Ce qui saute d'abord à la gorge quand on a comme moi l'idée profondément débile de se lancer dans ce deuxième volet de la saga Sin City, c'est la laideur permanente du film. Contrairement au premier opus, sorti en 2005, dont les images recelaient quelque relief, un grain un peu crade permettant aux personnages et aux lieux de s'incarner peu ou prou dans le noir et blanc de l'image (pour le peu de souvenirs qu'il m'en reste, car je n'avais déjà rien à secouer de ce genre de film, encore plus quand ils sont signés par le papa des innombrables Spy Kids), ici tous les plans sont lisses, plats, sans profondeur, on glisse dessus de même que la voix-off qui inonde constamment la bande-son pisse joyeusement dans un violon (voix-off qui du reste nous prend tous pour des fans de la première heure, dans la confidence, déblatérant des noms de personnages à tort et à travers et faisant référence à des
événements du premier épisode dont on ignore tout et dont on se fout éperdument). L'impression est assez pénible — la faute à ce lissage de l'image et à des cadrages surexplicatifs souvent hideux, notamment quand le dénommé Marv est aidé par des adjuvants fantômas au début du film — de subir une triste scène cinématique de jeu vidéo sans fin, que l'on rêverait de zapper d'un "start/select" libérateur.
Et puis on finit par essayer de s'intéresser quand même à ce que ça raconte. Et on découvre un pur film de beauf, fasciné par les gros bras, les belles bagnoles, le poker et les putes, où tous les hommes sont de vrais mecs bourrus et cabossés, ultra violents mais dotés de cœurs gros comme ça, et où toutes les femmes sont des trainées. Encore faut-il accepter d'endurer les monologues narratifs et les dialogues débités par tous les acteurs mâles (Mickey Rourke et Josh Brolin en tête) avec la même voix d'outre-tombe rocailleuse, surjouée et ridicule, de vieux routiers cyniques et endurcis. Tous les personnages sont des frimeurs-nés, à commencer par celui qu'interprète le pourtant freluquet Joseph Gordon-Levitt, antonyme humain de la notion même de charisme. Ils friment quand ils parlent, quand ils marchent, quoi qu'ils fassent, filmés par un frimeur fini, Robert Rodriguez, qui se la joue comme jamais. Rodriguez, sur ce plan, ne vaut pas plus cher que son ami de toujours, Quentin Tarantino, dont la carrière se découpe, si l'on veut, en deux grandes parties, l'avant et l'après Kill Bill, et qui depuis ce dernier diptyque se confond, lui aussi, dans la vacuité et dans la pose, à l'image de son Django, bellâtre de l'ouest, esclave metro sexuel, vengeur classe mannequin, coquille vide en parure de mode, avec ses répliques de fanfaron qui donnent bizarrement envie de le torturer. Rodriguez et Tarantino, qui ont déjà collaboré maintes fois, par exemple sur Une nuit en enfer (le premier à la réalisation, le second au scénario) devraient co-réaliser leurs prochaines daubes, tant qu'à faire, tels Alain Souchon et Laurent Voulzy qui, après avoir travaillé et couché ensemble toute leur vie, viennent de réaliser un album en commun. A ce propos, peu de gens le savent mais au départ ils s'appelaient Alain Souchy et Laurent Voulzon.
Sin City : J'ai tué pour elle de Robert Rodriguez et Frank Miller avec Eva Green, Josh Brolin, Jessica Alba, Mickey Rourke, Rosario Dawson, Joseph Gordon-Levitt et Bruce Willis (2014)
Et puis on finit par essayer de s'intéresser quand même à ce que ça raconte. Et on découvre un pur film de beauf, fasciné par les gros bras, les belles bagnoles, le poker et les putes, où tous les hommes sont de vrais mecs bourrus et cabossés, ultra violents mais dotés de cœurs gros comme ça, et où toutes les femmes sont des trainées. Encore faut-il accepter d'endurer les monologues narratifs et les dialogues débités par tous les acteurs mâles (Mickey Rourke et Josh Brolin en tête) avec la même voix d'outre-tombe rocailleuse, surjouée et ridicule, de vieux routiers cyniques et endurcis. Tous les personnages sont des frimeurs-nés, à commencer par celui qu'interprète le pourtant freluquet Joseph Gordon-Levitt, antonyme humain de la notion même de charisme. Ils friment quand ils parlent, quand ils marchent, quoi qu'ils fassent, filmés par un frimeur fini, Robert Rodriguez, qui se la joue comme jamais. Rodriguez, sur ce plan, ne vaut pas plus cher que son ami de toujours, Quentin Tarantino, dont la carrière se découpe, si l'on veut, en deux grandes parties, l'avant et l'après Kill Bill, et qui depuis ce dernier diptyque se confond, lui aussi, dans la vacuité et dans la pose, à l'image de son Django, bellâtre de l'ouest, esclave metro sexuel, vengeur classe mannequin, coquille vide en parure de mode, avec ses répliques de fanfaron qui donnent bizarrement envie de le torturer. Rodriguez et Tarantino, qui ont déjà collaboré maintes fois, par exemple sur Une nuit en enfer (le premier à la réalisation, le second au scénario) devraient co-réaliser leurs prochaines daubes, tant qu'à faire, tels Alain Souchon et Laurent Voulzy qui, après avoir travaillé et couché ensemble toute leur vie, viennent de réaliser un album en commun. A ce propos, peu de gens le savent mais au départ ils s'appelaient Alain Souchy et Laurent Voulzon.
