriture tremblotante fendant la carte en diagonale : « L’ENDROIT LE PLUS DANGEUREUX DU MON ». Les deux dernières lettres manquantes ne laissent rien envisager de bon au Tank, bien connu pour avoir le nez creux, mais de mon côté, je suis persuadé qu’il s’agit d’une petite facétie de ce bon vieux NDE. Et je n’ai à présent qu’une hâte, c’est que soit adapté le célèbre road trip qu’il avait entreprit durant l'été 2005, soit deux ans après celui revu et corrigé par Danny Boyle, deux ans plus tard et un bras en moins ; celui où il fut obligé de noyer son propre frère pour utiliser son corps inerte comme un radeau afin de ressortir indemne d'un torrent de boue, entouré de gros crocos... Tétanisant !
127 Heures de Danny Boyle avec James Franco (2011)
édifiant.
RépondreSupprimerlooool
RépondreSupprimern'importe quoi !
Cette histoire est pleine de rebondissements (de rochers), j'en mets mon bras à couper qu'elle est vraie !
RépondreSupprimerc faux tt ca!!!!!! reporté-vous a la page wikipedia!!
RépondreSupprimerToi t'as tout compris.
RépondreSupprimerSalut, merci pour ton commentaire sur mon blog.
RépondreSupprimerSympa cet article et le site également!
Il prends cher !
RépondreSupprimerJe suis quand même curieux de voir le résultat, j'avais adoré Trainspotting du même réal :)
Oh il prend pas si cher que ça ! Si je réécrivais une critique de ce film aujourd'hui, il prendrait plus...
RépondreSupprimerLOL, pas mal.
RépondreSupprimerc très intérressant de connaitre le point de vu d'un proche d'Aron Ralston
RépondreSupprimerpour ma part j'ai bcp aimé, mais j'aime bcp tt ce que fait Dany Boyle
Je n'avais pas vu ce dernier commentaire.
RépondreSupprimerMerci donc, en tant que fan d'Aron, je me devais de voir ce film et d'en parler en détails. :)
Tu parles de vacances à la con !!
RépondreSupprimerAu fait, vous avez pigé l'affiche ? Le sablier ? Parce que moi j'ai mis du temps ! :D
RépondreSupprimerJ'avais pas vu non. Je l'ai pourtant longuement observée car je la trouve minable, mais j'avais pas vu ça. Je la trouve encore plus minable maintenant.
RépondreSupprimerMIAM LUCY PINDER !
RépondreSupprimerMiam Jaspert!! XD
RépondreSupprimerJ'ai vue le film et croyez-moi, c'est pas d'la rose(surtout quand il doit se couper le bras)! Je sais que c'est vrai mais pour quelqu'un qui ne connait pas le film et qui ne la jamais vu, je pense qu'il ne réussira pas à croire que ça s'est vraiment passé ! :D
RépondreSupprimerC'est Danny Boyle qui est un sale con.
RépondreSupprimerMeilleur blog! Je le met dans mes signets direct!
RépondreSupprimercomplètement d'accord, je trouve ce film détestable, j'aimerai pas etre à la place d'aron (quand il a vu le film...)
RépondreSupprimerHerzog en aurait fait un bon film. Je ne crois pas du tout en Boyle après m'être farci plusieurs de ses purges. Je ne regarderai pas ce truc, je préfère lire le bouquin.
RépondreSupprimerJames Franco serait-il aussi égocentré que son personnage dans Spring Break ?
RépondreSupprimerhttp://obsession.nouvelobs.com/galeries-photos/people/20140502.OBS5944/james-franco-selfie-addict.html
Il fait pitié...
RépondreSupprimerhttp://m.leplus.nouvelobs.com/contribution/1196860-photos-james-franco-nu-sur-instagram-apres-avoir-drague-une-mineure-son-cas-m-inquiete.html
En même temps, on s'en fout des photos de James Franco, non ? On a déjà assez à faire avec les plus ou moins mauvais films dans lesquels il joue (et que, désormais, de surcroît, il réalise parfois) — si tant est qu'on se croit obligé d'y porter attention.
SupprimerNe le prenez pas mal, mais je trouve vraiment qu'on devrait s'en foutre, ou au moins ne pas relayer ce genre de bêtises. Car en l'occurence, ce qui fait au moins autant pitié que l'attitude de Franco, c'est l'article de la scribouillarde du 'Nouvel Observateur' sur son cas. Ce qui fut un journal de gauche à peu près lisible et respectable (même s'il ne fut jamais très enthousiasmant) possède désormais une rubrique 'People'. C'est cela qui me donne envie de pleurer, beaucoup plus que les exhibitions totalement indignes d'intérêt de Franco ou de Shia Machin Truc sur Tweeter ou sur Instagram. Ces immondices numériques, on ne devrait même pas y prêter attention, pas plus qu'au contenu des poubelles dans la rue.
Bah, ça reste du "que dalle" sur des pauvres types, ça me gêne pas qu'ils dérouillent ! Mais d'accord avec toi sur les "articles" pute-à-clic qui en découlent, même si le Nouvel Obs a toujours été lénifiant au possible.
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