15 août 2008

L'Homme qui voulait savoir

Nous sommes au début des années 80. Un couple de hollandais est en vacances dans le sud de la France. Ils sillonnent les routes en voiture et s'amusent entre eux. L'ambiance est très gaie. Ils ont l'air de s'aimer passionnément. Mais on sait tous que lorsqu'un film commence si bien, cela ne dure jamais très longtemps. Un drame est imminent. La voiture tombe en panne dans un tunnel. Le couple se dispute, rien de bien grave, mais l'homme décide de laisser sa femme et d'aller chercher de l'essence seul. Quand il revient, sa femme n'est plus dans la voiture. Premiers moments d'angoisse. Mais l'homme prend à peine le temps de s'inquiéter, il démarre. Sa bien-aimée l'attend à la sortie du tunnel, un peu fâchée contre lui. Ouf. Quelques minutes plus tard, ils s'arrêtent sur une aire d'autoroute très fréquentée, se réconcilient et passent du bon temps. Puis la femme part chercher des boissons dans la station service tandis que l'homme l'attend près de la voiture. Le temps passe et elle ne revient pas. L'homme panique. Cette fois-ci, elle a réellement disparu. Le drame a eu lieu.




Dès lors, l'homme n'aura plus qu'une seule idée en tête : savoir ce qui est arrivé à sa femme. Une véritable obsession nourrie par les lettres anonymes qu'il recevra 3 ans plus tard, écrites par une personne déclarant savoir ce qui est arrivé à sa femme et lui donnant des rendez-vous auxquels elle ne se rendra pas. Cette personne s'avèrera n'être autre que le ravisseur de la femme, et, via des retours en arrière parfaitement insérés dans le récit, il nous sera dressé de lui un portrait rigoureux et précis. Il s'agit d'un type tout à fait banal, d'apparence plutôt sympathique, vague sosie dodu de Benoît Poelvoorde, un prof de chimie perfectionniste et père de famille rassurant. Lors de ces mêmes flash-back, nous le verrons, entre autre, préparer méticuleusement son méfait, et échouer plusieurs fois. Ce personnage est interprété par l'acteur français Bernard-Pierre Donnadieu, qui livre ici une prestation tout bonnement hallucinante.




La partie du film la plus réussie est celle où les deux hommes se rencontrent enfin. Le ravisseur expliquera alors la raison de ses agissements. Une explication crédible d'une logique désarmante qui s'inscrit dans la réflexion globale du film sur le thème du destin. Le titre français de ce film est L'Homme qui voulait savoir. Un titre qui n'est pour une fois pas si bêtement choisi. Il s'agit en l'occurrence de savoir pourquoi et comment la femme a été enlevée, et ce qu'elle est devenue. L'homme qui voulait savoir finit par apprendre que des signes prémonitoires menaçants, une série de mauvaises coïncidences et des choix personnels malheureux ont tous participé à la même histoire tragique.




L'Homme qui voulait savoir est un film d'une efficacité redoutable qui, de par son rythme assez lent, prend soigneusement le temps de nous plonger dans la détresse et l'obsession d'un homme, pour mieux compatir avec lui ; ainsi que dans la folie et l'apparente normalité d'un autre, pour mieux que celui-ci nous fascine et nous inquiète. Tout ça fait de l’œuvre du néerlandais George Sluizer l'un des films les plus dérangeants et horribles qu'il m'ait été donné de voir.


L'Homme qui voulait savoir de George Sluizer avec Bernard-Pierre Donnadieu, Gene Bervoets et Johanna ter Steege (1988)