Sin City : J'ai tué pour elle de Robert Rodriguez et Frank Miller avec Eva Green, Josh Brolin, Jessica Alba, Mickey Rourke, Rosario Dawson, Joseph Gordon-Levitt et Bruce Willis (2014)
L'idée de mater ce film ne m'avait jamais effleuré l'esprit, et je suis encore plus sûr désormais qu'elle ne l'effleurera jamais ; mais je suis très content que tu aies eu cette espèce de curiosité de ton côté afin de l'épingler si efficacement et joliment !
RépondreSupprimer(j'espère que tu as choisi l'affiche censurée en Amérique, celle où le haut d'Eva Green est plus transparent...)
RépondreSupprimerJaspert > Je me suis dit "tiens y'a deux affiches, l'une censurée l'autre pas", avant de la chercher, puis au moment de la chercher je me suis dit que j'en avais rien à secouer. J'ai peut-être eu tort :)
RépondreSupprimerDans The Salvation, on ne lui voit pas les seins, mais il y a une scène qui les met tout de même très très en avant, où ils se gonflent et se soulèvent au rythme de sa respiration. Pas désagréable. Mais le film est bidon, hélas. :(
RépondreSupprimerhttp://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/14/08/14/10/47/562081.jpg
si effectivement je partage l'avis sur ce film BIC (...jetable , donc) d'un robert Rodriguez qui confirme de 'films' en "films" (j'ai même du mal a l'écrire !)qu'il est un gros branleur (jetable donc ), par contre je ne vous rejoint pas sur l'amalgame faite avec tarentino (et de fait la vision de son Django),qui partage comme seul point commun avec le mexicain que son amitié ... mais toutes les vérités sont bonnes a dire, et la lecture de vos chro reste toujours un agréable moment auquel je m'adonne régulièrement . longue vie a votre blog ...I don't want to Kill IL (humour de fan courroucé )
RépondreSupprimerMerci d'abord :)
RépondreSupprimerEnsuite, concernant la pique à Tarantino, elle peut sembler un peu gratuite balancée comme ça dans cet article, mais je pense que cette tendance à se la jouer (le cinéaste aussi bien que ses personnages) est un vrai problème chez Tarantino, notamment depuis Kill Bill. Son cinéma dans son ensemble est certes moins au ras des pâquerettes que celui de son pote Rodriguez, mais ils peuvent plus ou moins se tenir la main sur ce point.
Ce film m'a grandement servi. En respectant autant la bd et l'univers de Frank Miller il m'a fait enfin comprendre -peut-être ai-je vieilli- à quel point ce dernier était surcoté et ses comics globalement insignifiants.
RépondreSupprimerMais j'ai aimé (a posteriori) ma minute de panique au bout de quelques instants de film au MK2 Gambetta "mais putain, qu'est-ce que je fous là?"
Pas mal :)
RépondreSupprimerOn sent bien qu'au sein du roman « hard-boiled », la référence lointaine de Rodriguez-Miller-Tarantino (car ils s'y sont mis à trois...) dès le premier 'Sin City' n'était pas la tradition de Dashiell Hammett / Raymond Chandler, assez raffinée (et pas non plus celle de James Hadley Chase ou de James Cain), mais celle du très médiocre Mickey Spillane. Spillane, cela peut devenir formidable quand c'est transcendé par Robert Aldrich dans 'En 4ème vitesse', mais pris au pied de la lettre de son machisme droitier et bas du front, cela donne... 'Sin City'.
