12 mai 2024

Riddle of Fire

Persuadés d'avoir acheté des tickets pour Nipples of Fire, force est de reconnaître que nous avons été cueillis à froid et que nous nous attendions à un tout autre spectacle. Il faut dire que celui-ci nous a été recommandé par notre "éducateur", et nous ne connaissons que trop bien son passif avec le cinéma pour adultes pour avoir été trop longtemps en concurrence avec lui lors de la course à la zappette des premiers samedis du mois, à l'époque où Philippe Vandel, notre "guide spirituel", occupait une place si chère dans nos cœurs (à 12 ans, nous nous habillions déjà d'un t-shirt XXS à l'effigie des Stones sous une veste de costard noire, un jean taille basse et des converses blanches). Les conseils de notre "grand frère", on s'en méfie depuis cette sinistre époque où, seul pourvoyeur de films empruntés au vidéo-club, celui qu'on devait appeler "l'aïeul" choisissait systématiquement, parmi la pléthorique offre de films en tous genres, les romcoms d'un autre âge signées Edward Burns, rangées dans le rayon "daubasses", ce qui correspondait alors à ce qui se faisait de pire en termes de cinéma d'auteur indépendant américain. La trace laissée par Ed Burns dans l'histoire du 7ème art équivaut celle du lisboète et soi-disant footballer avant-centre Vitinha dans le cœur des olympiens de la cité phocéenne. Heureusement, celui que l'on considère comme une souche pour nous et notre évolution sur cette terre, aka toujours notre éducateur spé, Ra'lex "The Rock" de son prénom, a visé un peu plus juste et un peu plus haut avec Riddle of Fire, film pour enfants qu'il est allé voir sans les siens, en bon père dépourvu d'autorité (mais quel éducateur modèle : c'est bien simple on lui doit tout, y compris d'avoir échappé à la zonzon quelques fois - il y est allé pour nous, lui et son cœur gros comme aç).




Qu'est-ce qui est fragile, mignon, éphémère et s'essouffle vite ? Un bouledogue français ? Ousmane Dembélé ? Un joli coquelicot ? C'est vrai mais pas seulement. Ajoutez à cela le premier long métrage de Weston Razooli dont nous vous déconseillons fermement de checker la ganache sur google tant il a un physique instable capable de tirer sur les nerfs les plus solides. Ce n'est pas un hasard s'il s'est lui-même attribué le rôle du gros débile de service dans son film. Son apparition coïncide d'ailleurs avec la grosse chute de tension de Riddle of Fire, qui démarrait plutôt très bien, sachant nous emporter avec sa petite bande de gosses très sympathiques, partie à l'aventure équipée de motocross et de pistolets à air à la recherche des ingrédients de la tarte aux myrtilles préférée de leur maman malade dans le seul but de décrocher le mot de passe débloquant la télé et permettant à la joyeuse petite bande de s'éclater sur un jeu vidéo. A partir du moment où leur course folle croise celle d'une bande de braconniers à la solde d'une sorcière taxidermiste, le rythme du film patine, on commence à trouver le temps long, tout devient plus laborieux et l'absence de vrai gag n'aide pas à se passionner pour les tribulations de tous ces personnages faiblards qui gravitent autour des gosses. 




Un tel film aurait dû savoir limiter ses ambitions à 1h15 de pellicule bien tassée et sans faux-col, histoire d'avoir plus de chances de rester sur le bel élan initial et de ne jamais ennuyer. Au contraire, il perd son temps et nous donne l'opportunité de regretter ses faiblesses, comme celle de s'inscrire tambours battants et sans retenue dans la mouvance nostalgique actuelle, alignant les références et allusions aux classiques du film pour enfants des années 80, des Goonies à Princess Bride en passant par Stand by Me ou Beyond The Green Door. Le tout filmé en pellicule kodak et sans mise au point, sur fond de dungeon synth à fond les ballons, cette musique électronique inspirée des jeux vidéos RPG à l'ambiance médiévale des années 80 et 90, autant d'emballages qui en rajoutent une louche dans le registre de la connivence générationnelle. 




Néanmoins, le film, pour toujours rattaché à notre éduc spé (qui a pourtant grandi dans les années 60, dans une ferme isolée de l'Aude, et n'a jamais tenu une manette ou un joystick de sa vie), et vu dans les meilleures conditions possibles (à savoir une salle archi vide, tempérée, la petite sacoche de car-en-sac dans la poche, le pistolet à air comprimé à la ceinture, le t-shirt Atari qui va bien, les Converse sur le siège de devant, un mister freeze dans chaque bouche, le walk-man autoreverse branché sur Tangerine Dream temporairement mis sur pause - ce qui ne change rien -, la version longue du Silmarillion dans la banane, la casquette "I want to believe" vissée au crâne, le scoubidou au poignet), suscite très clairement notre bienveillance et notre critique est positive. Vous chercherez peut-être à lire entre les lignes, à les espacer avec un logiciel word, interligne 4,5, pour trouver des compliments, ou à ne garder que la première majuscule de chaque phrase pour déceler un point positif (on va vous épargner, ça donnerait un truc du genre : "UALNV"... soit quetchi, c'est même pas une sous-marque Décathlon), mais pas la peine, si on le dit, ça suffit. Comme dirait cette teubée achevée d'Oudéa Castera, réduisant tout le 1984 d'Orwell à du pipi de chat : nous n'avons pas menti, quand bien même la réalité nous donne tort.


Riddle of Fire de Weston Razooli avec Skyler Peters, Phoebe Ferro et Charlie Stover (2023)

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