Qui veut la peau de Viggo Mortensen ? Personne, strictement 
personne ! Il fait partie de ces quelques acteurs intouchables, sans que
 l'on sache vraiment trop expliquer pourquoi. Quoique si... Avec son 
charme romantique et sa gueule de viking, option trou de balle au menton
 incluse, il doit autant plaire aux dames qu'aux hommes, qui ont trouvé 
en lui le parfait Aragorn. Sur tapis rouges comme en interviews, le beau
 vieux Viggo a la classe, c'est indéniable. Aussi, monsieur parle 
couramment le français, ce qui fait toujours gagner un nombre 
incalculable de points par chez nous. C'est qu'il est très cultivé, il 
maîtrise donc plusieurs langues et se plaît à manier la nôtre de sa voix
 rocailleuse lorsqu'il foule nos contrées de son pas discret. Des 
moments durant lesquels il  fait toujours preuve d'une élégante 
courtoisie et se montre irréprochable, avouons-le. Bref, Viggo Mortensen
 a l'air d'être un véritable gentleman, c'est comme ça.  
On avait envie de croire au passage derrière la caméra de ce chic type 
que tout le monde apprécie, de cet artiste multi-facettes qui, lorsqu'il 
ne joue pas la comédie, s'adonne à la peinture, à la musique et même à 
la poésie. Mais... bon sang, qu'a voulu faire Viggo Mortensen ?! On se 
le demande presque constamment devant son pénible Falling, dont il est 
aussi l'auteur du scénario. Avait-il des comptes personnels à régler 
avec son daron ? Cherchait-t-il à dépeindre un portrait au vitriol de 
l'Amérique divisée d'aujourd'hui en confrontant deux représentants de 
ses extrêmes ? Son premier film, d'une lourdeur terrible, est 
particulièrement chaud à encaisser. Il nous raconte les déboires d'un 
cinquantenaire homosexuel (lui-même), contraint d'accueillir son vieux 
père atteint de démence (Lance Henriksen)
 dans sa maison de L.A., où il vit avec son compagnon et sa fille. 
Tout
 oppose le père et le fils, leur cohabitation sera chaque jour une 
épreuve qui ravivera toutes les blessures passées et fera remonter à la 
surface les souvenirs d'une relation pourrie... Un vaste programme dont 
Mortensen ne veut pas nous faire louper une miette. Son histoire de 
famille pèse des tonnes et on a un mal fou à s'y intéresser. 
Nous aurions pu être heureux de retrouver Lance Henriksen dans un tel 
film, mais on aurait souhaité que son rôle soit plus nuancé, plus 
subtil. Car il incarne ici la pire raclure possible. Raciste, homophobe, 
misogyne, colérique et vulgaire, cet homme-là a toutes les qualités et, 
en plus, il perd la boule, ce qui le rend totalement ingérable au 
quotidien. Il est à l'exact opposé de son fils, ouvert d'esprit, 
progressiste, sensible et délicat, qui finira toutefois par ne plus 
pouvoir contenir sa colère lors d'une scène de crise qui se veut 
peut-être poignante mais échoue à nous sortir de notre torpeur.
On
 ne peut pas en vouloir à Henriksen et Mortensen acteurs, ils assurent 
ce job-là correctement, notamment le premier qui fait tout son possible 
dans la peau de ce personnage impossible. On peut davantage en vouloir à
 Mortensen réalisateur, dont la mise en scène est d'une platitude 
abyssale. Elle ne fait rien pour dynamiser son laborieux scénario, 
régulièrement lesté par des retours en arrière au moins aussi chiants 
que le temps présent du récit, où l'on découvre que le père Henriksen 
était une crevure dès le départ. Soit dit en passant, Henriksen jeune 
est incarné par un acteur qui ne lui ressemble vraiment pas : cela 
pourrait ne poser aucun problème mais ici, la différence est telle que 
l'on tique forcément (difficile aussi, il faut bien l'admettre, de 
partager la tronche si spéciale et familière de celui qui était jadis si
 crédible en androïde). 
Un cameo inutile de David Cronenberg en toubib impassible ravira les fans. Quelques plans sur
 des feuilles d'arbre où percent les rayons du soleil et d'autres sur 
des brins d'herbe pris dans la rosée du matin semblent glissés là pour 
nous rappeler que Viggo Mortensen est aussi un poète. Mouais... Il ne 
faudrait pas non plus oublier qu'il était également la vedette de l'un 
des films indés les plus faux jetons de ces dernières années, le 
crapuleux Captain Fantastic. Bien calibrée, sous son vernis rebelle, 
cette saloperie n'avait cependant guère entamé la formidable côte de 
popularité de l'acteur, bien au contraire, puisque le film fut quasi 
unanimement salué. Son premier long en tant que réalisateur, plutôt bien
 accueilli aussi par des critiques définitivement sous le charme, 
atteste que ce type-là a bel et bien le mojo. Falling est pourtant une 
expérience longue et douloureuse, dont on ne retire pratiquement rien. 
Ça m'a fait... une sorte de fussoir !
Falling de Viggo Mortensen avec Lance Henriksen et Viggo Mortensen (2020) 
 





 
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