Voilà un film que la plupart des observateurs ont découpé en deux parties, préférant généralement la première, jugée efficace et prenante, à la deuxième, considérée plus brouillonne et convenue. Je suis plutôt d'accord avec ça mais j'apporterai plus tard ma contribution à cette analyse pointue. Dans la première partie, qui se déroule entièrement en Afghanistan, en mars 2018, le sergent américain campé par Jake Gyllenhaal essaie de débusquer et démanteler les dépôts de munitions et de construction de bombes des talibans à l'aide de son interprète, qui dépasse largement ses fonctions en s'avérant être un sacré opérateur de terrain quasi doué d'un sixième sens. Suite à une intervention qui tourne mal, lors de laquelle la petite troupe menée par Gyllenhaal est presque totalement décimée, ce passable film d'action et de guerre tourne au survival pur et simple puisque notre interprète deluxe, joué par un acteur charismatique (Dar Salim), se donne pour mission de sauver le sergent fort mal en point, en le ramenant à sa base. Pour cela, il lui faudra traverser en toute discrétion et en vitesse le territoire hostile, escarpé et désertique des talibans, ce qui ne sera pas une mince affaire. Cette première partie est menée tambour battant, elle nous accroche forcément, malgré quelques fautes de goût notables de la part d'un Guy Ritchie que l'on a toutefois connu capable de bien pire, et en dépit d'un traitement des scènes d'action assez digne du plus sommaire des jeux vidéos, avec ces talibans qui arrivent par vagues successives et tombent comme des mouches sous les tirs plus précis et létaux des américains. Une ellipse de plusieurs semaines nous mène vers la deuxième partie, qui nous propose d'assister aux efforts monumentaux entrepris par Jake Gyllenhaal pour rendre justice à son interprète zélé : il ira pour cela jusqu'à le retrouver en Afghanistan afin de le rapatrier en Amérique avec un visa pour toute sa famille, comme promis initialement. Il faut bien que l'américain se montre héroïque, lui aussi !
Au milieu de ces deux grandes parties que les plus fins cinéphiles ont su repérer, je tiens pour ma part à mettre en avant le pont qui les sépare et qui constitue, à mes yeux, le meilleur moment de ce film, un film qui vous fera passer une soirée mais dont vous pouvez très bien vous passer. Je veux par là mettre en lumière ces longues minutes d'un comique involontaire discret mais salvateur où Jake Gyllenhaal se perd dans un véritable cauchemar bureaucratique, noyé sous des démarches administratives pénibles qui vont même l'empêcher de trouver le sommeil. C'est qu'il se bat pour obtenir un visa à son sauveur puis pour avoir le droit de retourner en personne le dénicher en Afghanistan. Il faut voir notre sergent revenu d'entre les morts essayer de garder son calme au téléphone, où il est renvoyé d'un standard à un autre, avant de perdre totalement ses nerfs et d'hurler des menaces terribles à ses pauvres interlocuteurs ! Lui qui a flirté avec la Grande Faucheuse ne s'attendait sans doute pas à ce que la pire épreuve l'attende dans l'intimité et le calme apparent de son salon, au bout du fil. Ce passage-là a placé mon père, qui a gentiment regardé ce truc-là à mes côtés (c'est le genre de film à voir en bonne compagnie), face au si douloureux souvenir de ses propres démarches administratives auprès d'Agirc-Arrco et sa longue bataille pour faire valoir l'intégralité de ses droits à la retraite. Jake Gyllenhaal nous propose une prestation habitée comme il en a le secret. Drôle d'acteur, d'ailleurs, que ce Jake Gyllenhaal, auquel un bel avenir était jadis promis lorsqu'on le voyait évoluer devant la caméra, faussement prometteuse aussi, de Richard Kelly, et qui perd hélas son temps aujourd'hui dans des collaborations au mieux anecdotiques avec des pointures du cinéma au rabais tel que Antoine Fuqua, Michael Bay et donc Guy Ritchie. Notons toutefois que sa présence ici permet au piètre réalisateur britannique et ex boyfriend de Madonna de torcher un de ses films les plus matables. Bien entendu, je ne vous le conseille pas pour autant. On est simplement toujours un peu surpris, aujourd'hui, quand on arrive au bout d'une telle production américaine, sans avoir eu envie de tout arrêter, et en ayant été relativement captivé.
The Covenant de Guy Ritchie avec Jake Gyllenhaal et Dar Salim (2023)
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