RépondreSupprimerA propos de film noir, je me permets de copier ici les propos, très justes, d'Olivier Leclere, en réaction à l'annonce facebook de cet article :
RépondreSupprimer« Le pire - au dela des images - c'est le côté film noir ringard type : "je me suis reveillé j'ai mal à la tête et au foie, j'ai du sang sur le tee shirt, hop un cacheton pour freiner mes démons interieurs, je ne me souviens plus de rien etc" Vraiment pénible. Autrement le film se regarde si vraiment on s'emmerde... »
Et comme je le disais en réponse à son propos sur le réseau social merdique sus-nommé, "Ces clichetons épuisés du genre ont d'ailleurs été resservis à l'envi dans tous les jeux vidéo du monde. Ils participent eux aussi à donner l'impression de regarder une horrible scène cinématique d'introduction de jeu vidéo attardé, mais qui durerait deux heures", quitte à me citer moi-même avec tout le ridicule que cela implique.
Jamais lu Spillane (a-t-il été adapté au cinéma par un autre qu'Aldrich ?), mais tu ne donnes pas envie de s'y pencher. J'ai tenté en revanche Hammett et Chandler, mais dans un cas comme dans l'autre ça m'est tombé des mains (peut-être bien au bout du même nombre de pages !).
Eva Green = à poil. Me voilà matheux !
RépondreSupprimerBeurk et re-beurk!!!
RépondreSupprimerÀ l'occasion, Rémi, redonne une chance à Hammett, par exemple en allant piocher dans l'intégrale de ses nouvelles publiées en français : 'Coups de feu dans la nuit'. (J'aime aussi beaucoup le titre d'un recueil de ses lettres : 'La mort, c'est pour les poires'.)
RépondreSupprimerDe Chandler, j'aime tous les romans archi-célèbres qui me sont tombés sous les yeux (et non pas des mains, dans mon cas !), mais aussi sa correspondance dans laquelle on trouve deux lettres inoubliables : celle qu'il écrit à un ami après la mort de sa femme, sans doute la lettre d'amour la plus bouleversante que je connaisse avec celle, célèbre, de Sullivan Ballou ; et deux autres hilarantes, l'une adressée à l'employé d'une revue qui s'est apparemment permis de modifier une de ses nouvelles, et l'autre à un lecteur (ou à un journaliste, je ne me rappelle plus) qui lui demande s'il est dans la vie, lui Raymond Chandler, comme son personnage Sam Spade. Il y a aussi une très bonne lettre sur la raison pour laquelle la télé ne peut que « l'emporter », au quotidien, sur le cinéma, et encore une autre où il parle en termes très convaincants d'acteurs hollywoodiens, dont Humphrey Bogart (« Bogart, c'est l'article extra »).
Ah bon, elle est célèbre la lettre de Sullivan Ballou ? Je suis tombé dessus quand j'étais petit, dans un petit livre sur la guerre de sécession, et je l'ai lue et relue des dizaines de fois ensuite. Adolescent j'ai même écrit une sorte de nouvelle dans laquelle j'imaginais (sans doute comme une buse) la vie de ce Sullivan Ballou, jusqu'à Bull Run.
RépondreSupprimerJ'essaierai de lire les lettres de Chandler un jour.
Ah, et je précise que de Hammett et Chandler je n'ai tenté que deux romans parmi les plus célèbres, sans doute les plus fameusement adaptés au cinoche, soit "Le Faucon maltais" et "Le Grand sommeil". Le récit du Hammett, plus clair que celui du Chandler, m'a assez plu, en revanche l'écriture du second, plus drôle, m'a davantage séduit (Wilder, qui a travaillé avec Chandler sur le scénario d'"Assurances sur la mort", d'après un roman de James M. Cain - l'as-tu lu, celui-ci ? - disait d'ailleurs que Chandler était mauvais pour construire des histoires claires mais qu'il pouvait le tuer de rire d'une phrase). Mais dans les deux cas j'ai fini par décrocher devant le systématisme de l'écriture, son côté bien rôdé, pépère, sans surprise, et, pour Chandler donc, face à une histoire à laquelle je finissais par ne plus rien piger.
RépondreSupprimerHello Rémi,
RépondreSupprimerDisons que la lettre d'amour de Sullivan Ballou est RELATIVEMENT plus célèbre que celle de Chandler !
