On lit parfois au sujet de ce film qu'il présente un duo de stars au faîte 
de sa beauté et de la grâce, bon, soit, mais aussi de la sensualité. Je ne partage pas vraiment cette vision. Certes Monty Clift perdit un peu de sa superbe, 
sans rien perdre de son talent, quelques années après le tournage d'Une place au soleil,
 suite à un grave accident de voiture qui le défigura et dont il ne 
réchappa que grâce à Elizabeth Taylor elle-même, dont la maison se 
trouvait juste à côté des lieux. Mais, pour ce qui est de Liz Taylor, 
elle est ô combien plus irrésistible ailleurs que devant la caméra de 
Georges Stevens. Il suffit de citer, parmi les nombreux films où elle est renversante, Soudain l'été dernier, un de ces titres dont elle partagea à nouveau l'affiche avec son grand 
ami et quasi-amant Montgomery. Et si l'on
 pense à la belle scène de baiser du film, sur le balcon d'une fête
 mondaine, elle marque moins par sa sensualité que par 
l'étrange façon dont Stevens la filme : le bas des visages, les bouches, sont à demi voilées par les épaules prises en 
amorce, au point que l'essentiel, l'instant fatidique de cette relation qui doit rester secrète, les 
lèvres qui s'embrassent, n'apparaît pas à l'écran. Mais nul doute que cette scène, portée 
par la mémorable musique de Franz Waxman, a déjà été commentée mille 
fois.
Ma remarque au sujet de la toute
 relative sensualité de ce film ne lui enlève rien. Son 
intérêt n'est pas tant là, à mes yeux, ni vraiment dans la dénonciation,
 elle aussi plutôt modeste, du rêve américain (le titre en dit plus long
 là-dessus que le film lui-même), que dans le terrible dilemme qui 
déchire son personnage principal d'abord, puis celui, non moins 
terrible, qui, malgré la décision de justice finale (il faut bien que 
morale se fasse), aurait dû déchirer le jury du tribunal et torture, 
quoi qu'il en soit, le spectateur. L'histoire, pour la résumer très 
vite, est celle de George Eastman (Montgomery Clift), jeune fils de 
parents pauvres, qui traverse le pays pour se rendre dans l'usine de son
 oncle, magnat de l'industrie, afin de solliciter de sa bienveillance une 
place tout en bas de l'échelle. Sitôt fait, George s'éprend d'une 
petite ouvrière, Alice (Shelley Winters), en dépit des règles de 
l'entreprise qui veulent qu'aucun couple ne s'y crée. L'idylle est 
bientôt consommée et la jeune Alice tombe enceinte. Seule ombre au 
tableau : George, entretemps, est tombé sous le charme d'Angela Vickers 
(Elizabeth Taylor), belle héritière de la bonne société, qui en pince 
aussi pour lui, et dont la main lui offrirait au surplus ce que promet le titre du film.
Tiraillé 
entre sa sympathie pour Alice qui, pauvre et sans soutien, bientôt 
fille-mère vouée au déshonneur, compte absolument sur lui, et sa passion
 irrépressible pour la belle Angela, George passe ses nuits et ses jours
 à chercher une issue à cette situation impossible, prostré dans ses 
pensées, toujours ailleurs, triste, "blue" comme le qualifie Angela. La
 solution qui s'offre à lui : se débarrasser d'Alice, laquelle, sous le poids du désespoir, menace de tout
 révéler de leur liaison et de son comportement, pour aller batifoler 
avec Angela. La manœuvre consiste, et c'est là que je révèle forcément 
des éléments-clés de l'intrigue, à inviter Alice pour une balade en 
barque sur un lac peu fréquenté pour la foutre à l'eau, sachant 
qu'elle ne sait pas nager, ni vu ni connu. Au moment fatal cependant, 
George, qui reste un bon bougre, hésite, puis renonce à ce projet 
funeste. Mais Alice s'agace, s'emporte, se lève et fait tanguer 
l'embarcation qui finit par se retourner. Les deux amants sont à l'eau. 
Plan suivant : George sort du lac, trempé, traverse la forêt, 
tombe sur un groupe de campeurs qui plus tard le confondront, et regagne
 la demeure des Vickers en attendant que la police vienne lui mettre le grappin dessus. 
Durant son procès, George assure qu'il avait renoncé à commettre son forfait, qu'il n'y est pour rien dans le chavirement de la barque
George n'a pas tué Alice mais il a souhaité sa mort, l'a organisée. Il a, en tout cas, réuni toutes les conditions de sa disparition. La question qui me taraude, face à ce cas, c'est ce qu'en auraient fait les précogs de Précrime. Agatha, Terrence et Philippe auraient-ils fait condamner par avance George Eastman, qui a prémédité son crime, l'a fomenté et quasiment réalisé. Le meurtre, tel que préparé, a finalement lieu, et la victime est morte. Mais au dernier instant, le libre-arbitre fait son œuvre, et si tout s'est déroulé comme il l'avait imaginé, avec le résultat terrible qu'il espérait, George n'est pas directement coupable de meurtre. Dans un crossover d'Une place au soleil et Minority Report, y'aurait-il rapport minoritaire ? Comment réagira Tom Cruise ? A-t-il vu ce film ? Qu'en a-t-il pensé ? Ces questions me bouffent. Help.
Durant son procès, George assure qu'il avait renoncé à commettre son forfait, qu'il n'y est pour rien dans le chavirement de la barque
- ça, nous l'avons vu - et qu'une fois à 
l'eau, il a essayé de rejoindre Alice pour l'aider, mais trop tard, elle
 avait déjà sombré - or ça, nous ne l'avons pas vu... Nous en sommes 
réduits à sa parole, comme les jurés et le juge du tribunal qui 
s'efforcent de démêler le vrai du faux. Si George n'a pas vraiment essayé 
de repêcher Alice, il est à tout le moins coupable de non-assistance à 
personne en danger. Ce qui ne mérite probablement pas la peine de mort. Quoi qu'il en soit, qu'il ait tenté de sauver Alice des eaux ou pas, George n'est pas coupable d'homicide volontaire. Nous le savons. Mais il 
reste coupable de mise en danger de mort avec préméditation. C'est un 
peu comme mettre un pote qui souffre de vertige et ne sait pas nager debout sur le parapet au-dessus des chutes du Niagara et voir ce qui se passe, les mains dans les poches.George n'a pas tué Alice mais il a souhaité sa mort, l'a organisée. Il a, en tout cas, réuni toutes les conditions de sa disparition. La question qui me taraude, face à ce cas, c'est ce qu'en auraient fait les précogs de Précrime. Agatha, Terrence et Philippe auraient-ils fait condamner par avance George Eastman, qui a prémédité son crime, l'a fomenté et quasiment réalisé. Le meurtre, tel que préparé, a finalement lieu, et la victime est morte. Mais au dernier instant, le libre-arbitre fait son œuvre, et si tout s'est déroulé comme il l'avait imaginé, avec le résultat terrible qu'il espérait, George n'est pas directement coupable de meurtre. Dans un crossover d'Une place au soleil et Minority Report, y'aurait-il rapport minoritaire ? Comment réagira Tom Cruise ? A-t-il vu ce film ? Qu'en a-t-il pensé ? Ces questions me bouffent. Help.
Une place au soleil de George Stevens avec Montgomery Clift, Elizabeth Taylor, Shelley Winters et Raymond Burr (1951)
 





 
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