22 novembre 2018

Cam

On rapproche beaucoup Cam de la série Black Mirror et il est facile de comprendre pourquoi. Comme la série britannique, Cam aborde très frontalement un sujet actuel lié aux nouvelles technologies et l'exacerbe juste ce qu'il faut pour le mettre au service d'un thriller à tendance paranoïaque flirtant ici volontiers avec l'horreur. Le film de Daniel Goldhaber et Isa Mazzei s'intéresse à l'univers des camgirls, ces filles qui vendent plus ou moins leurs corps sur internet pour des shows en ligne, hébergés par des sites pour adultes, lors desquels elles peuvent interagir en direct avec leurs spectateurs et choisir d'être leur marionnette en échange de quelques crédits. Alice, aka Lola, est une jeune camgirl en pleine ascension qui découvre, du jour au lendemain, qu'elle a été remplacée sur son site hôte par une réplique exacte d'elle-même.




Approuvé par Stephen King dès sa sortie sur Netflix via un tweet qui, à lui seul, a presque réussi à lancer un début de hype, Cam bénéficie d'un accueil assez favorable. Les comparaisons avec Black Mirror vont en ce sens et se veulent flatteuses, étant donné l'excellente réputation dont jouit cette série. Une réputation selon moi très exagérée puisque, malgré toutes ses bonnes intentions, cette anthologie dystopique offre généralement, à partir d'idées alléchantes, des épisodes très creux, tournant vite en rond et dont on a tôt fait de saisir le petit message. Cette association heureuse est donc un compliment à nuancer car, en réalité, ce film partage tous les défauts d'une série télé dont il passe pour un épisode que l'on aurait laborieusement rallongé. Il faut en effet attendre 30 bonnes minutes pour que l'intrigue se mette en place et que notre camgirl découvre, stupéfaite, son imitation à l'écran.




Avant cela, Daniel Goldhaber, s'appuyant sur un scénario écrit par une véritable ex-camgirl Isa Mazzei avec laquelle la paternité du film est partagé, prend son temps pour installer son personnage principal et pour nous familiariser avec son gagne-pain ma foi très atypique. Il est tout naturel d'être un minimum intrigué par l'univers qui nous est ici dépeint avec précision et qui s'avère particulièrement propice à une ambiance glauque et malsaine. En filmant très simplement sa camgirl dans son décor de princesse rose bonbon, Daniel Goldhaber ne tombe jamais vraiment dans le sordide ou le racoleur, mais n'y est parfois pas très loin. Son intérêt réel pour le personnage qu'il tente de faire exister supplante le reste et évite ces écueils, l'interprétation solide de Madeline Brewer aidant beaucoup.




Hélas, le film s'enlise progressivement, ne réussit pas à prendre son envol et à développer un vrai suspense à partir du moment où la jeune femme enquête sur sa copie, alors que c'est à partir de là qu'il devrait décoller. Le scénario paraît alors beaucoup plus brouillon, s'éparpille et ne prend aucune direction claire, échouant lamentablement à créer la moindre tension. Cam devient franchement laborieux et long, se plantant dans tous les tableaux, côté satire comme côté thriller. C'est dommage, car il y a bien ici ou là quelques amorces d'idées intéressantes qui auraient effectivement pu donner quelque chose. On relève un peu la tête lors de ce passage en plan séquence lors duquel Alice se rend à l'anniversaire de son débile de petit frère qui n'a rien trouvé de mieux à faire que répéter à tous ses potes que sa sœur fait du porno. A la fin de cette scène, le secret finit par s'éventer, le portable du frère atterrissant sous les yeux de la mère, pas spécialement réjouie, devant les nombreux invités médusés. Malaise...




La scène finale, qui propose une mise en abyme poussée à l'extrême où Alice fait face à son double, aurait pu être excellente mais l'idée, là encore, n'est pas convenablement exploitée. C'est à l'image du film entier, et de la série auquel il fait immanquablement penser : il y a là du potentiel, un sujet accrocheur et original et quelques avortons d'idées, pour un résultat final assez creux et inoffensif. Pas terrible, donc, mais amplement suffisant pour figurer en bonne position dans le top annuel de Stephen King, aux côtés d'une saloperie comme Sans un bruit, et facilement supérieur aux standards Netflix...


Cam de Daniel Goldhaber et Isa Mazzei avec Madeline Brewer (2018)

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