C'est dans ce film que Virginie Efira s'en va faire du cheval en Mongolie pour renouer le lien avec son fils. Si vous appréciez le cheval, la Mongolie ou Virginie Efira, vous pourrez considérer, comme nous, qu'on tient là le meilleur film de Joachim Lafosse, car il s'agit de son seul film contenant des chevaux, la Mongolie et Virginie Efira. Entre roman-photo, relecture ardyn duu du roman de Laurent Mauvignier (bande originale toute en gammes pentatoniques et photographie aux colorimétries folkloriques), Continuer est surtout un drame filial qui tire sur le mors, Joachim Lafosse-à-purin propose un trip euphorisant dont on a la farouche et délicieuse impression qu'il ne commence jamais. Continuer ne cesse d'étonner par son faux rythme et son absence d'énergie concertée. Clairement, à classer parmi les très bons de son auteur. Une vraie surprise. Au programme : équitation fiévreuse, daronne mauvaise comme la gale, mongols démoniaques et steppes diaboliques (plus quelques hérésies scénaristique, luxueuses et kamikazes, qui malmènent le spectateur). Gloire à Lafosse, le fossoyeur.
Retour sur les débuts de Lafosse. Sa passion robuste pour le cinéma naît en banlieue parisienne. Joachim grandit à Orsay. Petit dernier d'une fratrie de deux, fils de deux parents, il rencontre le cinéma en famille, classique, devant le film du samedi soir, dit "premier du mois", avant que cet engouement ne se mette à éclabousser la cour du collège. Dans les années 90, la cinéphilie commence presque toujours par le prêt de cassettes VHS sous le manteau, entre copains de classe. Joachim ne déroge pas à la règle, devient le receleur de son bahut et se met à aimer le cinéma au point d'en faire un petit business et une religion. Comme ses parents n'étaient pas spécialement branchés "cinéma de genre", il se tourne rapidement vers le film français de niche. Une initiation en douceur qui passe par la fréquentation en pointillés du multiplexe de sa ville. Quelques critiques ciné, parfois même un cinéaste audacieux, tel un Tavernier, viennent alors disséquer les séances et nourrissent le regard critique de Lafosse, qui aujourd'hui renvoie l'ascenseur, n'ayant pas peur de prendre le RER pour aller commenter ses propres films dans les salles de cinéma art et essai de la périphérie, quitte à employer des termes faciles d'accès et un langage banal accompagné de gestes évocateurs compréhensibles par le plus grand nombre de zonards et autres provinciaux.
Lafosse, qui dit "essayer d'être moins aride que les générations de cinéastes précédentes", ne privilégie pas pour autant le fond sur la forme, et quand il prend la caméra c'est pour tout donner, écraser de théorie les humains pour qui le cinéma reste une boussole, quitte à les bousculer un peu. Joachim Lafosse cite souvent François Truffaut selon qui : "tous les français ont 3 métiers : le leur (sauf les chômeurs), critique de cinéma et sélectionneur des Bleus", et l'auteur de Continuer en tient compte, qui tourne tous ses films en maillot de l'équipe de France réserve, floqué au nom de Sébastien Frey. Il transpire beaucoup sur ses tournages, mais essaye de limiter les odeurs de labeur dans la salle, notamment en s'imbibant de déodorant à la fougère avant les projos. On l'en remercie. Joachim Lafosse incarne à lui seul (au premier sens du terme, jouant seul dans sa catégorie) la première génération de cinéastes qui tournent avec esprit de chapelle et pour qui l'important c'est juste de torcher un film. Tant qu'il y a du génie...
Continuer de Joachim Lafosse avec Virginie Efira (2018)
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