Pour son premier long métrage de fiction, la cinéaste Charlène 
Favier s'est attaquée à un sujet particulièrement casse-gueule et, 
hélas, tout à fait dans l'actualité : l'abus sexuel dont sont victimes de jeunes 
femmes dans le sport de haut niveau. Casse-gueule parce qu'il s'agit de 
slalom à ski et parce que l'on aurait pu craindre un film lourd, 
maladroit, racoleur et usant de cordes faciles pour scotcher le 
spectateur, un peu à la manière du
difficilement supportable Les Chatouilles, sorti en 2018. Dans l'actualité parce que de nombreuses affaires de harcèlements et de violences 
sexuelles dans le milieu du sport ont fait surface ces derniers mois. La
 réalisatrice elle-même en a été victime dans sa jeunesse et son film 
s'inspire en partie de sa propre histoire personnelle. Ce contexte si 
particulier, que l'on ne peut ignorer, ne rend que plus notables les 
modestes qualités d'un premier film maîtrisé et prometteur qui nous 
révèle une réalisatrice sensible et habile. Nous y suivons donc Liz 
(Noée Abita), une jeune fille de 15 ans en classe de ski-études d'un 
lycée de Savoie, qui va progressivement tomber sous l'emprise de son 
entraîneur (Jérémie Renier), désireux de faire d'elle une grande 
championne après avoir remarqué tout son potentiel... 
 
 
C'est
 avec finesse et intelligence que Charlène Favier parvient à dépasser 
les limites de son sujet épineux pour, avant tout, nous proposer le 
portrait saisissant d'une simple adolescente. Une jeune fille, isolée et livrée
 à elle-même, qui se cherche et qui n'a certainement pas les armes pour 
comprendre et encore moins faire face à tout ce qui lui arrive en cette 
première année d'étude en autonomie, éloignée de sa mère divorcée et un 
peu déconnectée. La réalisatrice peut s'appuyer sur une double 
interprétation d'exception pour donner corps à son récit : d'abord celle
 de la remarquable Noée Abita, si crédible et juste dans la peau de 
cette jeune femme en construction, située à un moment charnière de sa 
vie, mais aussi celle d'un étonnant Jérémie Renier, dans un rôle très 
difficile dont il se départit avec brio puisqu'il parvient à nous faire 
ressentir tout le trouble qui l'anime. On ressent une grande empathie 
pour cette jeune skieuse prometteuse, aveuglée par son besoin de 
repères, d'affection et par ses rêves de réussite, voire pour son 
entraîneur dont le charisme et la détermination ne suffisent pas à 
dissimuler la part d'ombre. Celui-ci ne nous est guère bêtement montré comme 
un monstre mais presque lui aussi comme une victime de ses propres 
pulsions dévastatrices. A ce propos, les rares scènes où nous le voyons 
commettre l'inexcusable sont traitées avec une grande justesse, à la 
bonne distance. Leur brièveté, rendue perceptible par un montage sobre, 
réduit au minimum, souligne l’ambiguïté fragile de la relation des deux 
personnages et renforce paradoxalement leur impact émotionnel : quelques
 secondes suffisent pour que tout bascule. 
Charlène
 Favier fait donc les bons choix lors de ces moments couperets où ses 
deux acteurs s'avèrent eux aussi impeccables, mais le mojo de la 
réalisatrice ne s'arrête pas là. Pour ne rien gâcher, elle filme 
magnifiquement la montagne, dans toute sa splendeur et sa majesté, lors 
de plans et d'instants plus contemplatifs que nous aurions presque 
souhaité plus longs. L'immensité et la beauté des paysages contraste 
alors avec le drame intime qui se joue en leur sein. Enfin, les quelques
 scènes de courses sont très efficaces, simplement réalisées, nous y 
suivons la skieuse filmée de pied en cap tout au long de sa rapide 
descente, elles parviennent ainsi à nous transmettre une réelle impression de 
vitesse et d'aisance. La dernière ligne d'arrivée franchie, nous 
attendons seulement de connaître la suite de la carrière de cette 
réalisatrice, comme emplis d'une sereine curiosité. 
Slalom de Charlène Favier avec Noée Abita et Jérémie Renier (2021)
 



 
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