De Chandler, 'La Dame du lac' est un des livres qui me laissent le meilleur souvenir. De James Cain, je n'ai lu que 'Le facteur sonne toujours deux fois' et 'Mildred Pierce' : excellentes lectures !
Le Mildred Pierce de Curtiz, avec Joan Crawford, m'avait laissé un souvenir mitigé (mais surtout très vague et lointain). En revanche je n'ai vu aucune des adaptations du Facteur.
RépondreSupprimerMoi non plus, pas un très grand souvenir du Curtiz, vu avant de lire le roman (pas vu la série télé récente). Quant aux quatre premières adaptations cinématographiques du 'Facteur' (dont la première par Pierre Chenal et la seconde par Visconti !), aucune ne me semble rendre vraiment honneur au livre de Cain (chacune a en revanche ses qualités spécifiques). Je découvre sur Wikipedia que le livre a encore été adapté trois fois depuis la version de Bob Rafelson en 1981 : en Hongrie, en Malaisie et en Allemagne !
RépondreSupprimer"Le Faucon Maltais" fait partie de ces livres que j'ai été obligé de lire au collège et qui m'ont bien dégoûté... :(
RépondreSupprimerMoi j'ai rien lu au collège. Ni après d'ailleurs.
RépondreSupprimerSim City, j'ai clamsé pour elle :(
RépondreSupprimerSIN SI TEEN , et donc si peu mature....
RépondreSupprimerPas toujours d'accord ! Chez Chandler, c'est justement ça qui est hors du commun : comment toutes les rencontres, toutes les péripéties ne paraissent pas liées entre elles, comment les êtres sont définitivement opaques... on baigne dans un univers de mystère d'une densité incroyable, je trouve que c'est un délice de s'y perdre... et ce n'est pas du tout gratuit puisque ça permet de décrire toute l'hypocrisie, les pièges et cynisme d'une grande bourgeoisie. "The Long Goodbye" aussi est superbe (et à mourir de rire par moments) et si vous avez vu "Le Privé", ça vous intéressera !
RépondreSupprimerCain me paraît beaucoup moins brillant, beaucoup moins littéraire ; je ne me souviens plus du "Facteur", ça doit être pas mal en effet... mais son "Mildred Pierce", désolé, je le trouve banalement écrit, sans mystère, une héroïne qui fait toujours ce qu'il faut, à qui les gens font des coups bas ou qu'ils manipulent, mais qui se relève toujours, c'est pas folichon et ça relève plus du mélodrame que du roman noir. La mini série de Todd Haynes m'avait intéressé à cause de "Loin du paradis", eh bien on peut s'en passer : c'est l'adaptation scène par scène du livre et au moins une fois quand le narrateur raconte le passé de Mildred sans dialogue, alors que ça approfondissait les relations avec son mari, ils ont purement tout enlevé, on ne va pas trop se casser la tête non plus. C'est donc passablement paresseux mais c'est pas mal au final, tout en étant joli, bien joué et sans aucune surprise et sans grande force non plus, il me semble.
Sa nouvelle "Assurance sur la mort" a une fin carrément pathétique, je vous la pourris de bon coeur pour vous éviter de perdre du temps à la lire : les deux amants quittent ensemble le pays sur un paquebot mais, pris de remords, ils se jettent dans l'eau infestée de requins. FIN. J'ai vaguement l'impression que je me trompe de nouvelle, en fait mais sinon, ça fait moins rêver que le film (génial), hein....
Merci d'avoir survécu à "Sin City" pour nous le raconter et nous l'éviter, ça a l'air juste horrible et tout aussi débile que le premier o_O
Cecil Faux
C Faux !
RépondreSupprimerJe me souviens quand même avoir apprécié le premier Sin City, la réalisation que toutes les histoires confrontent des marginaux, des paumés, des putes et autres losers face aux nantis, aux puissants intouchables (je parle pas du film avec Omar Sy). A la fin, les moins que rien gagnent, le film rejoignant ici une certaine thématique du western spaghetti, avec en outre cette esthétisation de la violence et de la mort, avec ces ces corps meurtris, mutilés, mis à mort (électrocution, pendaison) face au jusqu'au boutisme inébranlable des anti-héros. Pas un grand film, et Sin City n'est pas non plus ce que Frank Miller a fait de mieux, mais le film met au moins en lumière ces éléments, en condensant ce qui s'étend sur plusieurs albums de BD. Il y a quand même un petit quelque chose dans Sin City que vous ne trouverez pas dans les rodriguezeries habituelles.
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