Rarement agréable de prendre un film en cours de route... Mais ça peut l'être. Par exemple The Grass is Greener, de Stanley Donen. Je suis monté à
bord avec quelques minutes (cinq, dix ?) de retard, suffisamment pour
que le décor soit déjà planté, les personnages déjà présentés et
l'intrigue lancée. Je suis arrivé sur les lieux sans préambule, en
l'occurrence au beau milieu du salon de la grande propriété de lord
Rhevyll (Cary Grant), salon dans lequel son épouse, interprétée par l'anglaise Deborah Kerr,
était manifestement aux prises, depuis quelques temps déjà, avec un
touriste américain sous les traits de Robert Mitchum. J'apprends alors, par bribes, que
Cary Grant et Deborah Kerr sont des aristocrates plus ou moins fauchés,
qu'ils ne vivent que dans quelques pièces de leur propriété, ouvrant les autres aux visiteurs moyennant finance afin de joindre les deux bouts,
que leurs deux enfants sont en vacances, que madame cultive et vend des
champignons..., que monsieur a engagé un nouveau domestique ancien
militaire et futur écrivain, et que Robert Mitchum, milliardaire de son
état, est venu ici pour visiter la baraque et compte bien repartir
avec la maîtresse de maison. Ce qui, à vue de pif, ne saurait tarder.
Le film n'est pas véritablement un
chef-d’œuvre, mais il est suffisamment agréable et plaisant pour que
l'on s'y sente tout de suite assez bien, y compris - ou plus encore - si l'on arrive en
retard. Au surplus, voir l'élégante Deborah Kerr céder, au bout de quelques
minutes seulement (divisées par deux ou trois pour moi, soit un rien de temps) au charme et aux
avances du hiératique Mitchum, après quelques présentations vite fait
bien fait, quitte à l'embrasser à pleine bouche une minute avant
l'arrivée dans la pièce du volubile, pépère et déjà cocu Cary Grant, puis rêver
de lui dans son bain, sur son canapé, dans sa chambre, partout, couchée déjà, sourde au reste du monde, le regard dans le vide, et
finalement s'en aller assouvir ses désirs dans quelque hôtel londonien
avec la quasi-bénédiction de son mari pas naïf pour un sou mais plus
triste et calculateur que sanguin et jaloux, a quelque chose, bizarrement, de
particulièrement touchant. Et, à défaut de rendre spécialement passionnant le duel au pistolet opposant dans un couloir les deux amants rivaux, cela ajoute, en fin de compte, au charme du
personnage féminin (lequel en dégageait déjà beaucoup, dans son pull et ses
soquettes jaunes), qui fait à lui (presque) seul le charme du film.
Ailleurs, l'herbe est plus verte de Stanley Donen avec Deborah Kerr, Cary Grant et Robert Mitchum (1960)
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