Entendons-nous bien : ce nouvel Halloween est d'une insondable 
nullité, mais je l'ai préféré au précédent. Peut-être justement parce 
que je savais mieux à quoi m'en tenir. Je n'espérais plus rien, j'ai 
lancé ce film-là par simple curiosité morbide et c'est ainsi que j'ai pu
 être plus réceptif à ce plaisir régressif que nous offre David Gordon 
Green de façon très intermittente. C'est qu'il n'y a vraiment rien 
de sérieux là-dedans. Halloween Kills est un foutoir incroyable, un 
slasher bas du front, aux scènes de meurtres nombreuses et outrancières,
 qui nous renvoie à un âge que l'on croyait révolu du cinéma d'horreur 
américain. David Gordon Green a pour seul mérite d'insuffler une 
certaine énergie à ce spectacle insensé, bien aidé par la musique 
toujours signée John Carpenter et ses deux acolytes, Cody Carpenter et Daniel Davies. Ces derniers se sont surtout
 contentés d'accélérer le bpm et d'ajouter des kicks aux fameuses 
ritournelles originales, mais cela produit encore son petit effet. 
S'inscrivant dans la continuité directe de l'épisode sorti en 2018, à 
l'exception d'un flashback inaugural qui quant à lui prolonge platement 
la fin du premier opus de Carpenter, le récit est mené à un rythme 
trépidant qui nous laisse peu de répit, si ce n'est lors de ces scènes 
axées sur le personnage de Laurie Strode, en piteux état. Celle-ci
 passe quasi tout le film alitée à l'hosto, ne se réveillant qu'à la toute 
fin pour nous livrer un monologue métaphysique nébuleux qui accompagne 
l'énième 
résurrection de son ennemi juré, achevant de faire du croquemitaine au 
masque blanc un être surnaturel dont l'invincibilité et la force 
trouvent leur origine dans la peur qu'il engendre... Auparavant, Michael
 Myers se sera bien amusé dans les rues et les espaces verts d'Haddonfield, 
laissant un sacré paquet de cadavres dans son sillage malgré une 
population locale bien décidée à le prendre en chasse pour en finir une 
bonne fois pour toutes avec lui.
 
   
Les plus alertes et bienveillants observateurs feront peut-être des habitants 
teubês et 
surexcités d'Haddonfield, si désireux d'en découdre avec Myers par 
vigilantisme sous le ridicule cri de ralliement "Evil dies tonight !", 
des électeurs de Trump en puissance, aveuglés et abrutis par leur haine.
 Ils verront probablement dans la 
scène catastrophique d'émeute à l'hôpital, à partir de laquelle le film 
s'effondre totalement, un remake involontaire de la 
prise du Capitole de janvier 2021. En bref, ils décèleront ça et là 
quelques flippants reflets du miroir de l'Amérique d'aujourd'hui et ce 
sont 
peut-être bel et bien les intentions d'un cinéaste que l'on a jadis 
connu plus malin et ambitieux. Mais défendre son triste reboot pour ces 
raisons-là, arrachées au forceps et dénichées à la lampe flash, serait 
faire preuve d'une indulgence tout à fait démesurée à son égard. Comment
 trouver un intérêt autre que régressif ou déviant dans ce gloubi-boulga
 infect où serait de toute façon noyé le moindre avorton d'idée ? Encore
 une fois, il est impossible de justifier ce carnage carnavalesque 
autrement que par l'appât du gain : la barre du milliard de dollars de recettes est 
désormais en vue pour cette si lucrative franchise vieille de près d'un demi-siècle dont on se demande 
bien comment elle pourra renaître de ses cendres après cet énième et 
dispensable sursaut. 
Cet épisode de 
transition lamentable n'apporte donc pratiquement rien à une trilogie 
mort-née, il ne permet que d'annoncer très laborieusement un dernier 
volet où se jouera enfin l'ultime affrontement entre Michael Myers et 
Laurie Strode (j'en serai forcément spectateur, je ne vais pas m'arrêter
 en si bon chemin !). D'humeur joviale, entièrement disposé à 
m'enquiller une pareille idiotie, j'ai su goûter au jemenfoutisme 
complet d'un scénario qui a si peu à nous raconter, part rapidement en 
roue libre et convoque gratis des rescapés de la nuit des masques de 
1978 – devenus des quinquas débiles insupportables – pour mieux les 
envoyer à la boucherie. J'ai même été sensible à quelques répliques 
absconses glissées ici ou là, tout particulièrement à ce commentaire 
sorti de nulle part, au tout début du film, par un individu hors champ 
qui se délecte d'une boisson alcoolisée quelconque en faisant ce 
commentaire : "it's very sous-bois, it's a french word to say it's 
delicious !" (il faut dire que je suis facilement séduit par ces mots 
empruntés au lexique culinaire français prononcés avec un accent ricain 
dégueulasse). Cet humour crétin est également véhiculé par des 
personnages secondaires stupides appelés à finir massacrés, la palme 
revenant à l'évidence au couple gay qui vit dans la maison des Myers, deux fêtards concupiscents nommés 
Big John et Little John en guise de clin d’œil lourdingue à Carpenter. 
Ce comique plus ou moins volontaire passe aussi par les fantaisies 
morbides d'un Michael Myers plus athlétique et art déco que jamais, 
toujours enclin à transformer en guirlandes lumineuses ses pauvres 
victimes ou à les suspendre dans des positions infamantes. Le ton quasi 
parodique de certaines scènes qui développent ou reprennent des 
situations du classique de Carpenter m'a paru plus assumé, impression 
renforcée par la présence d'acteurs habitués au registre comique tels 
que Jim Cummings dans son sempiternel rôle de flic lunaire et gaffeur. 
En fin de compte, je crois avoir mieux saisi le projet de David Gordon 
Green et de son pote coscénariste Danny McBride, qui nous rappellent 
ici qu'ils sont d'abord des petits rigolos ayant notamment fait leurs 
armes auprès de la clique Apatow. Leur trilogie Halloween est une vaste 
blague dont j'attends désormais la chute.
Halloween Kills de David Gordon Green avec James Jude Courtney, Anthony Michael Hall, Judy Greer, Andi Matichak et Jamie Lee Curtis (2021)
 



 
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